Agriculture
Sécheresse : le maïs en ligne de mire
Photo : AFP
L’association de consommateurs UFC-Que Choisir dénonce la politique de l’eau menée par les agences de l’eau. Ces six entités correspondent aux grands bassins hydrographiques français. A travers ces structures administratives, élus, industriels et agriculteurs organisent la politique de l’eau. En cas de crise, ces agences veillent à une bonne répartition de la denrée naturelle entre les différents utilisateurs. Les agences de l’eau fixent également le niveau des redevances payées notamment par les agriculteurs pour l’irrigation. Ce système d’administration de la ressource en eau s’exporte dans le monde entier. L’association UFC-Que Choisir le critique pourtant car il ne fait pas payer l’eau assez cher aux agriculteurs.
En cette période de pénurie, l’association de consommateurs a comparé les redevances payées par les agriculteurs dans les régions où sévit la sécheresse (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Pays de Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Poitou-Charentes), et le montant de la redevance payée à la collectivité par les agriculteurs du nord de la France par exemple. Résultat, la taxe est plus faible là où il manque le plus d’eau. L’agence de l’eau Adour-Garonne, région du Sud-Ouest de la France, prend 0,23 centime d’euro par mètre cube, l’agence Artois-Picardie taxe à 1,50 centime d’euro le mètre cube.
Une gestion à court terme
L’association laisse entendre que le prix bas de l’eau encourage les agriculteurs à irriguer. On peut cependant se demander si les agriculteurs avaient bien le choix. Souvent, étant donné un hiver déjà pauvre en pluie, ils avaient déjà anticipé en changeant de cultures. Et ils ne pouvaient pas savoir à quel point la situation serait tendue cet été pour l’approvisionnement en eau.
UFC-Que Choisir critique la gestion locale de l’eau avec des arrêtés restreignant au jour le jour les usages. Des mesures structurelles ne sont pas prises notamment concernant l’agriculture irriguée. Alors que le gouvernement doit, à l’automne, adopter une nouvelle loi sur l’eau, l’association veut peut-être surtout interpeller les parlementaires pour les inciter à voter un texte audacieux.
Les agriculteurs ont déjà réduit leur consommation
Les agriculteurs se défendent par la voix de leur principal syndicat, la FNSEA. Christiane Lambert, la vice-présidente, explique que «les redevances (payées par les agriculteurs) ont déjà augmenté et de leur côté, les agriculteurs ont aussi fait beaucoup évoluer leurs méthodes de production : on dépense 14 fois moins pour faire pousser du maïs qu’il y a vingt ans». La représentante des agriculteurs l’indique par ailleurs : les agriculteurs sont prêts à faire plus d’efforts pour anticiper les sécheresses, à condition de ne pas voir augmenter les redevances de manière exponentielle. Car l’époque est aux prix bas pour les productions agricoles. «Il faudrait un débat plus global et apaisé sur ce sujet. Les agriculteurs sont de grands consommateurs, c’est vrai, mais ils ont aussi leur rôle à jouer, notamment dans la création de réserves pendant l’hiver avec la retenue d’eau lors des inondations dans les champs ou dans les prairies», explique encore Christiane Lambert.
Des réserves, on sait faire
Des agriculteurs cultivant du maïs dans le bassin de la Charente, une rivière de l’ouest de la France, ont désormais des réserves d’eau à disposition grâce à la construction de deux barrages sur le cours d’eau. L’eau stockée permet également de soutenir le niveau de la Charente pendant l’été. Les écologistes ont critiqué la construction de ces deux barrages. Pourtant ce programme continue. Des subventions régionales sont accordées aux agriculteurs pour qu’ils construisent des réservoirs afin de couvrir leurs propres besoins. Ces retenues d’eau sont collectives ou individuelles et permettent aux irrigants d’être moins dépendants lorsque des restrictions d’eau ou des tours d’eau sont instaurés. En contrepartie de ces aides, les agriculteurs doivent s’engager par exemple à planter une haie ou à être plus vigilants sur la quantité de produits chimiques utilisés dans les cultures.
Le maïs, pas le plus gourmand
Lorsqu’il y a une période de sécheresse en France, les critiques vont toujours vers les cultures de maïs irriguées. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas dans les pays arides que l’irrigation est la plus développée mais plutôt dans les régions qui reçoivent habituellement beaucoup d’eau de pluie. L’eau étant disponible, l’irrigation permet d’améliorer les cultures, de les diversifier, et d’augmenter les rendements. Selon le CNRS, le maïs n’est d’ailleurs pas la denrée agricole la plus gourmande en eau. Mais l’irrigation en général est grande consommatrice d’eau. D’importantes quantités sont nécessaires pour compenser l’évapotranspiration. Une majeure partie de l’eau d’irrigation retourne d’ailleurs dans l’atmosphère. Au niveau mondial, indique encore l’organisme de recherche français, les prélèvements de l’irrigation représentent environ 70% des prélèvements totaux d’eau.
Le maïs grain, destiné principalement à l’alimentation des volailles et des porcs, est une culture d’été qui demande à être irriguée. Le Sud-Ouest de la France et notamment l’Aquitaine sont spécialisés dans cette culture. Cette région est la première région productrice de France mais aussi la première en Europe. Selon l’organisme interprofessionnel des producteurs de maïs français, Maiz’Europ’, ce maïs est l’une des cultures ayant les meilleurs rendements avec 90 quintaux à l’hectare ; chiffre à comparer aux 75 quintaux à l’hectare pour le blé par exemple. La moitié de ces cultures de maïs grain sont irriguées. La France est le seul pays européen à produire suffisamment pour exporter.
Préparer l’avenir
Certains pays du sud de l’Europe obligent leurs producteurs de maïs à irriguer… En France, les agriculteurs spécialisés dans le maïs, se défendent de contribuer à une mauvaise gestion de la ressource en eau alors que la pénurie pénalise d’abord la récolte. Maiz’Europ’ rappelle qu’en France, un hectare de maïs seulement sur quatre est irrigué. L’interprofession interpelle les consommateurs, les vacanciers. Ils acceptent très bien que les cultures de fruits et légumes, consommés pendant l’été, soient irriguées. Et la filière réclame un plan de stockage d’eau en hiver : «le climat se réchauffe, l’irrigation ne se justifiera que plus et sur d’autres cultures encore» indique l’organisation interprofessionnelle.
Le seul point sur lequel tout le monde semble d’accord, c’est la nécessité d’une meilleure gestion de la ressource. La France, pays tempéré, ne manque pas d’eau mais devient une zone plus sèche. Les décideurs doivent trouver le moyen d’organiser des réserves.
par Colette Thomas
Article publié le 10/08/2005 Dernière mise à jour le 10/08/2005 à 18:37 TU