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Sénégal

Permis de comparaître pour Idrissa Seck

Idrissa Seck continue de s'exprimer depuis sa cellule via des entretiens exclusifs à des journaux ou des enregistrements qui font la Une des médias surtout privés.(photo : AFP)
Idrissa Seck continue de s'exprimer depuis sa cellule via des entretiens exclusifs à des journaux ou des enregistrements qui font la Une des médias surtout privés.
(photo : AFP)
L'Assemblée nationale sénégalaise l'a décidé ce mercredi: l'ancien Premier ministre peut comparaître devant la Haute cour de justice, une institution habilitée à juger les membres et chefs du gouvernement pour des actes qualifiés de «crimes» ou «délits», commis dans l'exercice de leurs fonctions. Mais le permis de comparaître ne concerne pas qu'Idrissa Seck, accusé, notamment, de malversations financières portant sur plusieurs milliards de francs CFA. Il vise aussi l'actuel ministre de l'Habitat et de la Construction, Salif Bâ.

De notre correspondante à Dakar 

Sur les 120 députés de l'Assemblée nationale, 104 avaient le droit de voter, les 16 autres ne pouvant y participer parce qu'étant membres titulaires ou suppléants de la Haute cour de justice. Soixante-neuf parlementaires ont voté pour et 35 contre le projet de mise en accusation visant Idrissa Seck et Salif Bâ en relation avec l'enquête sur «les chantiers de Thiès», une ville à 70 kilomètres à l'est de Dakar. Le vote, qui s'est déroulé en séance plénière et à bulletin secret, valide donc toute accusation exigeant la comparution des deux hommes devant la Haute cour de justice. Mais le projet de texte ne visait, au départ, qu’ Idrissa Seck, par ailleurs actuel maire de Thiès.

«Les griefs du gouvernement» à l'encontre de M. Seck font état notamment d' «un dérapage financier» durant son mandat de Premier ministre dans le cadre de travaux à Thiès censés permettre à la ville d'accueillir en avril 2004 les manifestations pour la fête de l'indépendance du Sénégal. Ce «dérapage financier», établi selon les autorités par des enquêtes de l'Inspection générale d'Etat (IGE), consiste en un «écart important» entre la somme de 20 milliards de FCFA (près de 30,5 millions d'euros) «exceptionnellement autorisée» pour ces travaux par le président sénégalais Abdoulaye Wade, et le montant utilisé de «plus de 46 milliards de FCFA (plus de 70,1 millions d'euros) supportés par le budget de l’Etat, sans autorisation du parlement», affirme le ministre de la Justice, Garde des sceaux, Cheikh Tidiane Sy, dans un courrier adressé au président de l'Assemblée nationale, Pape Diop. Le même document parle également de «faits de violation flagrante des règles budgétaires, dont certains sont directement et personnellement imputables à l'ancien Premier ministre», à qui il est par ailleurs reproché «la dissimulation de comptes bancaires de l'Etat» au moment de la passation de service avec son successeur, Macky Sall.

Débat houleux

L'opposition parlementaire a dénoncé le fait qu’ Idrissa Seck soit le seul à être visé par la résolution de mise en accusation, en estimant que «toutes les personnes citées» dans le rapport d'enquête de l'IGE, dont des ministres en fonction, devaient également être concernées par le texte. Le groupe Libéral et démocratique (LD, majoritaire) a introduit un amendement, demandant la mise en accusation du ministre de l'Habitant et de la Construction, Salif Bâ, à qui il est reproché des « actes engageant sa responsabilité » en ce qui concerne notamment le «choix d'entreprises dont certaines sont fictives, la passation de marchés de gré à gré et le non-versement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l'Etat».

La séance plénière, qui s'était ouverte hier dans la matinée, s'est achevée en début de soirée après des discussions houleuses. L'opposition a rejeté le texte, la majorité l'a adopté. L'énoncé du vote a été salué par des applaudissements et des cris de joie des députés du pouvoir, qui ont estimé que mercredi était une journée «historique» pour le pays. Les députés de l'opposition ont de leur côté considéré que la majorité nécessaire pour le vote du texte n'avait pas été atteinte.

Interprétation de la loi

La résolution devait être adoptée par «les 3/5 des membres composant l'Assemblée nationale, ce qui représente une majorité de 72 députés, et non les 3/5 des votants, qui en représentent 63», a affirmé l'ex-Premier ministre Moustapha Niasse de l'Alliance des forces de progrès (AFP), en affirmant se fonder sur « la Constitution (qui) est au-dessus de toutes les lois » du pays. Selon Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste (PS), l'opposition parlementaire va saisir le Conseil constitutionnel «pour qu'il interprète la loi».

Pour l'heure, celui qui fut Premier ministre de novembre 2002 à avril 2004 demeure incarcéré à la Maison centrale d'arrêt de Dakar, sise dans le quartier de Rebeuss. Il s'y trouve depuis qu'il a été inculpé, le 23 juillet, pour «atteinte à la défense nationale et la sûreté de l'Etat» après une semaine de garde à vue. Ses avocats ont indiqué avoir eu accès à son dossier mais n'ont pas souhaité communiquer sur le sujet en raison du secret de l'instruction. Les autorités n'ont pas, non plus, indiqué si cette inculpation était relative à l'enquête sur le dossier des « chantiers de Thiès ».

En attendant de nouveaux développements dans l'affaire désormais dite «Idrissa Seck» et perçue par beaucoup comme un feuilleton politico-judiciaire, le principal concerné communique depuis sa cellule via des entretiens exclusifs à des journaux ou des enregistrements qui font la Une des médias surtout privés. Et il continue de réfuter les accusations portées contre lui.


par Coumba  Sylla

Article publié le 04/08/2005 Dernière mise à jour le 04/08/2005 à 13:23 TU