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Chili

Pinochet, sa femme, son fils et la justice

Lucia Hiriart, épouse de l'ex-dictateur chilien Pinochet.(Photo: AFP)
Lucia Hiriart, épouse de l'ex-dictateur chilien Pinochet.
(Photo: AFP)
Mercredi 10 août, Mme Pinochet et son fils cadet Marco Antonio ont été mis en détention provisoire dans l’affaire des comptes cachés découverts aux noms de la famille à la banque américaine Riggs. Ils sont mis en examen comme complices présumés pour fraude fiscale. Pinochet est sorti de son silence pour faire une déclaration publique surprise.

De notre correspondante à Santiago

Bas les masques ! L’ancien dictateur Augusto Pinochet a invoqué la sénilité depuis le début de ses ennuis avec la justice en 1998 à Londres, alors qu’il était d’extradition vers l’Espagne par le juge Baltasar Garzon pour les délits de «génocide, tortures et disparitions». Au bout de 503 jours passés dans une clinique londonienne, il était rentré à Santiago, se levant de sa chaise roulante à la sortie de l’avion. Le ministre anglais de l’intérieur, Jack Straw avait pourtant estimé son état de santé incompatible avec des procédures judiciaires. Depuis, au Chili, les affaires de violations des droits de l’homme contre l’ancien dictateur sont classées les unes après les autres, malgré la persévérance de l’ancien juge Juan Guzman, aujourd’hui à la retraite.

L’argument de santé mentale déficiente sans cesse avancé comme ligne de défense est subitement battu en brèche par cet homme, âgé de 89 ans, qui a émis mercredi après-midi, à la surprise générale, après une visite à sa femme Lucia Hiriart, un communiqué de presse signé de sa main. «Face à la persécution dont sont l’objet ma femme, mon fils Marco Antonio et les principaux collaborateurs de mon gouvernement, je déclare assumer l’entière responsabilité des faits enquêtés et nie toute participation de ma conjointe, mes enfants et mes proches collaborateurs». Ce document signé ne devrait donc pas passer inaperçu dans les procédures en cours contre lui. Certains applaudiront aussi des deux mains, car pour une fois, Pinochet se dit «responsable», ce qu’il n’avait encore jamais fait. C’est aussi pour la première fois qu’il assume la responsabilité des faits reprochés à ses collaborateurs.

La famille de l’ancien dictateur risque gros

En sortant de son silence pour protéger sa famille et ses collaborateurs, l’ancien dictateur a pris la mesure des risques qu’ils encourent. Ces derniers ne bénéficient d’aucune immunité et encore moins de protection politique. Or, les charges sont lourdes. Lucia Hiriart, épouse de l’ancien dictateur, a été libérée sous caution (pour une somme de près de 3 700 euros), le 11 août, après vingt-quatre heures de détention dans un hôpital militaire. Complice présumée, elle est mise en examen pour fraude fiscale. Le juge d’instruction Sergio Muñoz, chargé depuis un an d’enquêter sur la fortune cachée de la famille Pinochet estimée aujourd’hui entre 27 et 33 millions de dollars, l’accuse d’avoir contribuer «à cacher des biens, et qui ont ainsi échappé à leur imposition». Or, la fraude fiscale est passible d’une amende de 50 à 300 % de la valeur non déclarée et de 5 à 10 ans de prison. Vu son âge, 80 ans, on pense déjà qu’une de ses tactiques de défense sera aussi de plaider la sénilité.

Quant au fils cadet Marco Antonio, la cour d’appel lui a refusé la liberté sous caution. Il restera donc dans sa cellule de la petite prison de Capuchinos où il est détenu depuis mercredi. Il est également mis en examen pour fraude fiscale et comme complice présumé. Le juge d’instruction l’accuse d’avoir participé à la gestion des fonds de son père depuis au moins 1980. Marco Antonio serait passé aux aveux sur l’ouverture des comptes bancaires à l’étranger avec son père grâce à un passeport considéré comme falsifié. Son avocat a déjà annoncé qu’il déposerait un «habeas corpus», un acte qui pourrait invalidé la procédure .

Cette nouvelle affaire vient s’ajouter aux ennuis personnels de Pinochet. Son immunité a été levée en première instance le 6 juillet dernier pour «fraude fiscale, faux et usage de faux, et détournements de fonds». La semaine prochaine, probablement, la cour suprême se réunira à son tour pour dire si elle confirme ou non cette décision. Si l’immunité est levée, le juge d’instruction pourra mettre en examen l’ancien dictateur.


par Claire  Martin

Article publié le 12/08/2005 Dernière mise à jour le 12/08/2005 à 15:59 TU