Sénégal
Pouvoir et opposition rétablissent le dialogue
(Photo : AFP)
De notre correspondante à Dakar
Le pouvoir affirme qu'il ne changera pas d'avis sur la proposition du président Wade d'organiser les législatives initialement prévues en 2006 en même temps que la présidentielle de 2007, l'opposition se dit prête à ne pas laisser faire une telle chose, ce qui n'a empêché ni l'un ni l'autre de se réjouir de leur rencontre de mercredi après-midi. «Ce que nous avons retenu, nous, à la fin, c'est que le président a redit sa disponibilité et son ouverture pour le dialogue, pour que nous puissions - selon des procédures qui vont être arrêtées - continuer la discussion sur le processus électoral et sur le respect du calendrier républicain», a déclaré le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Ousmane Tanor Dieng, qui s'est exprimé au nom de l'opposition. «Nous avons pu convenir de poursuivre le dialogue républicain en mettant en place une passerelle entre l'opposition et le pouvoir, (...) en créant une sorte de commission paritaire qui va dorénavant réfléchir sur toutes les questions qui se posent entre l'opposition et le pouvoir», a pour sa part affirmé le Premier ministre Macky Sall, désigné par le pouvoir comme «interlocuteur» des opposants.
Au nombre de ces opposants présents mercredi au palais présidentiel, figuraient notamment des responsables des coalitions du Cadre permanent de concertation (CPC) et d'un groupe dit «G10» ainsi que de la Ligue démocratique-Mouvement pour un parti du travail (LD-MPT, de l'ex-ministre Abdoulaye Bathily). La réunion, qui a duré environ trois heures d'horloge, était réclamée depuis le 23 août par l'opposition, selon le secrétaire général de l'Alliance des forces de progrès (AFP), l'ex-Premier ministre Moustapha Niasse. Donc, bien avant l'annonce officielle du projet de couplage des élections, faite cinq jours plus tard, le 28 août, dans une déclaration télévisée d'Abdoulaye Wade.
Eviter un retour à une «démocratie tropicale»
Ce report, s'il est accepté par l'Assemblée nationale, permettrait d'économiser 7 milliards de FCFA (plus de 10,67 millions d'euros) et contribuer au financement d'une opération de relogement des victimes des inondations dans le pays, avait expliqué Abdoulaye Wade. Il avait estimé à 52 milliards de FCFA (plus de 79,27 millions d'euros) le montant global à mobiliser pour cette opération, qu'il a appelée «Plan Jaxaay» («aigle», en wolof - le «j» se prononce «dj», et le «x» comme le «j» espagnol) et qualifiée de «plan de survie de priorité absolue». «Prétexte», avaient estimé au lendemain de cette déclaration les dirigeants de l'opposition, en affirmant que l'idée de repousser les élections avait déjà été lancée bien avant les inondations, survenues à la mi-août, et qu'il n'était pas question pour eux de modifier le calendrier électoral.
«Après avoir fait ce qui a été fait en 2000», avec le changement de pouvoir à l'issue de la présidentielle remportée par le libéral Abdoulaye Wade devant le président sortant et socialiste Abdou Diouf, «il ne serait pas souhaitable que nous en revenions à des comportements de démocratie tropicale», a encore déclaré mercredi Ousmane Tanor Dieng, en indiquant que l'opposition a attiré l'attention du président Wade sur cet aspect. «Je crois qu'il a été très sensible à l'argument de la stabilité du pays, à l'argument de l'image de notre pays (...). Je pars avec l'esprit positif et conquérant, mais avec une fermeté pour défendre les principes auxquels nous sommes attachés. Nous continuerons à dire qu'on ne doit pas reporter les élections, c'est contraire à la Constitution», a-t-il ajouté.
Côté pouvoir, on ne l'entend pas de cette oreille. «Pour le président de la République et pour mon gouvernement, la priorité reste la prise en charge aujourd'hui des préoccupations des personnes sinistrées qui vivent dans les eaux (...). Nous avons une politique responsable, nous avons identifié sur le tableau des opérations financières de l'État les moyens que nous sommes à même de mobiliser», dont «les 7 milliards (de FCFA) venant des élections qui pourront être repoussées seulement de huit mois», a déclaré Macky Sall, en assurant que le projet de couplage des élections sera bel et bien soumis à l'Assemblée nationale, «la seule institution qui a le pouvoir d'apprécier ou de modifier la Constitution, donc de modifier la durée du mandat des députés».
En attendant, le «pont» du dialogue est jeté. Les responsables de l'opposition doivent examiner ensemble dès ce jeudi «les modalités» de sa participation au comité paritaire, affirme le premier secrétaire du PS, et le pouvoir continue «de voir des espoirs de convergence possible avec l'opposition», assure le Premier ministre, non sans lancer un avertissement. Le pouvoir va essayer de trouver un consensus et de l'appliquer mais dans le cas contraire, «la majorité va appliquer sa politique, et c'est le peuple qui tranchera».
par Coumba Sylla
Article publié le 08/09/2005 Dernière mise à jour le 08/09/2005 à 14:14 TU