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Sri Lanka

Obsèques nationales pour Lakshman Kadirgamar

La dépouille du ministre des Affaires étrangères Lakshman Kadirgamar est arrivée place de l'Indépendance, à Colombo, lundi 15 août 2005.(Photo : Mouhssine Ennaimi/RFI)
La dépouille du ministre des Affaires étrangères Lakshman Kadirgamar est arrivée place de l'Indépendance, à Colombo, lundi 15 août 2005.
(Photo : Mouhssine Ennaimi/RFI)
Le chef de la diplomatie, Lakshman Kadirgamar a reçu un vibrant hommage de la part des dignitaires chrétiens, hindous et musulmans du pays, avant d’être incinéré, place de l’indépendance dans l’après-midi du 15 août. Plusieurs milliers de personnes ont accompagné le cortège funéraire de sa demeure officielle du quartier de Cinamon Gardens à Colombo jusqu’à la place de l’indépendance.

De notre correspondant à Colombo

«C'est le meilleur ministre des Affaires étrangères que le pays ait connu depuis l'indépendance en 1948. C'est une énorme perte pour le pays. Sa mort arrive à un moment crucial pour le pays. Je ne sais pas ce qui va se passer mais je ne suis pas très optimiste pour l'avenir», remarque Mahinda Jayasinghe, 49 ans, avocat. Issu de la minorité tamoule, Lakshman Kadirgamar était considéré comme un homme politique populaire, intègre et travailleur. Par ailleurs, il faisait partie des principaux conseillers de la présidente concernant le processus de paix. Mais ses prises de positions contre la rébellion des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), l’aile politique de la guérilla tamoule, lui ont valu d'être considéré comme un traître par la rébellion.

Même si l'assassinat du ministre des Affaires étrangères n'a pas été revendiqué, les autorités et le gouvernement n'hésitent pas à pointer du doigt la guérilla séparatiste tamoule. Le porte-parole de l'armée précise que plusieurs jours avant le meurtre deux Tamouls avaient été arrêtés alors qu'ils effectuaient de suspects repérages proche du domicile de la victime. Il ajoute que les preuves trouvées portent clairement la marque de la guérilla séparatiste. Mais la guérilla nie toute implication dans ce meurtre. Par la voix de son porte-parole S.P. Thamilselvan, elle indique que «les ennemis de la paix se trouvent au sein du gouvernement». Allusion à peine cachée à la branche dissidente du LTTE, qui selon la rébellion agit de concert avec l'armée sri-lankaise «afin de discréditer la cause indépendantiste tamoule». Pour l'heure, plusieurs suspects ont été interrogés mais les autorités doutent leur implication dans l'assassinat.

Climat tendu

Le meurtre de Lakshman Kadirgamar intervient dans un climat de tension accrue entre le gouvernement et les rebelles. Fin juillet, en réaction à l’escalade de violence entre les deux parties au nord-est du pays, la communauté internationale a publié un sévère communiqué à l’intention du gouvernement sri-lankais et des rebelles. Les Etats-Unis, L'Union européenne, le Japon et la Norvège affirmaient que « la rébellion doit cesser les meurtres perpétrés par leurs forces. Quant au gouvernement, il doit garantir leur sécurité dans les zones sous contrôle de l'armée». Ces pays mettaient en garde les deux parties contre la rupture du cessez le feu.

Après le tsunami du 26 décembre dernier, le Sri Lanka s'est vu promettre une aide de trois milliards de dollars par la communauté internationale. Cette aide devait être partagée entre victimes tamoules (au nord et à l'est) et cinghalaises (au sud). Après 6 mois de négociations quasiment secrètes, le mécanisme conjoint de partage de l'aide post tsunami (P-TOMS) a été signé entre les deux parties. Or, fin juillet la Cour Suprême a jugé l'accord anticonstitutionnel. Hasard de calendrier ou pas, les incidents se sont multiplié depuis cette décision. La victoire politique remportée par le LTTE lors de la signature de l'accord s'est effondrée. Les Cinghalais accusent les Tamouls de vouloir récupérer la manne de l'aide internationale afin de renforcer leurs infrastructures militaires. De leur coté, les Tamouls accusent les Cinghalais de les discréditer afin de ne pas avoir à partager cette même aide.

Il semblerait cependant qu'aucune des parties ne prendrait la responsabilité de rompre l'accord de cessez le feu signé en février 2002. En revanche des actions «souterraines» pourraient avoir lieu. L'avenir du pays est incertain et le spectre de la guerre civile hante les esprits. Cependant le Premier ministre souligne que les voix diplomatiques pour faire avancer le processus de paix doivent être utilisées, malgré l’assassinat de Lakshman Kadirgamar qui aura de toute évidence de sérieuses répercussions sur l’avenir politique du pays.


par Mouhssine  Ennaimi

Article publié le 16/08/2005 Dernière mise à jour le 17/08/2005 à 08:41 TU