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Politique française

Quand Sarkozy critique, Debré réplique

Jean-Louis Debré, l’un des plus fidèles chiraquiens, est monté au créneau pour dénoncer les prises de position de Nicolas Sarkozy.(photo : AFP)
Jean-Louis Debré, l’un des plus fidèles chiraquiens, est monté au créneau pour dénoncer les prises de position de Nicolas Sarkozy.
(photo : AFP)
Jean-Louis Debré n’a pas mâché ses mots pour attaquer Nicolas Sarkozy. Le président de l’Assemblée nationale s’en est pris, lors d’une interview sur la radio Europe 1, à la fois à la personnalité et à la stratégie politique du ministre de l’Intérieur, dont il a dénoncé les déclarations récentes qui mettent en cause le gouvernement mais surtout le président de la République, Jacques Chirac. La majorité est plus qu’hier, et peut-être bien moins que demain, scindée en deux clans entre lesquels les ambitions et les rivalités personnelles sont en train de creuser un fossé de querelles.

Si ce n’est Chirac, c’est donc Debré… qui renvoie Sarkozy dans les cordes. La sérénité affichée par le chef de l’Etat lors de son traditionnel entretien avec la presse le jour du 14 juillet, la fête nationale française, sur le dossier Sarkozy prend une nouvelle résonance après les paroles très dures de Jean-Louis Debré concernant le ministre de l’Intérieur. Là où Jacques Chirac a préféré arrondir les angles et éviter d’entrer dans une polémique publique, Jean-Louis Debré a attaqué bille en tête.

Le président de l’Assemblée nationale, l’un des plus fidèles et des plus pugnaces chiraquiens, est monté au créneau pour dénoncer les prises de position du ministre de l’Intérieur qui a récemment lancé des piques en direction de Jacques Chirac. Jean-Louis Debré a ainsi estimé qu’«à force de systématiquement dénigrer le président de la République, de contester son autorité, de miner son action, on met en cause les institutions même de la Ve République». Une manière de faire passer Nicolas Sarkozy de la catégorie des trublions à celle des déstabilisateurs.

«Je n’ai pas vocation à démonter des serrures à Versailles pendant que la France gronde»

Il est vrai que le ministre de l’Intérieur avait de manière peu amène comparé l’attitude du président de la République face aux revendications politico-sociales exprimées par les Français, à celle du roi Louis XVI au moment de la révolution de 1789, en déclarant : «Je n’ai pas vocation à démonter des serrures à Versailles pendant que la France gronde». Cette petite phrase ironique était venue s’ajouter à une autre dans laquelle le ministre de l’Intérieur avait estimé que l’interview du 14 juillet était décidément un exercice de communication récurrent mais peu pertinent. En résumé de la pensée sarkozienne en la matière : mieux vaut s’abstenir que de parler pour ne rien dire. Et pour bien marquer que l’intervention télévisée du président de la République était sans intérêt, Nicolas Sarkozy a lui-même reçu, téléviseur éteint, des représentants de la presse dans son ministère alors que le chef de l’Etat s’exprimait à l’Elysée.

Si Jacques Chirac apparaît toujours plus ou moins directement dans la ligne de mire des attaques de Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur joue aussi la carte d’une remise en cause globale sur le thème de «l’immobilisme et de la langue de bois» dont souffrent la société et la classe politique française. En dénonçant ces maux, le ministre de l’Intérieur met indirectement en valeur l’inefficacité des politiques menées jusqu’ici, notamment par les gouvernements de droite dont il fait, et a fait, partie. Cette contradiction n’a pas échappé à Jean-Louis Debré qui, pour sa part, joue et rejoue la chanson de la solidarité gouvernementale sous l’autorité du chef de l’Etat comme pilier de la réussite. Le président de l’Assemblée nationale a ainsi déclaré : «Lorsqu’on conteste les mesures prises, lorsqu’on parle d’immobilisme (…) ça consiste finalement à ruiner l’action du gouvernement auquel il (Sarkozy) appartient». Et de conclure que la division de la droite ne peut que faire le jeu de la gauche et de s’interroger sur les motivations du ministre de l’Intérieur en demandant : «Veut-il montrer son indignation de ne pas avoir été désigné comme Premier ministre ?». Dans l’art de mettre en valeur les dérives occasionnées par l’expression des ambitions personnelles au détriment de l’intérêt collectif, Jean-Louis Debré n’a plus de leçons à prendre.

Un opposant dans la majorité

Le remaniement ministériel auquel le chef de l’Etat a été contraint par l’échec du référendum sur la Constitution européenne n’a décidément rien changé à la donne politique à droite. Nicolas Sarkozy a beau être revenu glorieux et puissant dans un gouvernement hors duquel Jacques Chirac l’avait bouté il y a un an, il fait plus que jamais figure d’opposant dans la majorité. Un rôle qui, sur le papier, peut sembler paradoxal pour celui qui est à la fois ministre de l’Intérieur et chef du parti de gouvernement (UMP), mais ne l’est plus tant que cela lorsque l’on se place sur le terrain de la stratégie politique d’un homme qui affiche ses ambitions présidentielles depuis plusieurs années. Nicolas Sarkozy sait qu’il ne peut plus être l’héritier désigné du chef de l’Etat. Il tente donc de se positionner comme son successeur incontournable. Reste que Jacques Chirac n’a pas dit son dernier mot. Et, en tout cas, se refuse à répondre à la question que tout le monde se pose, Nicolas Sarkozy compris : va-t-il se représenter pour un troisième mandat en 2007 ?

En attendant que le «moment opportun» soit venu pour aborder ce sujet sensible, le chef de l’Etat entend tout de même ne pas céder trop de terrain à un Nicolas Sarkozy qui a visiblement décidé d’utiliser toutes les armes pour s’imposer. Mais de règlements de compte en peaux de bananes, sous couvert de tentatives pour redynamiser une France malade du chômage, ne risquent-ils pas avec cette guerre des chefs de dévaloriser un peu plus l’image des hommes politiques aux yeux des Français ?


par Valérie  Gas

Article publié le 18/07/2005 Dernière mise à jour le 18/07/2005 à 16:33 TU