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Côte d'Ivoire

Election à retardement

Carte de la Côte d'Ivoire divisée.(Source: www.un.org)
Carte de la Côte d'Ivoire divisée.
(Source: www.un.org)
Le mandat de Laurent Gbagbo échoit le 30 octobre à minuit. Mais la présidentielle n’aura pas lieu à sa date constitutionnelle. Le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan l’a annoncé hier, en invoquant la mauvaise volonté des «leaders politiques et des partis». Ils «n’ont pas coopéré» pour faire aboutir à temps le processus électoral qui devait permettre de sortir de la crise, a-t-il relevé, sans nommer personne, mais tout en ajoutant que «tôt ou tard», le Conseil de sécurité «va être obligé» de mettre en œuvre les sanctions cataloguées dans la résolution 1572 du 15 novembre 2004. En attendant, les Ivoiriens se déchirent de plus belle sur les formes que doivent prendre ces prolongations, transition politique ou pas, avec ou sans Gbagbo ? Le report des élections relance les enchères.

Pour justifier le report sine die du scrutin, Kofi Annan explique qu’il «y a certaines choses qu'on doit faire avant des élections en octobre». «On n'a même pas pu constituer la Commission électorale» indépendante (CEI), rappelle-t-il en particulier. Avant lui, Antonio Monteiro, le haut représentant de l’ONU chargé des élections en Côte d’Ivoire, avait abordé ce même point, jeudi, sur la radio internationale britannique BBC. Estimant pour sa part que le problème, «ce n'est pas la date…c'est d'avoir une élection valable», il appelait alors une fois de plus la CEI «à commencer à travailler, à brûler les étapes». Antonio Monteiro estime en effet que c’est à la CEI de déterminer le temps nécessaire à la préparation des élections et même de trouver «une solution, pour une période de transition jusqu'à la date réelle de l'élection», c’est-à-dire de définir la nature de cette transition et de s’entendre sur celui qui la dirigera.

«Qui déstabilise les élections ?»

Au passage, Antonio Monteiro indique que la médiation Mbéki se poursuit. Il «espère» que l’Onu «pourra commencer à travailler la semaine prochaine avec cette commission et avec la médiation». «Dans l'avenir, je veux travailler de façon transparente dans la Commission électorale», afin d’identifier celui qui «déstabilise les élections», et de comprendre pourquoi. Le 1er septembre dernier, Thabo Mbéki avait répondu à la question à sa manière, estimant que le président Gbagbo a tenu ses engagements de Pretoria et dénonçant au passage les obstructions de l’opposition, et en particulier les manœuvres de l’ancienne rébellion des Forces nouvelles (FN), qui réclament depuis des semaines l’ouverture d’une «transition politique sans Gbagbo». Sur ce mot d’ordre, les FN refusent en effet jusqu’à présent de pourvoir les sièges à la CEI négociés à Pretoria.

Bien évidemment, les FN se réjouissent de l’annonce du report des élections pour lequel elles ont milité sans relâche, rejetant la médiation Mbéki qu’elles accusent de «complicité» avec Laurent Gbagbo. Leur porte-parole, Sidiki Konaté, veut croire que les FN ont marqué un point et que la décision de l’Onu entérine leurs revendications et leurs accusations. Selon lui, «ça veut dire que l'ONU doit aller au-delà, prendre en compte les positions des Forces nouvelles et anticiper déjà sur la transition qui est inévitable». Du nombre des alliés des FN au G7, l’ancien parti unique, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) préconise pour sa part une concertation «pour qu'il n'y ait pas des perturbations sociales et politiques dans le pays».

Le PDCI aussi voue Gbagbo aux gémonies et souhaite une transition qui le mette hors jeu. En attendant, son candidat désigné à la présidentielle, le président déchu Henri Konan Bédié, est attendu à Abidjan, dimanche, après une nouvelle année d’exil à Paris et un retour manqué le 24 août dernier, après les menaces de coup d’Etat proférées par l’ancien chef d’état-major des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), le général Mathias Doué.

«Débarquer Gbagbo !»

De son côté, l’autre poids lourd et pomme de discorde nationale, candidat potentiel à la fantomatique présidentielle, le chef du Rassemblement des républicains (RDR), l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara, invoque toujours un problème de garde rapprochée pour reculer son retour en Côte d’Ivoire. Mais si au G7, PDCI et RDR font front commun avec l’opposition armée pour «débarquer Gbagbo», ils n’en défendent pas moins des ambitions politiques qui les incitent à rester en ordre de bataille électorale, dans la CEI notamment. Or leur électorat pourrait se lasser des chemins de traverses politico-militaires qui se sont soldés jusqu’à présent par la division du pays, sa déroute économique et un insondable chaos social.

Pour sa part, le président en titre, Laurent Gbagbo joue la force d’inertie, rappelant qu’il n’est nullement fait «mention d'une quelconque transition» dans les accords de Marcoussis, signés par tous les partis politiques en lice et auxquels il a été contraint d’adhérer. Le 8 septembre dernier, au Conseil des ministres, toujours boycotté par les FN, il s’est prévalu d’avoir fait le nécessaire pour que «tous les signataires de l’Accord de Linas Marcoussis puissent être candidats s’ils le désirent, à la prochaine échéance présidentielle», s’estimant «en droit d’exiger le désarmement, en vue de la réunification du pays, du redéploiement de l’Administration et de l’organisation des élections». Pour le reste, dit-il, «la Constitution a prévu tous les cas de figure liés au processus électoral et aux difficultés y afférentes». Bref, il entend rester aux commandes jusqu’aux élections.

L’Onu garde en réserve les sanctions individuelles (frappées d'opposition par la Chine et la Russie) - interdiction de voyager et gel des avoirs à l’étranger - ainsi que sa liste noire des éventuels saboteurs de la sortie de guerre, projetées depuis novembre dernier. La médiation africaine ne jette pas l’éponge. Mais l’un comme l’autre sont finalement démunis face à une impasse que les Ivoiriens ont aménagée eux-mêmes et que seule leur propre bonne volonté peut transformer en boulevard électoral.


par Monique  Mas

Article publié le 09/09/2005 Dernière mise à jour le 09/09/2005 à 16:52 TU

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Kofi Annan

Secrétaire général des Nations unies

«Les leaders politiques et les partis n'ont pas coopéré.»

Antonio Monteiro

Haut représentant des Nations unies pour les élections en Côte d’Ivoire

«Tout le monde m’a soutenu dans l’idée d’avoir un processus transparent, démocratique et honnête de façon à ce qu’on arrive à des élections crédibles.»

Guillaume Soro

Responsable des Forces nouvelles de Côte d'Ivoire

«Puisque Thabo Mbeki soutient le président Gbagbo et condamne unilatéralement les Forces nouvelles, nous ne voyons plus la nécessité de la médiation africaine.»

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