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Liberia

Reprise du désarmement

À Gbarnga, au centre du pays, la reprise du désarmement a officiellement débuté le jeudi 15 Avril. 

		(Photo : AFP)
À Gbarnga, au centre du pays, la reprise du désarmement a officiellement débuté le jeudi 15 Avril.
(Photo : AFP)
Après avoir été suspendu pour plus de quatre mois, le désarmement a repris au Liberia. Cette fois les responsables de la mission onusienne ont pris de nouvelles mesures pour éviter les débordements qui ont été a la base du premier échec. À Gbarnga au centre du pays où cette reprise a officiellement débuté le jeudi 15 Avril, les combattants se sont précipités pour rendre leurs armes. Malgré cette affluence, il y en a qui, jusqu’ici, ne sont pas décidés à déposer les armes.

De notre correspondant à Monrovia

Nous sommes jeudi 15 avril. Gbarnga est la deuxième grande ville du Liberia. Elle est située à 175 km au nord de la capitale. C’est ici que débute la reprise du désarmement. Dès les premières lueurs du jour, elle occupe toutes les artères de la ville. Plusieurs pick-ups avec des mitrailleuses montées a bord patrouillent la ville, pendant que des hélicoptères de combats appartenant à la Force de réaction rapide des forces spéciales irlandaises, survolent la cite. Tout ce dispositif militaire, pour éviter les genres de troubles du 7 décembre 2003.

Ce jour-là, la Mission des Nations unies au Liberia (MINUL), avait dans la précipitation débuté le désarmement. Aucun camp n’avait pourtant été construit et les combattants n’avaient pas été auparavant informés sur les modalités du désarmement. Pour ces derniers, il s’agissait d’aller donner son arme et recevoir 300 dollars. Ce n’était pas le cas. La MINUL, ce jour-là, était prête à désarmer mille combattants qui seraient gardés sous des tentes construites à la hâte. Mais ce sont plus de cinq mille combattants qui se sont précipités pour être désarmés. Débordés par cette affluence, les responsables de l’ONU ne savait plus du coup que faire. Et les milliers de jeunes drogués qui attendaient sous un soleil de plomb, ont fini par perdre patience. Résultat, ils ont commence à tirer en l’air. Un véritable tumulte s’en est suivi. Les combattants se sont par la suite livrés à des actes de vandalisme partout dans la capitale. Bilan, une dizaine de morts et de sérieux dégâts matériels. Il a fallu une semaine aux forces onusiennes pour rétablir l’ordre. Les responsables onusiens ont alors décidé de suspendre le «désarmement-démobilisation-rapatriement-réinsertion» (DDRR).

Cette fois, la donne a changé. En plus des patrouilles terrestres et aériennes, d’autres mesures sont prises pour éviter la répétition des événements du 7 décembre 2003. C’est dans un champ appartenant à l’ancien président Charles Taylor, que les combattants du Lurd sont désarmés. Ce champ est situe à 6 km de Gbarnga. Il est 7 heures. Les premiers combattants sortent avec leurs armes. Mais au lieu d’aller directement au camp, ils sont regroupés dans un endroit très loin du camp. Cet endroit est appelé «pickup point». Là, ils seront comptés. Car seulement 250 combattants doivent être désarmés par jour. A 9 heures, le pickup point est bourré de monde. Dix cargos militaires de l’ONU attendent pour transporter les 250 combattants. Les soldats onusiens se mettent à compter, il y a plus de 250 personnes. Le commandant du groupe demande d’en choisir 250. Les autres sont priés d’attendre demain. Ensuite on demande à chaque combattant de se débarrasser des munitions et de garder les armes vides. Le premier cargo embarque 25 combattants. Ils vont ainsi en petit groupe pour éviter le désordre.

Chaque cargo est escorté par deux chars de combat onusiens. Dans le camp de cantonnement, il y a trois étapes à franchir. À chaque étape, un endroit précis. D’abord il faut aller déposer les armes. Là, le combattant reçoit un papier indiquant qu’il a bel et bien rendu son arme. Apres quoi, flanqué par deux soldats onusiens armés jusqu’aux dents, il est conduit dans un lieu où il est minutieusement fouillé. Ensuite vient la dernière étape du camp du cantonnement. Sur un vaste terrain, cinq tentes ont été construites. Devant chacune d’elles il y a un long couloir délimité par des grilles. Sous chaque tente, un officier onusien chargé d’interviewer le combattant. Les questions portent sur l’origine, l’âge, la situation familiale et le rang du combattant. Apres l’interview, le combattant reçoit une carte d’identification. À partir de cet instant, il devient ex-combattant et est immédiatement conduit au camp de cantonnement situe très loin du camp de désarmement.


Le Liberia 

		(Carte : SB/RFI)
Le Liberia
(Carte : SB/RFI)
Les combattants qui déposent les armes sont très motivés

Dès leur arrivée dans le camp de cantonnement, les ex-combattants sont rassemblés dans une salle où ils reçoivent des conseils pratiques. Apres les conseils c’est le repas. Un plat délicieux est servi à chaque combattant. C’est l’organisation française Première urgence qui s’occupe de la nourriture. Apres le repas, les ex-combattants vont dans leurs appartements construits à l’aide de bambous et couverts par des bâches. Dans les jours qui suivent, chaque ex-combattant sera examiné par un médecin. Une semaine après le jour de cantonnement, chaque ex-combattant se verra remettre la somme de 150 dollars. Après quoi, débutera la phase de démobilisation. Les autres 150 dollars ne seront remis qu’à la fin du processus.

Les combattants qui vont déposer les armes sont très motivés. Une motivation qui a plusieurs explication. David Yarkpaworlo a 21 ans. Il a pris les armes à l’âge de 17 ans: «Je suis très content de déposer les armes. Je veux aller à l’école d’abord. Le métier viendra après. Depuis cinq ans je n’ai vu ni mon père ni ma mère. Je ne sais même pas s’ils sont encore vivants. Je veux finir avec le processus de désarmement pour que je puisse les revoir. Car, nos commandants ne voulaient pas qu’on aille voir nos parents.» Si David n’a aucune nouvelle de ces parents, ce n’est pas le cas pour Lassanah Kromah. Il a 35 ans: «Mes parents ont été tués pendant la guerre. Dans ma famille, je suis le seul survivant. Je ne suis pas né handicapé mais aujourd’hui je le suis. Pour moi, la guerre n’a aucun sens. Depuis qu’ils sont à Monrovia, nos chefs nous ont abandonnés. Toutes les promesses qu’ils nous faisaient sont oubliées

85% des jeunes Libériens de 15 à 18 ans ont pris part à la guerre. Ils sont tous très déçus aujourd’hui. Ceux qui les avaient encouragés, voire obligés, à prendre les armes leur ont tourné le dos. Aujourd’hui, leur seul espoir est le programme qui leur est offert par la MINUL à travers le DDDR.

Si la reprise du DDDR s’est passé sans incident, cela ne veut pas dire pour autant que tout est fini. Tous les combattants qui rendent leurs armes n’en déposent qu’une à la fois. Alors que chaque combattant avait pendant la guerre au moins trois armes. Où sont donc les autres armes que les combattants ne remettent pas à l’ONU ? Pour le président libérien Gyude Bryant, il n’y a pas de quoi s’inquiéter: «Après le processus de désarmement, toute personne qui sera prise en possession d’une arme, sera considérée comme criminelle.» À Gbarnga, il y a des combattants du Lurd qui refusent d’aller déposer leurs armes. Ils auraient reçu des ordres de leurs chef d’état-major, le général Sherrif, leur intimant de ne remettre leurs armes que si Sekou Damateh Konneh se présente sur les lieux du désarmement. Des partisans de Aicha Konneh l’autre chef du Lurd, venaient de Vonjama dimanche pour désarmer lorsqu’ils ont été attaqués par d’autres éléments du Lurd, supporters de Sekou. La MINUL a arrêté trois combattants du Lurd en rapport avec cette affaire.

par Zoom  Dosso

Article publié le 20/04/2004 Dernière mise à jour le 20/04/2004 à 10:13 TU

Audio

Stephen Ellis

Directeur Afrique de l'ONG International Crisis Group

«La chance est grande qu'il n'y aura plus de combats lourds au Liberia tant que les Nations unies seront présentes massivement.»

[19/04/2004]

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