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France

Débat contesté sur les déchets nucléaires

Le site d'enfouissement de déchets nucléaires de Bure, en Lorraine.(Photo : AFP)
Le site d'enfouissement de déchets nucléaires de Bure, en Lorraine.
(Photo : AFP)
Les écologistes ne participeront pas au débat public sur le devenir des déchets nucléaires. Pour les anti-nucléaires, les décisions sont déjà prises concernant ces résidus ainsi que sur le devenir de la filière électronucléaire française.

La Commission nationale du débat public a déjà été appelée à organiser une foule de débats en France pour essayer de faire la lumière sur des questions d’actualité. Des débats publics ont par exemple été organisés pour discuter de nouveaux projets autoroutiers ou de la création de nouvelles lignes haute-tension. La Commission est en général sollicitée pour faire émerger un avis collectif sur ces futurs projets d’aménagement ou d’équipement. Emanation de l’Etat, cette Commission confronte également les points de vue pour le lancement de nouvelles installations dans le domaine du nucléaire. Cette fois, une antenne de la Commission a été spécialement créée pour parler du devenir des déchets nucléaires. Il s’agit de la Commission particulière du débat sur les déchets nucléaires.

Le laboratoire de Bure sur la sellette

La Commission particulière du débat sur les déchets nucléaires a prévu d’ouvrir les discussions ce lundi 12 septembre. Les représentants de la Commission ne démarrent pas leur tour de France au hasard. Puisqu’il s’agit d’aller à la rencontre des élus, des associations, et de n’importe quel Français, c’est à Bar-le-Duc, ville moyenne de l’Est de la France, que la concertation démarre. A quelques kilomètres de cette ville, un grand chantier est en cours dans un tout petit village. Le site de Bure, dans le département de la Meuse, devrait accueillir le premier laboratoire d’expérimentation sur l’enfouissement des déchets nucléaires à grande profondeur.

Pour cette première réunion, et en plus à proximité d’un site très symbolique de l’énergie nucléaire, les écologistes jouent d’emblée les troubles-fêtes. Le réseau Sortir du nucléaire, fédération de 718 associations, annonce qu’il ne participera pas à ce débat qualifié de «caduc». Les associations anti-nucléaires locales comme le collectif Stop-Bure et la Coordination nationale contre l’enfouissement des déchets nucléaires parlent de leur côté de débat «tronqué et trompeur».

Quelque soit l’issue de cette première réunion, la deuxième se tiendra le lendemain, dans la même région, à Saint-Dizier. Là encore, le but de la consultation est de savoir ce que pense le public le plus concerné par l’implantation de ce laboratoire, à 480 mètres de profondeur, qui accueillera des résidus nucléaires très toxiques et dont la durée de vie se compte en millénaires.

Se prononcer sur les choix

Pendant quatre mois, des réunions se tiendront dans une quinzaine de villes françaises toutes impliquées dans la filière électronucléaire. Les organisateurs ont prévu de donner une tonalité aux débats parfois plus scientifique, parfois plus orientée vers les questions de société. Un compte-rendu de ces travaux sera publié au plus tard fin janvier 2006.

La Commission a prévu de mettre en débat dix questions de fond concernant les déchets nucléaires. Il sera demandé au public de donner son avis sur les choix à faire pour les gérer. Faut-il continuer les recherches pour parvenir à diminuer leur dangerosité, comment doit-on stocker ceux qui sont les plus dangereux ?

Si la Commission nationale du débat public a été chargée d’organiser cette consultation, c’est parce que le gouvernement doit, l’année prochaine,       promulguer une nouvelle loi concernant la gestion des déchets nucléaires. La précédente loi date de 1991. Elle a donné un laps de temps de quinze ans aux scientifiques pour trouver des solutions. Trois pistes de travail avaient à l’époque été déterminées :

-        le stockage géologique à grande profondeur, d’où la construction du laboratoire de Bure.

-        la séparation/transmutation qui cherche à diminuer la radioactivité des éléments les plus dangereux.

-        L’entreposage en surface, soit sur les installations nucléaires existantes, soit dans des installations «à découvert» qui seraient construite spécialement.

Une nouvelle loi

Dans ce secteur nucléaire réputé opaque et secret, la loi de 1991 dite loi Bataille a donc prévu une nouvelle consultation du Parlement en 2006. Les élus seront amenés à donner leur avis sur un projet de loi. Du côté des spécialistes de la filière nucléaire, le stockage à grande profondeur semble avoir la faveur. Malgré le coût des installations, le manque de recul sur ce mode de stockage à très long terme, la question de la mémoire collective encline à oublier des résidus encombrants, l’enfouissement à grande profondeur a été choisi par d’autres pays européens, l’estimant «inéluctable».

Malgré l’inconvénient des déchets, le nucléaire pourrait bien avoir l’adhésion du public. D’abord parce que par le passé, les résultats d’autres débats sur le nucléaire n’ont jamais été pris en compte. Ensuite parce que le prix du pétrole atteint des sommets. Enfin parce qu’après les années de gel des programmes dus à la catastrophe de Tchernobyl,  la Finlande démarre la construction d’un tout nouveau réacteur nucléaire. Et puis comme si le temps ne faisait rien à l’affaire, l’AIEA publie un nouveau rapport minimisant l’ampleur de l’accident ukrainien, tache encore indélébile sur le nucléaire civil mondial. Dans ce contexte de contrevérités, d’énergie fossile chère, les écologistes auront du mal à mobiliser des opposants. Le réseau Sortir du nucléaire a tout de même indiqué qu’il participerait au débat à sa manière.


par Colette  Thomas

Article publié le 12/09/2005 Dernière mise à jour le 12/09/2005 à 16:43 TU