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Sri Lanka

Accord avec les Tigres sur l’aide aux rescapés du tsunami

Le gouvernement et les rebelles Tamouls s'organisent pour se partager l'aide humanitaire.(Photo: Nicolas Vescovacci)
Le gouvernement et les rebelles Tamouls s'organisent pour se partager l'aide humanitaire.
(Photo: Nicolas Vescovacci)
Six mois, quasiment jour pour jour, après le tsunami qui a ravagé le 26 décembre les côtes srilankaises, provoquant la mort de quelque 31 000 personnes, gouvernement et rébellion tamoule sont enfin parvenus à un accord sur la distribution de l’aide internationale. L’accord a été adopté malgré de violentes manifestations et la défection de la fragile coalition au pouvoir du principal parti marxiste de l’île qui craint que cette entente ne favorise le séparatisme des Tigres tamoules.

L’accord, dévoilé vendredi, a fait l’objet de plusieurs mois de négociations secrètes entre le gouvernement de la présidente Chandrika Kumaratunga et les Tigres de libération de l’Eelam Tamoul(LTTE). Négocié sous l’égide de la Norvège, qui depuis des années joue les médiateurs entre les deux belligérants, il est valable un an et pourra être renouvelé si nécessaire. Ce plan, dit Structure de gestion opérationnelle post tsunami (P-TOMS), définit précisément la structure qui aura en charge la distribution sur trois à cinq ans des quelque trois milliards de dollars d’aide internationale aux survivants du tsunami. Cette structure administrative, composée, en nombre égal, de représentants du gouvernement, de la rébellion tamoule mais aussi de la minorité musulmane –qui a également beaucoup souffert de la catastrophe du 26 décembre–, aura pour mission principale de donner des recommandations sur les lieux où devra être distribuée cette aide. Outre le fait qu’elle n’aura aucune autorité politique, cette instance n’aura pas non plus le pouvoir de délivrer directement les fonds dédiés à la reconstruction. Un organisme de prêt international, qui reste encore à désigner, supervisera en effet l’aide étrangère.

Cet accord, qui intervient près de six mois après le tsunami, n’aurait sans doute pas été conclu sans les pressions constantes de la communauté internationale. Les donateurs n’ont en effet eu de cesse, ces dernières semaines, d’exiger des deux belligérants qu’ils se mettent d’abord d’accord sur les modalités de distribution de l’aide avant de débloquer les premières tranches des quelque trois milliards de dollars de dons alloués au Sri Lanka pour les cinq prochaines années. Ils ont estimé en effet, et sans doute à juste titre, que seul un mécanisme cogéré par les deux parties, était à même de garantir une répartition équitable de l’aide. Car si l’ensemble de l’île a payé son tribut au tsunami du 26 décembre dernier avec plus de 31 000 morts et près d’un million de déplacés, les zones du nord et de l’est du Sri Lanka, contrôlées par la guérilla tamoule, ont été les plus durement touchées avec plus de deux tiers des réfugiés. Inquiets des tensions de plus en plus vives entre les forces gouvernementales et les Tigres, les principaux donateurs, aux premiers rangs desquels le Japon, les Etats-Unis et l’Union européenne, avaient pas plus tard que la semaine dernière publié un communiqué exhortant les deux parties à signer immédiatement un accord sur la gestion de l’aide à la reconstruction. Ils y faisaient également part de leur «forte inquiétude» quant aux violations de plus en plus fréquentes du cessez-le-feu conclu en février 2002 grâce à la médiation norvégienne.

La présidente affaiblie

La conclusion, même tardive, de l’accord entre gouvernement et rébellion ne s’est cependant pas faite sans conséquence sur la situation politique intérieure du Sri Lanka. Et si la crise a été évitée de justesse, le gouvernement de la présidente Chandrika Kumaratunga n’en est pas moins sorti très affaibli. Ses principaux alliés du People’s Libération Front (JVP) ont en effet quitté la semaine dernière la coalition au pouvoir, privant le chef de l’Etat d’un appui crucial. Selon cette formation marxiste, qui dispose de 39 sièges au Parlement sur un total de 225, conclure une quelconque entente avec les Tigres constituerait un premier pas vers la reconnaissance de l’autonomie pour les Tamouls. «Il s’agit d’une violation de la souveraineté du pays et nous ne le permettrons pas. La présidente n’a pas le droit de partager la souveraineté du pays avec une organisation quelconque, en particulier un groupe terroriste comme le LTTE qui n’est responsable auprès de personne sauf de ses pistolets», s’était indigné le chef du JVP dont les partisans manifestent depuis plusieurs jours dans les rues de Colombo. Des moines bouddhistes proches de ce mouvement ont même menacé d’entamer une grève de la faim jusqu’à la mort si la présidente ne renonçait pas à son projet. La minorité tamoule est essentiellement hindoue dans un pays majoritairement cinghalais de confession bouddhiste.

Et si le départ, la semaine dernière, des marxistes du JVP de la coalition au pouvoir n'a pas entraîné la chute immédiate du gouvernement de la présidente Chandrika Kumaratunga, c'est uniquement parce que le principal parti d'opposition, le United National Party (UNP, formation de droite qui possède 88 sièges au Parlement) a apporté son soutien pour la signature d’un accord sur le partage de la gestion de l'aide avec la rébellion.  «Nous avons fait comprendre que nous n'utiliserons pas cette crise pour faire tomber le gouvernement. Nous voulons que la présidente établisse le mécanisme conjoint le plus vite possible», avait fait savoir le parti de celui qui jusqu’en avril 2004 fût le Premier ministre de la présidente Kumaratunga. Cette dernière avait en effet limogé le gouvernement précédent mené par l'UNP qu'elle accusait de vouloir faire trop de concessions aux Tigres tamouls.

Aujourd’hui le chef de l’Etat n’a donc plus de majorité au Parlement, la coalition des neuf partis qui lui permettait de gouverner avec cinq voix de majorité ayant volé en éclats avec les départ des marxistes du JVP. Cette nouvelle configuration pourrait ouvrir alors la voie à des élections anticipées, ce qui risque de repousser de plusieurs mois encore la reprise des négociations de paix interrompues depuis avril 2003.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 24/06/2005 Dernière mise à jour le 24/06/2005 à 16:00 TU