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Liberia

Le pays sous tutelle économique internationale

Un pays dévasté par quatorze ans de guerre civile.(Photo : DR)
Un pays dévasté par quatorze ans de guerre civile.
(Photo : DR)

Après un dernier baroud d’honneur du président intérimaire Gyude Bryant, le gouvernement a finalement entériné le Programme d'assistance à la gestion économique et à la bonne gouvernance (Governance Economic Management Assistance Program, Gemap) imposé par les bailleurs de fonds en échange de leurs subsides. Ce programme vise à contrôler l’ensemble des flux économiques pendant au moins trois ans. Il s’agit en particulier de veiller à ce que les recettes fiscales et les produits financiers des ressources naturelles tombent effectivement dans l’escarcelle de l’Etat tout en s’assurant qu’une redistribution suffisamment équitable éloigne le spectre de la guerre. Dans cet objectif, des experts étrangers seront postés dans les ministères et les entreprises stratégiques, ce qui hérisse nombre de politiciens, issus des factions qui se sont disputés les richesses nationales, à coup de canons, quatorze ans durant.


«Je ne signerai pas ce document parce qu'il y a des choses là-dedans qui ne sont pas claires», s’indignait Gyude Bryant, vendredi, avant de s'envoler pour l’Assemblée générale de l’Onu. Depuis, les autorités intérimaires libériennes ont mis de l’eau dans leur vin. Chacun sait que les élections générales du 11 octobre ne suffiront pas à garantir une paix durable. Il faudra du temps, des moyens et surtout une volonté sans faille pour relever le pays de ses ruines matérielles et morales, éduquer ses milliers d’enfants soldats ou démanteler les gangs politico-militaires qui bradent ses richesses. Celles-ci sont notables et variées. Elles ont servi de nerf de la guerre, comme le bois par exemple. Mais le Liberia dévasté est riche également de diamants, de fer ou d’infrastructures portuaires.

Depuis 2002, le Fonds monétaire international (FMI) réfléchissait à la question de la reconstruction. Réunis au début de l’année dernière pour faire le point, les donateurs ont sourcillé devant les 500 millions de dollars minimum requis. Nul ne pariant un sou sur la capacité des anciens seigneurs de la guerre à se recycler dans le bon management, les Nations unies, les Etats-Unis, l’Union européenne et la Banque mondiale ont concocté le fameux GEMAP pour avoir des yeux partout, tenter de vertébrer voire de redonner un contenu aux infrastructures administratives tout en reconstruisant physiquement le pays.

Les experts internationaux en doublures des titulaires

La formule est différente de celle des années quatre-vingt-dix, qui avait vu les institutions de Bretton Woods placer leurs hommes jusque dans les conseils des ministres des pays africains soumis aux Plans d’ajustement structurel (PAS), la panacée de l’époque. Au Libéria, les experts internationaux serviront de doublures aux titulaires nationaux qu’ils seront chargés d’encadrer, de former, et, en fin de compte, de sélectionner. En échange de cet abandon de souveraineté, les bailleurs de fonds dispenseront leur aide, goutte à goutte.

La promesse d’une première tranche de 44 millions de dollars a servi de monnaie d’échange dans les dernières négociations engageant le gouvernement à se plier au GEMAP. «Si vous pensez que vous pouvez vous servir du peuple pour faire pression sur moi, vous vous trompez», avait lancé Gyude Bryant, avant de s’incliner. Il est lui même mis en cause par des enquêteurs indépendants qui concluaient tout récemment que «le vol et la fraude au sein du gouvernement de transition sont tels qu'ils sabotent toute possibilité d'une paix durable».

Habitués au provisoire et à la loi du plus fort, les politiciens et les chefs de guerre libériens ont traité le gouvernement de transition comme un vulgaire garde-manger. Rien ne laisse vraiment à espérer qu’ils feront profil bas sous la tutelle internationale. Cette fois, l’aide internationale sera le nerf d’une guerre d’usure contre la corruption. Les Libériens ordinaires aimeraient bien en profiter, enfin.


par Monique  Mas

Article publié le 14/09/2005 Dernière mise à jour le 14/09/2005 à 17:24 TU

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Luigi Giovane

Chargé Afrique à la Banque mondiale

«Des experts internationaux au ministère des Finances et à la Banque mondiale.»

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