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Economie

La CNUCED relativise les convictions d’hier

Kamran Kousari, coordinateur spécial pour l'Afrique à la CNUCED(Photo : CAPE)
Kamran Kousari, coordinateur spécial pour l'Afrique à la CNUCED
(Photo : CAPE)
La Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) a publié un rapport sur le développement économique en Afrique, dans lequel elle pose un nouveau regard sur l’impact de l’investissement étranger direct (IED) dans l’économie des pays africains. On retient de ce rapport que les politiques d’attractions de l’IED ne contribuent pas forcément au développement.

La simple comparaison des chiffres et statistiques du continent oblige à un constat d’échec des politiques et mesures économiques largement prônées par les institutions financières et autres bailleurs de fonds. La libéralisation de l’économie était présentée comme un moyen de dynamiser un secteur d’activité et de doper les initiatives de développement. Après avoir subi des politiques d’ajustement structurel sans effets tangibles, les pays africains ont affiché au bout de quelques années un accroissement de la pauvreté qui, à elle seule, résume la déliquescence des économies. Mais les institutions financières ont imputé la responsabilité à «la mauvaise gouvernance».

«Faux !», rétorque aujourd’hui la CNUCED. Libéralisation, privatisation et déréglementation étaient censées attirer des IED en Afrique. Mais, seulement 2% des flux mondiaux, entre 2000 et 2004 ont été en Afrique contre plus de 4% dans les années 70, note le rapport. Pour la CNUCED «ce sont ces programmes, davantage que la mauvaise gouvernance qui ont contraint et faussé les flux d’IED en Afrique». Pour Kamran Kousari, le rapporteur de la CNUCED, «le poids de l’histoire est encore très présent» dans la définition des axes prioritaires des économies nationales des pays qui ont accédé à l’indépendance en 1960. De surcroît, ces pays n’ont diversifié leurs horizons que «depuis 15 ans seulement, et cela ne représente rien en termes de puissance d’une économie», a-t-il poursuivi.

Les incitations aux investissements étrangers ont consisté à aménager des conditions spéciales d’implantations des entreprises étrangères, qui, par la suite, ont mené en Afrique des politiques «en contradiction avec les besoins locaux». La dynamisation attendue de l’économie était plus un mythe qu’une réalité. En effet, l’Afrique a été poussée à «libéraliser le commerce avant que son économie ne soit compétitive», a noté Kamran Kousari. Par ailleurs, les capitaux étrangers investis dans les économies des pays africains ont été à 80% dans les industries d’extraction et d’exportation des matières premières. Au Ghana, par exemple, qui exporte l’or pour un équivalent en valeur de 900 millions de dollars ne reçoit en recette que 45 millions de dollars, soit 5% de l’exportation.

La transformation est un passage obligé

Les recettes sont ainsi insuffisantes pour favoriser une capitalisation et le réinvestissement pour le développement de la filière. Les IED, dans ces cas, n’ont pas favorisé une création d’emplois. Par ailleurs, les recettes de l’exportation des matières premières constituent pour la plupart des pays africains l’essentiel des sources de revenus, «tout ceci a plutôt favorisé la perpétuation des enclaves», a remarqué Kamran Kousari. Le rapport de la CNUCED pointe du doigt également les politiques économiques basées essentiellement sur les matières premières. «Ce n’est pas une politique viable et sage», a dit le rapporteur de la CNUCED, «car la baisse des cours entraîne l’économie dans sa chute».

Les experts de la CNUCED préconisent la création de liens entre plusieurs secteurs d’activités pour donner plus de surfaces aux politiques de développement. Une des solutions est d’organiser en concertation des standards africains pour éviter les singularités et pour conquérir d’abord un  marché régional. Quelques exemples de transformation du café et du cacao au Cameroun ou en Côte-d’Ivoire sont des cas patents de ce qu’il faut éviter de faire. Selon le rapport «des marchés plus importants peuvent aussi être attractifs pour l’IED, notamment en provenance d’autres pays en développement et peuvent améliorer le pouvoir de négociation avec les sociétés transnationales par une harmonisation des politiques». Hors de ce cadre ces sociétés continueront d’imposer aux Etats leurs choix.

Une transformation locale ou une participation directe au processus d’extraction et d’exportation sont aussi une étape évidente pour donner de la plus-value aux produits et donc plus de revenus au pays. C’est le cas de la Namibie qui n’exporte plus son diamant sous forme brute, mais procède à la taille et au calibrage avant d’exporter le diamant.

Enfin, dans son rapport la CNUCED invite les décideurs africains à évaluer les inconvénients et avantages de l’IED «pour que celui-ci devienne complémentaire d’un ensemble plus large de mesures de développement indispensables à la stimulation de la croissance, à la création d’emplois et à la diversification de l’économie au profit d’activités plus dynamiques».


par Didier  Samson

Article publié le 14/09/2005 Dernière mise à jour le 14/09/2005 à 08:28 TU