Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Sénégal

Inculpé, Salif Bâ rejoint Idrissa Seck en prison

Le ministre de l'Habitat, Salif Bâ, est en prison pour malversations financières.(Photo: AFP)
Le ministre de l'Habitat, Salif Bâ, est en prison pour malversations financières.
(Photo: AFP)
L'ex-ministre du Patrimoine bâti, de l'Habitat et de la Construction a rejoint en prison à Dakar l'ex-Premier ministre Idrissa Seck, avec qui il a été mis en accusation pour malversations financières. Salif Bâ a été entendu lundi par une commission de la Haute cour de justice (HCJ), institution habilitée à juger les membres et chefs de gouvernement au Sénégal. Il a été inculpé et placé sous mandat de dépôt. Une mesure à laquelle il s'était «préparé» en démissionnant du gouvernement, affirment ses proches et ses avocats qui clament son innocence.
De notre correspondante à Dakar

«Salif Bâ n'a touché aucun centime dans l'affaire dite 'des chantiers de Thiès'. Nous allons contester avec le maximum de clarté les charges financières qui pèsent sur lui», a affirmé à RFI-Internet Me Khassimou Touré, un des avocats de M. Bâ. «On lui reproche deux choses. On dit qu'il a organisé la migration de quelque 20 milliards de FCFA (près de 30,5 millions d'euros) de crédits de certains ministères vers d'autres - ce qui n'est pas un détournement de fonds. On dit aussi qu'il a précompté des taxes sur la valeur ajoutées (TVA) qu'il n'a pas reversées. Il a démonté ces accusations, pièces à l'appui», a déclaré Me Touré.

Le quotidien pro-gouvernemental Le Soleil a, de son côté, évoqué un «chapelet d'infractions relevées par l'Inspection générale d'Etat (IGE)», qui a cité Salif Bâ dans un rapport d'enquête sur des investissements dans le cadre de travaux à Thiès, une ville à 70 kilomètres de Dakar. «Il s'agit notamment d'une migration illicite de 22 milliards de FCFA (plus de 33,5 millions d'euros) de crédits alloués à son département (ministère du Patrimoine bâti, de l'Habitat et de la Construction, ndlr) avec détournement d'objectifs, le choix d'entreprises fictives, la passation de marchés de gré à gré, le paiement des entreprises sans justificatifs et, last but not least, le non-versement de précomptes au titre de la TVA», a écrit le journal dans son édition de mardi.

«Sérénité» et «confiance»

Le 3 août dernier, l'Assemblée nationale a voté une résolution permettant de faire comparaître devant la HCJ Idrissa Seck, par ailleurs maire de Thiès, qui est accusé par le pouvoir d'avoir dépassé de plusieurs milliards de FCFA (plusieurs millions d'euros) le montant autorisé pour les travaux dans sa ville pendant son mandat de Premier ministre (novembre 2002 et avril 2004). Suite à un amendement de la majorité parlementaire, l'acte de mise en accusation a été étendu à Salif Bâ, qui était encore ministre. M. Bâ a démissionné du gouvernement quatre jours plus tard, le 7 août. Il a comparu devant la commission d'instruction de la Haute cour de justice lundi, cinq jours après la passation de service avec son successeur au ministère. Durant sa comparution, seul le président de la commission, le juge Cheikh Tidiane Diakhaté, était présent, les autres membres de la commission étant en vacances. Salif Bâ a cependant eu l'occasion de s'expliquer, et «il a démonté toute les charges retenues contre lui de façon éclatante», a encore indiqué Me Khassimou Touré.

Défaut de conviction, comme l'écrivent quelques journaux, ou mesure entrant «dans la logique des choses», comme l'estiment les proches de l'ex-ministre de l'Habitat ? Toujours est-il que le juge Diakhaté a inculpé Salif Bâ, et a décidé de le placer sous mandat de dépôt. Ce que le concerné a accueilli avec «sérénité et confiance, parce qu'il est blanc comme neige», a assuré à RFI-Internet Pape Sène, son conseiller en communication et un de ses proches présents au Bloc des Madeleines, le lieu de comparution. «Il s'y était préparé depuis le vote de la loi d'accusation, et il a rendu sa démission pour se mettre à la disposition de la justice. Il veut que ces accusations soient éclaircies (...) Nous faisons confiance en notre justice», a ajouté M. Sène, qui a vu Salif Bâ repartir du Bloc des Madeleines à bord d'un véhicule de l'administration pénitentiaire. Direction: la Maison centrale d'arrêt de Dakar, dans le quartier de Rebeuss (près du centre-ville), où Idrissa Seck est incarcéré depuis un mois.

M. Seck a comparu le 10 août devant la même commission d'instruction de la HCJ, qui l'avait entendu avant de l'inculper dans le cadre de «l'affaire des chantiers de Thiès». Il avait déjà été inculpé d'«atteinte à la défense nationale et la sûreté de l'Etat» le 23 juillet dernier, après une semaine de garde à vue, et aussitôt conduit à Rebeuss. On ignore jusqu'à présent si cette mise en examen est relative à «l'affaire des chantiers de Thiès». En tout cas, à entendre les proches et les avocats de Salif Bâ, l'ex-ministre de l'Habitat ne devrait pas passer autant de temps en prison qu'Idrissa Seck, qui n'est pas retourné libre chez lui depuis le 15 juillet. Selon Me Khassimou Touré, les membres de la commission d'instruction de la HCJ qui étaient absents lors de la comparution de M. Bâ doivent, à leur retour de vacances, «confirmer ou infirmer lors d'une réunion les décisions provisoires prises par le président (Diakhaté)». L'avocat a affirmé ignorer la date de cette réunion mais, a-t-il assuré, «ça ne va pas tarder».


par Coumba  Sylla

Article publié le 24/08/2005 Dernière mise à jour le 24/08/2005 à 08:56 TU