Politique française
Jacques Chirac affiche sa sérénité
(Photo: AFP)
En dépit de l’adversité, Jacques Chirac a donné l’image d’un président au travail, serein et apaisé, soucieux de ne pas gérer le quotidien mais de penser à l’avenir. Libéré des contraintes d’une popularité qui lui fait cruellement défaut, mais sans renoncer à exercer pleinement sa fonction, il s’est déclaré déterminé à poursuivre dans la voie des réformes visant, selon lui, à doper l’économie française et à produire les dividendes sociaux attendus par ses concitoyens.
En raison de l’actualité, les premières questions posées au chef de l’Etat ont évidemment porté sur la menace terroriste qui pèserait sur la France après les attentats de Londres. Après avoir réaffirmé sa solidarité avec «le peuple britannique, admirable de calme, d’efficacité et de sang-froid», Jacques Chirac a rappelé la vulnérabilité des démocraties, indiquant que «personne n’est à l’abri», mais que les services français mettaient en œuvre «tout ce qui peut être imaginé pour détecter et lutter contre le terrorisme».
«Ni efficace, ni périmé»
Une fois ce point évoqué, et la solidarité de la France réaffirmée, l’essentiel de l’entretien de Jacques Chirac avec les deux journalistes Arlette Chabot (France Télévisions) et Patrick Poivre d’Arvor (TF1) a porté sur les questions d’actualité nationales qui préoccupent les Français, à savoir les dossiers économiques et sociaux. Tout d’abord, le président de la République a appelé à une réflexion approfondie sur le message délivrée par ses concitoyens, le 29 mai, lorsqu’ils ont repoussé le traité constitutionnel européen. Il s’est félicité de la qualité du débat, malgré leur décision, et a estimé que leur vote ne traduisait «pas le message d’une France morose, d’une France qui doute». Loin de se sentir humilié, il a formulé le vœu que «cette pratique du référendum soit plus souvent utilisée». «Cela évitera de faire des erreurs», «cela doit nous conduire à tirer les conséquences de façon positive», a-t-il souligné, annonçant une réunion des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne consacrée à l’examen de la situation nouvelle créée par les rejets français et néerlandais pour cet automne.
Prenant acte des attentes et des inquiétudes exprimées, le président a rappelé les atouts de la France et souligner les retards qu’il faut combler en pointant notamment le chômage de masse, qui touche plus de 10% de la population active. Rejetant l’exemple libéral britannique, il adresse au modèle social français un hommage en forme de « ni-ni » : «ni efficace, ni périmé», a-t-il dit. Selon lui, «la France s’est installée dans un système qui accepte le chômage pour le rendre supportable : ce système ne marche pas. Il faut vraiment changer».
Les impôts ne baisseront pas
Pour cela, il propose une série d’orientations. «Chercher les emplois là où ils sont», c’est-à-dire dans les petites et très petites entreprises pour lesquelles il faudra créer les conditions propices à l’embauche, vraisemblablement fiscales. Développer les services à la personne (handicapée, malade, etc.), qui constituent un gisement de 500 000 emplois, affirme-t-il. Faciliter l’embauche, notamment des jeunes de moins de 25 ans et des «seniors» en créant des contrats adaptés. Enfin le président est revenu sur cette proposition de «guichet unique» associant les administrations consacrées à la recherche d’un emploi (Agence nationale pour l’emploi, ANPE) et à l’indemnisation des chômeurs (Union nationale pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, Unedic). «Il y a trop de Français qui ne sont pas incités à prendre des emplois inoccupés», a précisé le chef de l’Etat qui veut «donner une priorité au travail». Et pour soutenir l’effort, il a rappelé que les impôts ne baisseront pas, malgré ses promesses initiales et sa volonté intacte d’aller dans cette direction.
Parmi les projets qu’il envisage de développer, Jacques Chirac propose par ailleurs de renouer avec une tradition qui consiste à associer la recherche, l’innovation et l’industrialisation, «comme le fait le Japon aujourd’hui». Saluant la qualité de la recherche française, il estime que «notre problème, c’est d’avoir une cohérence entre recherche et industrie». Et il annonce la création d’un Haut comité scientifique, chargé de définir de grands axes, et d’une Agence nationale, chargée de la mise en œuvre des projets émanant des entreprises ou des chercheurs. Ces instruments viendront compléter le dispositif annoncé cette semaine avec la création des pôles de compétitivité.
«Des moments psychologiques»
Interrogé sur le calendrier de ses réformes et l’arrivée tardive des mesures annoncées, Jacques Chirac, à 22 mois de la prochaine élection présidentielle, déclare qu’«il y a un moment pour faire les choses», «des moments psychologiques». C’est donc maintenant.
Enfin sur le spectacle des affaires intérieures, caractérisées par les profondes querelles de succession au sein de son propre parti, l’Union pour un mouvement populaire (UMP), Jacques Chirac s’en est tiré du mieux qu’il a pu : il a rendu hommage à la fois à son Premier ministre et à son ministre de l’Intérieur dont l’activisme trahit sans cesse l’ambition de déstabiliser son patron. Il a réaffirmé sa confiance dans le premier, Dominique de Villepin, et a salué dans le second, Nicolas Sarkozy, sa capacité à lancer les débats.
Au même moment, le ministre de l'Intérieur recevait dans son bureau quelques journalistes, télévision éteinte.
par Georges Abou
Article publié le 14/07/2005 Dernière mise à jour le 14/07/2005 à 16:55 TU