France
Sarkozy : un budget avant de partir
(Photo : AFP)
Non, Nicolas Sarkozy n’est «un maniaque de la vertu budgétaire». Il l’a dit et redit en présentant la loi de finances pour 2005 devant la presse. Sa volonté inébranlable de réduire les déficits publics n’est pas motivée par une obsession pathologique du remboursement des dettes. Néanmoins, le ministre de l’Economie et des Finances ne peut concevoir de ne pas profiter de la croissance pour réduire en partie les déficits. Au nom d’une gestion comparée à celle d’un bon père de famille, Nicolas Sarkozy a donc fait valoir qu’il n’était pas raisonnable d’engager de nouvelles dépenses quand on n’est pas sûr d’avoir les moyens de financer ces mesures dans les années qui suivent.
Un message clair qui en appelle au bon sens des Français pour leur faire accepter un budget serré, mais certainement pas de «rigueur» -un terme que Nicolas Sarkozy juge ridicule lorsque l’on présente dans la case débit un montant de mille milliards d’euros-. Une manière aussi de couper court aux critiques émises sur les choix qui ont guidé la mise au point de cette loi de finances destinée à «redonner une marge de manœuvre» au pays, sans pour autant «dégrader les déficits».
Du coup, en ayant pris pour hypothèse une inflation à 1,8 % et une croissance de 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2005, Nicolas Sarkozy entend diminuer de 10 milliards d’euros le déficit et le porter à 45 milliards. Il s’agit de la première baisse d’une telle importance dans «l’histoire budgétaire» du pays. De cette manière, le ministre respecte les objectifs européens en ramenant les déficits publics sous la barre des 3 % du PIB (2,9 % exactement) et la France «tient sa parole» vis-à-vis de Bruxelles. Les dépenses de l’Etat sont stabilisées et leur progression ne dépasse pas celle de l’inflation. Nicolas Sarkozy a réussi obtenir la suppression de 7 200 emplois dans la fonction publique.
«Il faut faire bouger l’argent qui existe»
En luttant contre l’endettement public, le ministre de l’Economie veut redonner le «moral» aux Français et les inciter à avoir «confiance en l’avenir». En d’autres termes, leur redonner l’envie de consommer pour relancer la croissance. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il a confirmé les mesures annoncées pour augmenter le pouvoir d’achat notamment en incitant la grande distribution à baisser des prix surévalués à l’occasion du passage à l’euro. C’était aussi pour cette raison qu’il avait, il y a quelque temps, mis en œuvre des exonérations d’impôts sur les donations aux enfants ou petits-enfants pour faire circuler l’argent entre ceux qui en ont et ceux qui en dépensent. «Il faut faire bouger l’argent qui existe». Nicolas Sarkozy a d’ailleurs estimé que ce dispositif avait déjà atteint son objectif en permettant d’injecter 1,6 milliard d’euros dans l’économie française.
Les ménages participent à relancer la croissance et font donc l’objet d’un certain nombre de dispositions. Le prêt à taux zéro est, comme prévu, remplacé par un crédit d’impôt qui doit permettre aux personnes qui veulent acheter un premier logement de constituer l’apport nécessaire pour obtenir un prêt de leur banque. Selon Nicolas Sarkozy, cette mesure présente, par rapport au prêt à taux zéro, l’avantage de multiplier le nombre des bénéficiaires par deux, de permettre aux personnes disposant de revenus intermédiaires d’en profiter aussi et d’être applicable à l’achat de tout type de logement, neuf ou ancien. D’autre part, le plafond des dépenses engagées pour l'emploi d'une personne à domicile pouvant donner droit à des réductions d’impôts passe de 10 000 à 15 000 euros. Pour le ministre de l’Economie, cette disposition ne visent pas à faire des cadeaux fiscaux aux classes moyennes au détriment des plus démunis, non imposables. Elle doit, au contraire, permettre de lutter contre le travail au noir et faciliter la création d’emplois déclarés bénéficiant des avantages sociaux dont toute une frange de personnes peu ou pas qualifiées pourra bénéficier. De même, le ministre s’est défendu de privilégier les foyers les plus nantis en choisissant d’exonérer d’impôts les successions allant jusqu’à un montant de 100 000 euros. Il a, au contraire, défendu le point de vue selon lequel il s’agissait d’une «mesure familiale», par laquelle il reconnaît qu’il est légitime de vouloir laisser le fruit d’une vie de travail à ses enfants.
Pour «soutenir une croissance forte et durable», le ministre de l’Economie compte aussi beaucoup sur les entreprises. Il a donc décidé de diminuer l’impôt sur les sociétés qui passe de 34,33 à 33,33 % mais reste tout de même largement «au-dessus de la moyenne européenne». Le ministre a aussi annoncé la prolongation en 2005 de l’exonération de la taxe professionnelle sur les investissements nouveaux et la mise en place d’un crédit d’impôts pour les dépenses de prospection hors d’Europe des entreprises dans la limite de 15 000 euros. Cette deuxième mesure est destinée à inciter les entreprises à développer les exportations vers des pays à croissance forte pour que la France en bénéficie.
Nicolas Sarkozy a aussi confirmé les mesures destinées à lutter contre les délocalisations : création de pôles de compétitivité, exonération de taxe professionnelle jusqu’à 1 000 euros par salariés dans les zones en difficulté, crédits d’impôts sur les bénéfices équivalent à 50 % des dépenses engagées la première année pour les entreprises qui se «relocalisent» en France. Le ministre a aussi défendu avec détermination ce qu’il a qualifié de «réforme sans précédent» de l’apprentissage. Nicolas Sarkozy entend dans ce domaine appliquer un principe simple pour encourager les entreprises à engager des apprentis : celles qui en embaucheront bénéficieront de crédits d’impôts, celles qui ne le feront pas paieront plus de taxe professionnelle.
Sans détour et avec une conviction affirmée, Nicolas Sarkozy a donc présenté un «bon» budget, dont il dit avoir élaboré les grandes lignes dans la plus «grande liberté» et qu’il «assume» de bout en bout. Après avoir rempli sa courte mais difficile mission ministérielle à la tête de Bercy, il est maintenant prêt à prendre la direction de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) et à sa lancer «dans le débat d’idées». En attendant mieux.par Valérie Gas
Article publié le 22/09/2004 Dernière mise à jour le 22/09/2004 à 17:06 TU