Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Ouragan Katrina

Le système Bush en cause

George Bush inspecte les dommages subis par La Nouvelle-Orléans depuis l'avion présidentiel <i>Air Force One</i>, le 31 août 2005.(Photo: AFP)
George Bush inspecte les dommages subis par La Nouvelle-Orléans depuis l'avion présidentiel Air Force One, le 31 août 2005.
(Photo: AFP)
Si le président américain a su trouver les mots pour rassembler après les attentats du 11-Septembre, sa piètre performance devant les ravages causés par l’ouragan Katrina et son peu d’empressement à faire face à ce qui est désormais considéré comme la plus grande catastrophe naturelle du pays a sérieusement ébranlé sa popularité. George Bush a certes promis de mener une enquête pour déterminer les causes de la lenteur des secours. Des causes d’ores et déjà attribuées par ses détracteurs aux réformes qu’il a lui-même mises en place au lendemain des attaques terroristes contre New York et Washington.

Même dans le camp républicain on se montre agacé. Il est vrai que l’image d’un président indifférent à la détresse de sa propre population, plongée dans le plus grand désarroi après le passage dévastateur de l’ouragan Katrina, va être difficile à effacer. Et l’homme qui, porte-voix à la main, défiait les terroristes sur les ruines du World Trade Center au lendemain des attentats du 11-Septembre, pourrait bien avoir le plus grand mal à se relever de cette catastrophe naturelle. Car aujourd’hui, c’est bien les capacités de George Bush à diriger le pays en cas de grave crise qui sont mises en cause, alors qu’il y a quatre ans il apparaissait comme le chef incontesté d’un pays attaqué. Et les sondages d’opinion ne sont pas fait pour rassurer son propre camp qui craint les conséquences sur les élections législatives du midterm, prévues en 2006. Selon une enquête du Pew Research Center publiée jeudi, 67% des Américains estiment en effet que leur président aurait pu faire davantage pour accélérer les secours contre 28% qui pensent qu’il a fait ce qu’il a pu. Cette même étude révèle surtout que George Bush n’est plus crédité que de 40% d’opinions favorables, soit une baisse de quatre points par rapport au moins de juillet.

Plus grave pour le chef de la Maison Blanche, les préoccupations des Américains ne sont plus les mêmes que celles qui prévalaient au lendemain du 11-Septembre. Ces derniers ne demandent en effet plus à leur président de les défendre contre un ennemi extérieur mais bien d’agir sur le plan national et de se consacrer en priorité sur les problèmes internes. La guerre contre le terrorisme et contre les armes de destruction massive de Saddam Hussein n’est en effet plus, à leurs yeux, une priorité dans un pays qui a été incapable de venir en aide à sa propre population, donnant de lui l’image d’une nation du tiers-monde. L’Amérique semble ainsi avoir enfin découvert ses pauvres qu’un récent rapport du Bureau de recensement, publié la semaine dernière, évalue à 37 millions, soit 17% de plus que sous la seconde présidence de Bill Clinton. Un éditorialiste du New York Times, Thomas Friedman expliquait cette semaine que George Bush avait reçu au lendemain du 11-Septembre «un mandat, presque un chèque en blanc» de ses concitoyens. «Malheureusement, a-t-il estimé, il n’a pas utilisé ce mandat seulement pour affronter les terroristes, mais pour mettre en œuvre un programme conservateur radical» qui a fragilisé encore plus les populations les plus précaires. Le rapport du Bureau de recensement a notamment révélé que les rangs des personnes ne bénéficiant d’aucune assurance santé se sont gonflés de 800 000 en 2004 pour atteindre un total de 46 millions. 

Des réformes montrées du doigt

Quatre ans après les attentats de New York et Washington, l’ouragan Katrina a surtout révélé l’incapacité gênante des pouvoirs publics, Etat fédéral en tête, à réagir face à une catastrophe naturelle pour laquelle ils avaient pourtant été prévenus quarante-huit heures à l’avance. Qu’en aurait-il été si le pays avait dû faire face à une attaque chimique ou bactériologique que les terroristes se seraient bien gardés d’annoncer ? Si la question hante tous les esprits, elle a surtout porté un coup dur aux réformes entreprises à grand renfort de publicité par la Maison Blanche dans le but de garantir une meilleure sécurité aux Américains. Créé après le 11-Septembre, le ministère de la Sécurité intérieure avait certes anticipé, dans sa liste des quinze scénarios catastrophes susceptibles de frapper le pays, l’éventualité d’un cyclone de force 5. Mais son incapacité à gérer un tel cataclysme en dit long sur les limites de la stratégie mise en place par la Maison Blanche.

Obnubilée par sa croisade contre le terrorisme et par sa guerre en Irak, l’administration Bush y a investi des moyens considérables souvent aux dépens d’organismes publics comme la Fema –Federal Emergency Management Agency– en charge notamment de la gestion des catastrophes naturelles. Ainsi, depuis 2001, des milliards de dollars ont été reportés à la sécurité nationale et à la guerre en Irak. Les programmes clés de secours en cas de désastres ont vu leur budget fondre comme neige au soleil et les fonds fédéraux qui y sont alloués diminué de plus de moitié. Organisme à part entière, la Fema s’est vu rétrogradée et placée sous l’égide du puissant département de la Sécurité intérieure. Plusieurs de ses missions ont même été sous-traitées à des entreprises privées dont seuls les Etats et les communautés les plus riches sont en mesure de s’offrir les services.

Alors que responsables locaux et autorités fédérales se renvoient la responsabilité de la mauvaise gestion de la crise, le président George Bush s’est engagé à mener l’enquête. Une décision qui est loin de satisfaire l’opposition démocrate qui réclame ni plus ni moins que la création d’une commission d’enquête indépendante, sur le modèle de celle qui a examiné la réponse des autorités aux attentats du 11-Septembre.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 09/09/2005 Dernière mise à jour le 09/09/2005 à 18:04 TU