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Côte d'Ivoire

Les Sud-Africains s'expliquent

Laurent Gbagbo et Thabo Mbeki après la signature de l'accord de Pretoria, le 29 juin 2005.(Photo: AFP)
Laurent Gbagbo et Thabo Mbeki après la signature de l'accord de Pretoria, le 29 juin 2005.
(Photo: AFP)
Le ministre sud-africain de la Défense, Mosiuoa Lekota a présenté mercredi devant le Conseil de sécurité de l’ONU, à huis clos, le rapport de la médiation sur la situation en Côte d’Ivoire. Les termes sont plus diplomatiques que ceux prononcés par le vice-ministre des Affaires étrangères, Aziz Pahad, la veille, mais l’analyse reste la même : les Sud-africains estiment que les élections pourront avoir lieu le 30 octobre, car le dispositif qui doit permettre de résoudre les principaux problèmes est en place. Selon eux, alors que Laurent Gbagbo agit positivement dans cette crise, les ex-rebelles n’ont pas rempli leurs engagements. Le divorce est consommé : de leur côté, les Forces Nouvelles annoncent qu'à compter de ce jour, elles récuseront systématiquement la médiation.

Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères s'était déjà chargé de rectifier le tir, après l'annonce fracassante par le vice-ministre sud-africain des Affaires étrangères, Aziz Pahad d'une fin de la médiation sud-africaine dans la crise ivoirienne. Une clarification officielle a pu avoir lieu hier devant le Conseil de sécurité : «La médiation sud-africaine a indiqué qu’elle poursuivra ses efforts, avec l’appui des Nations unies et de l’Union africaine, pour assurer la tenue en Côte d’Ivoire d’élections libres, justes, transparentes dans les délais prévus, seule issue à la crise», a indiqué le président du Conseil de sécurité Kenzo Oshima après avoir entendu l'exposé du sud-africain.

La tonalité du huis clos d'hier a été nettement moins polémique que ne l’avait été la conférence de presse de Pahad. Les mots utilisés pour parler de l’attitude du président Gbagbo ont été soigneusement soupesés : «alors que beaucoup ont, au sein de la communauté internationale, questionné la posture adoptée par le président Gbagbo dans le passé, a expliqué Mosiuoa Lekota devant le conseil, notre propre expérience suggère qu’il a maintenant adopté une posture par laquelle il cherche à se focaliser sur la recherche de solutions aux problèmes.» Le langage est plus diplomatique mais, entre les lignes, l’analyse reste celle suggérée par Aziz Pahad. Il existe bien une lecture sud-africaine de la crise en Côte d’Ivoire : le chef de l’Etat s’est acquitté de ce qui lui avait été demandé, les ex-rebelles n’ont pas tenu leur part d’engagements.

Le ministre a ainsi passé en revue les différents obstacles qui se posaient à la tenue des élections en Côte d’Ivoire (c’est même ce qui a fait l’essentiel de son exposé). Lekota note tout d’abord que la médiation avait été chargée de «s’assurer que les jeunes patriotes avaient quitté la rue, et particulièrement les environs des radio et télévision publiques ivoiriennes à Abidjan. Cela a été fait.» Concernant l’organisation des élections, il fallait «trouver les voies légales pour que certains candidats à la présidentielle ne soient pas empêchés de se présenter aux prochaines  élections présidentielles (…) Le président Gbagbo (…) a agi positivement pour résoudre cette question.» Sur la question des autres lois, le ministre sud-africain rappelle les inquiétudes qui avaient été soulevées par les différents mouvements d’opposition, et poursuit : «Le médiateur a demandé au président Gbagbo de clarifier toute ambiguïté qui puisse exister dans le texte et cela a été fait.» Autre point noté par les Sud-africains, le processus de désarmement et de démantèlement des milices «est maintenant sur les rails». A l’inverse, dit le ministre, «le mouvement des forces au sein des sites du DDR (Désarmement Démobilisation Réinsertion), n’a pas commencé.» Cette dernière remarque est un mauvais point pour les Forces nouvelles : 42 500 ex-rebelles doivent être cantonnés contre 5 500 soldats loyalistes. Les FN refusent le démarrage du processus tant que n’aura pas été réglé la question des textes de lois promulgués le 15 juillet.

«Le cadre existe pour que de telles élections aient lieu»

Dans son exposé, Mosiuoa Lekota a confirmé l’optimisme de la médiation sud-africaine sur le respect de l’échéance du 30 octobre, date théorique de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Les termes, là aussi sont très choisis : devant le Conseil, le ministre se garde bien de dire que tous les obstacles sont levés, il affirme en revanche à plusieurs reprises que le dispositif nécessaire à leur règlement est établi. «L’une des étapes essentielles à la restauration de la normalité en Côte d’Ivoire est d’assister le peuple ivoirien à tenir des élections libres et équitables au moment où le terme du présent gouvernement prendra fin, explique par exemple le Sud-africain Les accords signés par les représentants du peuple ivoirien établissent les étapes nécessaires pour s’assurer qu’un tel objectif sera réalisé.»  Ou encore, à la fin de son intervention : «On nous a demandé à plusieurs reprises quel était notre point de vue sur la possibilité de tenir les élections à la fin d’octobre 2005. (…) Notre point de vue est que le cadre existe pour que de telles élections aient lieu.»

Le ministre précise même à un moment sa pensée sur ce dispositif : «le cadre légal sur lequel un accord a eu lieu est en place, le plan de sécurité pour les ministres est en place, qui permettra aux ministres des Forces Nouvelles, en particulier, de reprendre leurs fonctions au sein du GNR [Gouvernement National de Réconciliation, Ndlr], il y a accord sur le programme de désarmement et de démantèlement des milices et le processus est en cours. Les services du gouvernement sont en train de s’étendre à toutes les parties du pays, le plan de DDR est finalisé et les sites sont prêts à accueillir les combattants.»

Récusée par les Forces Nouvelle

Mosiuoa Lekota a enfin fait quelques observations à l’attention du Conseil de sécurité. Il a estimé qu’il fallait «renforcer considérablement» les services du Premier ministre pour lui permettre de mener à bien son mandat car, dit-il, «le Gouvernement national de réconciliation, dirigé par le Premier ministre, porte la responsabilité première dans l’application des accords.» Il a également indiqué que la médiation soutenait la décision du Conseil de sanctionner toute personne qui ferait obstruction à l’application des accords. Avec cette précision : «Nous appelons les membres du Conseil de sécurité à agir, comme ils le font toujours, d’une manière qui n’affecte pas négativement le processus de paix en Côte d’Ivoire.» Sous-entendu, comme il s’en est expliqué pendant le jeu de questions-réponses qui a suivi : en visant les bonnes personnes. Les Sud-africains appellent le président du Conseil de sécurité à envisager rapidement une visite en Côte d’Ivoire pour évaluer l’impact que des sanctions auraient sur le processus de paix.

La médiation confirme qu'elle poursuivra son travail. Sa marge de manoeuvre, déjà étroite, s'est pourtant un peu plus réduite avec les déclarations de ces derniers jours. Les propos tenus par Aziz Pahad ont provoqué la colère des Forces nouvelles qui ont annoncé hier récuser «systématiquement à compter de ce jour la médiation sud-africaine». La rébellion appelle le président en exercice de l'Union africaine, Olusegun Obasanjo, «à prendre toutes ses responsabilités en vue de la poursuite du processus de paix en Côte d'Ivoire».


par Laurent  Correau

Article publié le 01/09/2005 Dernière mise à jour le 01/09/2005 à 11:14 TU