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Ouragan Katrina

Le tiers-monde, version américaine

Cette personne, réfugiée à Baton Rouge (Louisiane) a tout perdu.(Photo: AFP)
Cette personne, réfugiée à Baton Rouge (Louisiane) a tout perdu.
(Photo: AFP)
Sidérée par une gestion tardive, désordonnée et inefficace de la crise, l’Amérique s’interroge sur sa puissance réelle et sa capacité à venir en aide à ses propres citoyens, surtout lorsqu’ils sont pauvres et noirs. Huit jours après le passage de Katrina, la persistance d’une situation critique révèle que les Etats-Unis ne sont pas préparés et n’ont pas les moyens civils de faire face à une catastrophe naturelle.

Les victimes sont les pauvres, donc les Noirs : c’est la principale révélation sur les conséquences du passage de l’ouragan Katrina. Les images de ces victimes de la tempête, diffusées par les télévisions du monde entier, montrent en effet des flots de réfugiés noirs entassés et/ou livrés à eux-mêmes, devenus la proie d’une criminalité qui s’installe avec une rapidité déconcertante dés lors qu’un événement extraordinaire se manifeste, encouragée par l’incapacité des pouvoirs publics à affronter une situation exceptionnelle. Katrina révèle un paradoxe américain surprenant entre la capacité du pays à produire de la richesse et la persistance d’un quart-monde considérable impuissant à répondre aux consignes d’évacuation faute de moyens de transport.

Sidérés, les Américains découvrent une face cachée de leur société : un Etat fédéral impotent et orgueilleux qui ne consent que tardivement à accepter l’aide humanitaire de la communauté internationale, une large fraction de la population économiquement sous-développée, matériellement incapable de fuir face au danger, et la persistance de cette étrange fracture sociale exactement alignée sur la question raciale.

L’autre révélation, c’est la réponse militaire aux événements, massivement mise en œuvre à mesure de la montée des critiques, alors que l’institution policière était ellle aussi emportée sous les flots de l’ouragan. Face à l’impossibilité des Etats concernés d’assurer la sécurité des citoyens et à prendre en charge les secours, et après n’avoir rien fait pendant les quatre premiers jours à part rassurer les marchés pétroliers en indiquant que les Etats-Unis puiseraient dans leurs réserves stratégiques, la Maison Blanche fait donner la troupe, dernière institution nationale à disposer des moyens à la hauteur de la mission. En raison de la guerre contre le terrorisme, dans laquelle le pays est engagé sur plusieurs fronts, le budget militaire annuel des Etats-Unis est prioritaire : il  dépasse les 400 milliards de dollars.

Bavures et exactions

Mais le pays de la liberté est également celui où le maintien de l’ordre est le plus brutal. Cinquante mille hommes en armes ont été déployées dans la région des trois Etats (Louisiane, Mississipi, Alabama) méridionaux touchés par Katrina pour réduire l’insécurité et neutraliser les gangs sur un territoire qui ne disposait d’aucun ravitaillement depuis le passage de l’ouragan. Les témoignages de bavures sont nombreux. Ils décrivent des gens désespérés, eux-mêmes témoins ou victimes d’exactions, qui vont au-devant des forces de l’ordre dans l’espoir d’être protégés ou de porter secours à une victime en difficulté, et abattus sans sommation.

Aujourd’hui évacués, les grands centres transformés en lieux d’hébergement pendant la tempête, et où les rescapés avaient été invités à se regrouper, ont été durant les quelques jours qui ont suivi le passage de l’ouragan des zones de non-droit. Là aussi les témoins décrivent des conditions de vie difficiles, sans hygiène, sans vivres, et où de nombreuses victimes de l’ouragan ont été, de surcroît, victimes d’exactions. Enfin les questions de l’évolution des événements et du décompte des victimes, des disparus et des survivants recherchés sont également à l’ordre du jour alors que l’initiative individuelle, associée à l’Internet, semble être le plus sûr moyen de recueillir des informations fiables et précises sur la situation. Aujourd’hui encore, huit jours après le passage de Katrina, personnes n’est en mesure d’établir un bilan, mais des responsables gouvernementaux ont estimé qu’il pourrait se chiffrer en milliers de morts.


par Georges  Abou

Article publié le 05/09/2005 Dernière mise à jour le 06/09/2005 à 11:20 TU

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