Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Sénégal

Idrissa Seck devant la Haute cour de justice

L'ancien Premier ministre, Idrissa Seck est accusé par le pouvoir de malversations financières portant sur plusieurs milliards de francs CFA.(photo : AFP)
L'ancien Premier ministre, Idrissa Seck est accusé par le pouvoir de malversations financières portant sur plusieurs milliards de francs CFA.
(photo : AFP)
L'ex-Premier ministre a été entendu mercredi pour la première fois par une commission de la Haute cour de justice, une semaine après que les députés ont voté l'autorisation de le poursuivre devant cette institution habilitée à juger les membres et chefs de gouvernement au Sénégal. L'ex-ministre de l'Habitat Salif Bâ, qui a démissionné du gouvernement parce qu'il était visé par le même acte d'accusation, pourrait bientôt, lui aussi, passer devant la même cour. Et les avocats d'Idrissa Seck souhaitent convoquer devant elle «comme témoins» le président Abdoulaye Wade et l'actuel Premier ministre Macky Sall.

De notre correspondante à Dakar

Idrissa Seck «a comparu mercredi pour la première fois devant la Commission d'instruction de la Haute cour de justice. Une fois dans la salle, le président de la Commission lui a lu l'acte d'accusation, et lui a signifié qu'il a été inculpé dans l'affaire des chantiers de Thiès. C'est aussi la première fois qu'il a été entendu sur cette affaire», a affirmé à RFI-Internet Me Boucounta Diallo, un des avocats de M. Seck. Me Diallo n'a pas souhaité en dire plus sur les chefs d'inculpation dans cette «affaire des chantiers de Thiès», du nom de la ville à 70 kilomètres à l'est de Dakar dont Idrissa Seck est le maire.

M. Seck, qui fut chef de gouvernement entre novembre 2002 et avril 2004, est accusé par le pouvoir de malversations financières portant sur plusieurs milliards de francs CFA, commises durant son mandat de Premier ministre, à la faveur de travaux censés permettre à Thiès d'accueillir en avril 2004 les manifestations pour la fête de l'indépendance du Sénégal. Dans son édition de mercredi, le journal pro-gouvernemental Le Soleil écrit qu'il est «épinglé pour détournement de fonds, escroquerie, faux et usage de faux» par un rapport d'enquête de l'Inspection générale d'Etat (IGE) sur les chantiers de Thiès. Un document du ministère de la Justice exposant «les griefs du gouvernement», publié début août par des journaux privés, lui reproche par ailleurs «la dissimulation de comptes bancaires de l'Etat» au moment de la passation de service avec son successeur, Macky Sall. Celui-ci a été ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales dans les deux gouvernements qu'il a dirigés.

Après Idrissa Seck, Salif Bâ ?

Lors de la première comparution d'Idrissa Seck, qui a duré environ quatre heures d'horloge, «on lui a donné l'occasion de s'expliquer. Il a fait une longue déclaration qui vient étayer son innocence dans cette affaire. Il ne donne aucune chance à l'accusation», a expliqué Me Boucounta Diallo. En outre, selon lui, la défense a souhaité la convocation du président Wade et de Macky Sall: le premier parce que «c'est lui qui gère les fonds politiques», et le second «en sa qualité de surveillant des chantiers de Thiès». «La prochaine fois, nous insisterons pour qu'ils viennent témoigner», a dit l'avocat, en affirmant ignorer quand sera cette «prochaine fois».

Les médias locaux, de leur côté, semblent sûrs d'une chose: la comparution devant la Haute cour de Justice de l'ex-ministre du Patrimoine bâti, de l'Habitat et de la Construction Salif Bâ qui, affirme Le Soleil, «croisera le fer avec Idrissa Seck» lors d'une confrontation devant les magistrats. M. Bâ, à qui il est reproché des «actes engageant sa responsabilité» dans l«affaire des chantiers de Thiès», est également visé par l'acte d'accusation voté le 3 août par l'Assemblée nationale. Il a annoncé quatre jours plus tard, le 7 août, sa décision de quitter le gouvernement pour se mettre «à la disposition des institutions judiciaires». Une démission acceptée par le président Wade, qui a procédé mardi à un «réaménagement» marqué par le remplacement, au total, de quatre ministres dans le gouvernement.

«Préserver la paix et la concorde»

Si le départ de Salif Bâ était attendu, le plus surprenant pour les observateurs a été celui de Modou Fada Diagne, ex-ministre de l'Environnement et de la Protection de la Nature, qui a été présent dans tous les gouvernements formés depuis l'arrivée au pouvoir d'Abdoulaye Wade en 2000. M. Bâ été remplacé par Oumar Sarr, ex-directeur général d'une société immobilière, et M. Diagne par Thierno Lô, qui était jusqu'à sa nomination conseiller spécial du président Wade. Le chef de l'Etat s'est également séparé de Mme Safiétou Ndiaye Diop, qui a été remplacée au ministère de la Culture et du Patrimoine historique classé par Mame Birame Diouf, ancien ambassadeur du Sénégal auprès de l'Unesco. Le dernier ministre remplacé est Souleymane Ndéné Ndiaye, qui se retrouve au poste convoité de ministre-directeur de cabinet du président, et laisse le portefeuille de la Fonction publique, de l'Emploi et du Travail à Adama Sall, ex-directeur général d'un complexe voué au commerce extérieur au Sénégal. Beaucoup de journaux privés ont vu dans ce «réaménagement» une occasion d'écarter du pouvoir des ministres jugés proches d'Idrissa Seck. Celui-ci a d'ailleurs été «exclu définitivement» du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir) pour «activités fractionnelles», selon un communiqué du comité directeur de la formation daté du 5 août. La même mesure a frappé trois de ses proches, dont les anciens ministres Pape Diouf et Mme Awa Guèye Kébé qui, selon le PDS, «sont coupables de collusion avec l'adversaire».

Devant la passion soulevée depuis plusieurs semaines par la désormais «affaire Idrissa Seck», les dignitaires religieux musulmans et chrétiens ont lancé un appel à «préserver la paix et la concorde» au Sénégal, dans une déclaration conjointe publiée le 6 août à Dakar. Le même jour, les magistrats réunis à Saly (80 km de Dakar) ont rendu public un communiqué dans lequel ils ont condamné «toutes tentatives d'instrumentalisation, de pression et de menaces» à l'encontre de la justice qui, selon eux, est notamment appelée à se prononcer sur «des contentieux divers et sensibles». Ils n'ont donné aucun détail sur ces «tentatives» ni les «contentieux», mais tout le monde a pensé au dossier dans lequel Idrissa Seck a été inculpé et est incarcéré depuis le 23 juillet pour «atteinte à la défense nationale et la sûreté de l'Etat». Aucun détail n'est, non plus, disponible sur ce dossier et on ne sait pas si l'inculpation prononcée est relative à l'affaire des chantiers de Thiès.


par Coumba  Sylla

Article publié le 11/08/2005 Dernière mise à jour le 11/08/2005 à 19:28 TU