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Algérie

Harkis: le «mea culpa» de Bouteflika

Portrait officiel du président algérien Abdelaziz Bouteflika.(Photo: présidence de la République algérienne)
Portrait officiel du président algérien Abdelaziz Bouteflika.
(Photo: présidence de la République algérienne)
Le processus de réconciliation nationale déclenchée par le président Bouteflika pour essayer de régler la récente crise algérienne révèle que l’une des causes profondes remonte à la guerre d’indépendance. Précisément au lendemain de l’indépendance, lorsque les familles de harkis, restées au pays, ont été marginalisées au sein de la société algérienne.

De notre correspondant à Alger

La question n’a jamais été évoquée en ces termes depuis 1962, année de l’indépendance. Plus de quarante ans de silence officiel ont été rompus à l’occasion de la campagne que mène, depuis la mi-août, le président Bouteflika autour de la charte sur la paix et la réconciliation nationale. Ce texte, soumis à référendum le 29 septembre prochain, énonce une série de mesures sociales et de clémence judiciaire en faveur des islamistes qui avaient pris les armes durant la décennie 90, ainsi qu’en faveur de toutes les victimes de cette sanglante période. Cette charte a pour vocation de contribuer à apaiser les esprits et à tourner la page de ces douloureux évènements.

À Oran, lors d’un rassemblement populaire, Abdelaziz Bouteflika a loué les vertus de cette charte non sans évoquer l’une des causes lointaines de la crise. Il a noté que la réconciliation «ne pourra se concrétiser que si ceux qui ont été injustement touchés dans leur amour-propre et dans leurs droits pardonnent», reconnaissant, toutefois, que des «erreurs ont été commises par le passé, particulièrement durant la période post-indépendance, à l'encontre des enfants et des familles des harkis», estimant qu'il s'agit là de «l'une des causes aggravantes de la crise algérienne».

C’est la deuxième fois, durant sa campagne référendaire, que le chef de l’État algérien évoque la marginalisation, au lendemain de l’indépendance, des fils et familles de harkis. À Chlef, l’une des précédentes étapes de son périple de campagne, région dont sont originaires de nombreux harkis, Abdelaziz Bouteflika s’était adressé à leurs descendants résidant en France. «Je dois dire que les fils de harkis ne sont pas responsables des actes de leurs parents. S’ils veulent regagner la patrie, ils peuvent prétendre devenir Algériens à part entière, ils sont les bienvenus sur la base de l’égalité de droits et de devoirs…». Le président algérien, qui estime toujours que les harkis sont des «collaborateurs des forces coloniales» et par conséquent des traîtres à la cause nationale, a clairement voulu marquer la différence entre les harkis et leurs descendants.

Venger leurs parents

Les familles de harkis restées en Algérie après 1962, relativement nombreuses, ont eu à subir une vindicte sociale et administrative. Ils n’étaient pas «parqués» dans des zones spécifiques, mais ils traînaient avec eux la «félonie» de leurs pères et parents. Certains d’entre eux n’ont jamais accepté cette indignité qu’on leur infligeait. Quelques centaines ont adhéré au Front islamique du salut (Fis) et quelques uns ont même été élus au scrutin municipal de 1990 remportées par le parti islamiste.

Après l’arrêt du processus électoral en janvier 1992 et le déclenchement de la rébellion islamiste armée, les services de renseignement avaient estimé que les fils de harkis locaux au sein du Fis formaient un réseau national d’environ 300 individus. Un de leurs leaders, Mohamed Saïd était considéré comme membre de ce réseau informel. Son père avait été exécuté par le FLN, en Kabylie, pour collaboration avec l’ennemi, affirmaient plusieurs journaux privés. Plus tard, Mohamed Saïd fut tué dans le maquis par les GIA, dont un des tout premiers chefs Sayeh Attia émir de la région de Médéa était, lui aussi, fils de harki, indiquaient en 1994 des sources informées.

Durant ces années de violences quotidiennes, plusieurs quotidiens soutenaient que ces «fils de harkis avaient basculés au Fis puis vers la violence pour venger leurs parents». Cette perception lapidaire évacuait l’explication qu’en donne aujourd’hui Abdelaziz Bouteflika. «Le traitement du dossier des familles des harkis après l’indépendance est l’une des plus graves erreurs commises dans le passé. Nous avons commis des erreurs à l’encontre des familles et des proches des harkis et nous n’avons pas fait preuve de sagesse. Nous avons suscité en eux un sentiment de haine et de rancœur, portant ainsi un préjudice au pays», a souligné le chef de l’État algérien à Oran.


par Belkacem  Kolli

Article publié le 10/09/2005 Dernière mise à jour le 10/09/2005 à 10:56 TU