Politique française
Président affaibli et dauphins turbulents
(Photo: AFP)
Le président de la République, Jacques Chirac, certainement à son corps défendant, a volé la vedette au rebelle autoproclamé, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et président de l’UMP, Nicolas Sarkozy. Les ennuis de santé de Jacques Chirac ont jeté le trouble dans les rangs de sa majorité, mettant au devant de la scène les rivalités entre le Premier ministre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. Rentré discrètement à l’hôpital du Val-de-Grâce, dans la nuit du 2 septembre, sur les conseils du médecin de la présidence de la République qui l’a accompagné, Jacques Chirac a été gardé en observation et pour subir des analyses poussées dans la nuit et dans la matinée du 3 septembre.
Ce n’est qu’à l’issue de la première tranche des analyses et soins que le président de la République aurait lui-même téléphoné à Dominique de Villepin pour l’informer de son état de santé. De connivence avec les collaborateurs du président de la République, le Premier ministre a préparé la communication sur cet événement.
L’affirmation d’autorité de Nicolas Sarkozy, président de l’UMP, au détriment de Villepin avait déjà crispé l’ambiance entre les deux hommes. En effet, après un footing matinal, une petite baignade en mer, sous les regards intéressés de la presse, pendant que Nicolas Sakozy l’attendait pour un petit déjeuner, Dominique de Villepin manifeste par la suite son intention de participer au bureau «des Jeunes populaires» de l’UMP. «Votre présence n’est pas justifiée», lui a lancé Nicolas Sarkozy déjà agacé par les attitudes du Premier ministre. La revanche à prendre était trop belle quand le coup de fil présidentiel tombe.
Aucune information n’a filtré. Mais au moment où le président de l’UMP, ministre d’Etat et ministre de l’Intérieur pénètre dans la salle qui lui est entièrement acquise, où des milliers de militants crient «Sarko président !», son téléphone potable sonne et c’est Dominique de Villepin qui lui apprend la nouvelle. Pris en défaut d’information, Nicolas Sarkozy a du mal à contenir son énervement. Le Premier ministre face aux caméras annonçait aussi la nouvelle à la France entière.
Besoin de transparenceOn aurait presqu’oublié qu’il y a au cœur de cette querelle au sommet de l’Etat, un malade et de surcroît le président de la République. Son état de santé, qui n’inspire rien d’inquiétant selon les médecins, oblige tout de même ces derniers à lui conseiller un repos total pendant une semaine. Tous les rendez-vous sont remis et le Conseil des ministres du mercredi 7 septembre sera présidé «à titre exceptionnel» par Dominique de Villepin dans ses bureaux de l’hôtel Matignon. De nombreux spécialistes se sont succédé à la télévision française et sur les radios pour minimiser la gravité du mal présidentiel, «puisque la réaction a été rapide». D’autres commentaires font état d’un signe annonciateur de complications ou tout simplement d’un mal plus conséquent.
C’est pourquoi de nombreux responsables politiques français, de gauche comme de droite, demandent une plus grande transparence sur l’état de santé du président de la République. Un député de la majorité, Dominique Paillé a même suggéré la création d’un collège de médecins, désignés par les partis politiques et qui garantiraient une «meilleure information sur l’état de santé du président de la République». Selon ce député les missions de ce collège seraient encadrées par une loi pourqu’une information régulière et juste soit donnée aux citoyens. La maladie cachée de Georges Pompidou, élu en 1969 et décédé en avril 1974, des suites d’un cancer révélé seulement après sa mort, les promesses d’un bulletin de santé régulièrement publié jamais tenues par Valéry Giscard d’Estaing, les mensonges de François Mitterrand dans des faux bulletins de santé suscitent à nouveau des débats pour l’établissement de la vérité dans ce domaine qui touche aussi à l’intimité.
Mais en toile de fond, c’est l’après Chirac qui se prépare déjà. L’idée d’un troisième mandat s’éloigne, mais comme ces prédécesseurs il est à parier qu’il ne lâchera rien de ses prérogatives jusqu’au terme de son quinquennat en avril 2007.par Didier Samson
Article publié le 05/09/2005 Dernière mise à jour le 06/09/2005 à 08:57 TU