Ouragan Katrina
Les défaillances de l’Etat
(Photo : AFP)
Avant l’arrivée du cyclone Katrina sur les côtes du golfe du Mexique, les téléspectateurs du monde entier ont vu, dans leurs journaux télévisés, les interminables files de voitures, pare-chocs contre pare-chocs, quittant La Nouvelle-Orléans pour échapper aux éléments naturels. Dans ces files de voitures, pas un seul autobus. Ce sont pourtant eux qui auraient pu mettre à l’abri les moins nantis, les citadins n’ayant pas les moyens d’avoir une voiture. On sait aujourd’hui qu’une centaine de bus, à La Nouvelle-Orléans, sont restés inutilisés dans les jours qui ont précédé l’arrivée du cataclysme.
Comme beaucoup de grandes villes américaines, La Nouvelle-Orléans ne possède pas de métro. Il serait probablement difficile sur un plan technique de réaliser ce type d’équipement sous cette ville qui se trouve dans une cuvette. Cyclone ou pas, elle doit en permanence se protéger de l’eau dont le niveau est aux alentours plus élevé que celui de la ville. De toute façon, les Etats-Unis ne privilégient pas les transports en commun. Même quand il n’y a pas de métro, il y a en général des bus. Ils ont la réputation d’être dangereux et les utilisateurs les trouvent souvent inadaptés à leurs besoins. Dans une grande ville américaine, le réseau de bus n’est pas assez dense, donc les arrêts sont très espacés. Du coup, les écoliers, les immigrés, les personnes âgées et les pauvres sont les seuls usagers. Dans ce vaste pays, l’urbanisme est conçu pour des déplacements en voiture individuelle.
L’expérience de la France
La France semble mieux gérer les catastrophes naturelles même si les récentes pluies diluviennes sur le sud du pays n’étaient pas comparables au cyclone Katrina. Les effets de ces pluies, annoncées par les services nationaux de prévision météo, ont montré que la protection civile est désormais bien rôdée pour atténuer les effets d’un épisode climatique exceptionnel. Cette fois, il a été demandé aux habitants de la région de rester confinés chez eux. Les lycéens ne sont pas allés en cours, les autoroutes ont été fermées, les lignes ferroviaires et aériennes ont été préventivement coupées. Résultat, cet épisode tempétueux n’a pas fait de victimes.
Les leçons apprises à l’occasion des catastrophes naturelles à l’étranger ou avec la prise en compte du réchauffement de la planète accentuent la prévention. A Paris par exemple, une sensibilisation au risque de montée des eaux de la Seine a été entretenue ces dernières années dans toutes les strates de l’administration et des services de secours. De colloques en réunions de crise, cette sensibilisation a notamment amené Electricité de France (EDF) a surélever des transformateurs installés en zone inondable. Paris est doté d’une zone de défense dirigée par un préfet. C’est lui qui doit rester vigilant sur le risque d’inondation. Avec ses lignes souterraines de métro et son réseau de bus en surface, la Régie autonome des transports parisiens (RATP) serait un élément décisif en cas d’évacuation. La régie – publique donc interlocuteur unique – des transports parisiens a l’habitude de réagir à des décisions prises par l’Etat. C’est le préfet de police qui donne l’ordre de fermer une station de métro ou plusieurs s’il y a une manifestation. «Même un autobus peut être réquisitionné sur la voie publique», indique le service de presse de la RATP.
Des connexions entre le métro et le train, des quais très longs pour embarquer chaque fois un maximum de passagers : on peut imaginer que Paris s’organiserait vite pour évacuer une partie de ses 11 millions d’habitants à l’aide de ses transports en commun. A La Nouvelle-Orléans, avant l’arrivée du cyclone Katrina, la société de chemin de fer Amtrak avait proposé ses trains pour évacuer les habitants. L’offre a été refusée. Du coup, lorsqu’on regarde comment la catastrophe a été gérée, il n’est plus question uniquement d’Américains nantis fuyant le cyclone avec leur voiture et de pauvres restant prisonniers de la ville. Malgré l’alerte des services météo sur l’arrivée d’un ouragan de force 5, personne n’a voulu croire à la gravité de ce qui se préparait.
Faire de la prévention
En France, en Europe ou encore dans les instances internationales, des organismes publics sont chargés de faire de la prévention dans le domaine des catastrophes naturelles. Ces organismes parlent de «culture du risque». Des exercices d’alerte sont organisés pour voir quelles sont les failles dans les systèmes de secours. Une multitude d’administrations, de services publics, de services de secours, de compagnies de transport, d’électricité, de distribution de l’eau, doivent soudainement se coordonner pour dépasser la crise. Les Etats-Unis ont pourtant des systèmes d’alerte performants comme l’observatoire d’Hawaï pour la détection des tsunamis dans tout l’Océan Pacifique. L’organisation donne un signal qui se répercute en cascade vers les secteurs vitaux de tous les pays riverains. Depuis le tsunami de décembre 2004, il est question de reproduire cette structure dans l’Océan Indien.
Michael Brown, le patron de la Fema, a donc démissionné de son poste. Cette agence fédérale chargée de gérer les situations d’urgence avait, on le sait, mis toute son énergie et ses budgets vers la lutte contre le terrorisme et avait abandonné sa mission de prévention des catastrophes naturelles. La Maison Blanche annonce qu’un ancien pompier, devenu haut fonctionnaire au département de la Sécurité intérieure, prendra la tête de la Fema. Un homme de l’art en quelque sorte car ici, il n’est pas question, semble-t-il, de perte de mémoire collective. Le dernier cyclone de même ampleur dans la même région date seulement de 1992. Il s’appelait Andrew et celui-là avait épargné sur son passage la ville de La Nouvelle-Orléans.
par Colette Thomas
Article publié le 13/09/2005 Dernière mise à jour le 13/09/2005 à 17:25 TU