Politique française
Chirac et Sarkozy affichent leur rivalité
(Photo : AFP)
L’UMP, tremplin pour la présidentielle
Jacques Chirac a posé une condition à l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP : s’il en devient le président, il doit quitter toute fonction ministérielle. Dans une interview au quotidien le Figaro, le futur président du parti majoritaire français indique qu’il remettra sa démission à Chirac le 29 novembre, c’est-à-dire au lendemain d’un improbable second tour interne au parti, et immédiatement après le congrès au cours duquel il devrait être intronisé. Dans cette longue interview au Figaro, Nicolas Sarkozy est interrogé sur ses ambitions présidentielles. « Contrairement à ce que je lis parfois, je n’ai rien décidé en ce qui me concerne », indique le ministre des Finances. Pour le moment, le futur président de l’UMP parle surtout de ses nouvelles fonctions. « En fait, il y a une très grande unité entre ce que j’ai fait au gouvernement et ce que je ferai à la tête de l’UMP. Je veux redonner du sens à l’action politique, rénover nos méthodes, renouveler nos idées et faire émerger de nouvelles équipes ». Malgré ces déclarations centrées sur sa future action de leader politique, il ne fait aucun doute que la direction de l’UMP lui servira de tremplin pour une candidature à l’élection présidentielle. Quand on l’interroge sur la procédure de sélection du candidat UMP à la prochaine présidentielle, au cas où Jacques Chirac se représente, Nicolas Sarkozy répond : « ce qui comptera, ce sera de choisir le moment venu celui qui pourra le mieux porter nos espoirs et incarner l’avenir. Quel qu’il soit, je le soutiendrai».
« La discrimination positive, c’est les quotas »
En voyage à Marseille où il a dialogué avec des jeunes, Jacques Chirac a laissé entendre qu’il pourrait être candidat à un troisième mandat, et cela moins de deux semaines avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la direction du parti gouvernemental. Au cours de ce débat, le président français a pris le ton de l’humour pour aborder cette question : « pourquoi 2012 ? Il y a aussi 2017. Pourquoi me limiter comme ça ? », a-t-il lancé. Face à l’omniprésence de l’ancien ministre de l’Intérieur, Jacques Chirac est maintenant plus présent sur la scène française. Tout récemment, le président français a fait plusieurs voyages en province. Et si à Marseille, il a fait des déclarations fracassantes sur la Côte d’Ivoire, il a également évoqué les grandes questions qui traversent la société française. Pour les résoudre, il a le plus souvent pris le contre-pied des solutions « sarkoziennes ».
Lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait nommé le premier préfet d’origine maghrébine, premier acte d’une discrimination positive qu’il voulait voir s’installer dans la fonction publique et dans les entreprises afin de donner toute leur place aux Français issus de l’immigration. A Marseille, au cours de ce débat avec des jeunes, Jacques Chirac a indiqué « je ne suis pas favorable à ce qu’on appelle la discrimination positive, et pour une raison simple. La discrimination positive, c’est les quotas, et cela crée forcément l’injustice, le mécontentement, l’affrontement ». Le président français a par ailleurs appelé à « la condamnation des discriminations en général », espérant que la Haute autorité de lutte contre les discriminations que va mettre en place le gouvernement allait « permettre d’avoir les moyens de lutte efficace contre la discrimination de toute nature ».
La loi de 1905, « le pilier du temple »
L’autre grand sujet de désaccord entre le président de la République et son actuel ministre de l’Economie et des Finances, c’est la laïcité. Nicolas Sarkozy milite pour une révision de la loi de 1905 qui instaure la séparation de l’Eglise et l’Etat français. Il a expliqué pourquoi dans son livre intitulé La République, les religions, l’espérance. Ce livre de l’ancien ministre de l’Intérieur et des Cultes a provoqué de fortes réactions, même au sein de sa famille politique. Dans l’interview publiée par le Figaro, Nicolas Sarkozy demande « est-ce si étrange de vouloir adapter une loi vieille d’un siècle et votée alors qu’il n’y avait pas de musulmans en France ? Il faut débarrasser l’islam de France des influences étrangères et des intégristes. Pour ça, la République doit s’en préoccuper ».
Le président Chirac s’est prononcé contre toute réforme de la loi fondatrice de la laïcité française. Cette loi est «le pilier du temple ». « On est bien inspiré en général de le respecter et de ne pas trop vouloir ouvrir un débat supplémentaire et inutile en France sur des sujets qui font l’objet d’un consensus ». Le président de l’UDF François Bayrou s’est lui aussi déclaré défavorable à une révision de la loi de 1905. « Je pense qu’il existe des tas de moyens, des fondations par exemple, d’apporter l’aide nécessaire pour que l’islam de France ne soit pas entre les mains de pays étrangers », a-t-il déclaré sur une radio nationale. François Bayrou a par ailleurs indiqué que ses relations avec Nicolas Sarkozy « sont bonnes. Pour autant, les projets ne sont pas les mêmes ». Les deux hommes pourront en parler à l’occasion du congrès de l’UMP puisque toutes les composantes de la majorité y sont conviées.
par Colette Thomas
Article publié le 15/11/2004 Dernière mise à jour le 15/11/2004 à 15:37 TU