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Agriculture

Le défi de la poire sud-africaine

La France envahie par des poires sud-africaines.DR
La France envahie par des poires sud-africaines.
DR
Les organisations professionnelles des fruits et légumes pourraient mettre en place, en concertation avec le ministère de l’Agriculture, un système qui limiterait la dégringolade des prix des fruits français. Ils souffrent de la concurrence des importations sud-africaines. Cet été, c’est la poire la plus menacée.

Ce n’est pas la première fois que les fruits et légumes français souffrent, pendant l’été, d’un effondrement des prix. Cette année, le gouvernement a prévu un système pour soutenir les ventes. La première étape, lorsque des fruits ou des légumes sont achetés à un prix de revient trop bas pour les producteurs, c’est de faire des campagnes d’information pour mettre en valeur ces fruits sur les étalages des supermarchés. Des spots publicitaires vantent la qualité de ces fruits pour que les consommateurs n’oublient pas de les acheter avant la fin de la saison.

La deuxième phase du dispositif, c’est la mise en œuvre d’un coefficient multiplicateur. Il entre en action après concertation entre les organisations professionnelles et le ministère de l’Agriculture. Cette nouvelle procédure doit permettre de réduire l’écart entre le prix d’achat des fruits depuis la cueillette dans les vergers et le prix affiché dans les points de vente. «C’est une manière de bloquer les marges des intermédiaires», explique-t-on à la Fédération nationale des producteurs de fruits. L’organisation professionnelle s’interroge cependant sur l’efficacité de ce dispositif dans la crise actuelle. «On est dans une situation de prix bas à la production et à la vente aussi». Cette fois, remarque la fédération, l’attitude de la grande distribution n’est pas en cause, les marges sont raisonnables. Et il n’est pas certain que le coefficient multiplicateur s’applique aux importations alors que ce sont elles qui, cette fois, posent problème.

La Guyot laminée

Une poire précoce, la Guyot, que l’on trouve habituellement en été chez les marchands de fruits et légumes, subit cette année la concurrence de poires sud-africaines. Résultat, le prix de la Guyot a chuté en quelques jours de plus d’un tiers pour tomber sous les cinquante centimes d’euro le kilo. Les producteurs de poires du sud-est de la France ont commencé des opérations commando contre les poires importées. Pas moyen pour eux de faire une percée dans un pays voisin, la poire sud-africaine s’est imposée partout cet été.

Les fruits français ne sont pas protégés contre les importations étrangères et si cette fois c’est l’Afrique du Sud qui fait souffrir les producteurs français, ces derniers pourraient bien subir d’autres assauts. Le Chili, l’Argentine, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, ou encore les pays de l’Est sont des concurrents possibles. Dans tous ces pays, les conditions climatiques permettent de faire pousser des arbres fruitiers et d’obtenir à peu près les mêmes variétés de fruits et légumes qu’en France. «Probablement à cause de l’euro fort, les sociétés d’import ont jugé bon de faire des commandes massives dans l’hémisphère sud, qui se retrouvent aujourd’hui en concurrence avec nos productions françaises» explique Edenys, une société qui commercialise les fruits d’une coopérative du département du Gard.

Le coût de la main-d’œuvre

Les producteurs français avaient déjà du mal à faire face à la concurrence des fruits espagnols dont les coûts de production restent toujours moins élevés qu’en France. Ces producteurs français sont maintenant confrontés à l’arrivée de produits d’origine plus lointaine. Le secteur, qu’il s’agisse de la cueillette ou du conditionnement, fait appel à beaucoup de main-d’œuvre. Elle représente un coût dont une partie apparaît dans le prix de revient, beaucoup plus important en France.

A cette crise s’ajoute la désaffection des consommateurs pour les fruits. Une enquête réalisée à la demande des organisations professionnelles montre que depuis l’an 2000, les Français mangent de moins en moins de fruits. La qualité (fruits pas mûrs) et le prix trop élevé sont certainement en cause. Toujours selon cette enquête, le public achète de plus en plus de denrées alimentaires dans les magasins de hard discount, et bien sûr aussi des fruits. Dans ce domaine des produits frais, montre l’étude, et sur sept ans, les plus fortes évolutions en volume concernent d’abord les fruits «métropolitains». Les ventes sont en hausse de +126%, avec une pointe à +187% pour la poire, talonnée de près par la pomme avec une augmentation des ventes de +169%. Pas étonnant donc que l’enseigne Lidl qui revendique les plus bas prix ait choisi cet été les poires sud-africaines, moins chères que les françaises. C’est d’ailleurs chez Lidl que le problème a éclaté. Des producteurs de fruits français ont saccagé un supermarché de cette marque pour détruire ces poires concurrentes au tarif imbattable.

Le seul espoir peut-être des producteurs français, c’est une montée spectaculaire du prix du pétrole qui ferait hésiter à transporter des denrées alimentaires d’un bout à l’autre de la planète. Pour le moment, même si le prix du baril reste élevé, il n’empêche pas ces échanges commerciaux planétaires.            


par Colette  Thomas

Article publié le 03/08/2005 Dernière mise à jour le 03/08/2005 à 15:59 TU