Liberia
Avec les réfugiés de la forêt
Le nord-est du Liberia a longuement été le théâtre de violents combats entre les forces du Mouvement pour la démocratie au Liberia (Model), et les miliciens de l’ex-président Charles Taylor. Et ce, souvent malgré la présence des forces onusiennes. Soutenues par le président ivoirien Laurent Gbagbo, les forces du Model ont gagné plusieurs batailles dans le mois de septembre, contre les miliciens de Taylor qui à ce moment-là, étaient très affaiblis par un manque d’armes et de munitions. Parce que Charles Taylor était plutôt concentré sur les combats de Monrovia où son siège était menacé par l’autre mouvement rebelle, le Lurd. C’est ainsi que le Model a pu conquérir quelques villes et villages du comté de Nimba, un comté qui était l’une des principales cibles des rebelles. Les combattants du Model y ont semé la terreur. Le reportage de notre correspondant au Liberia.
De notre correspondant à Monrovia
Le comté de Nimba est le deuxième plus vaste comté du Liberia après celui de Lofa. Nimba est principalement composé de l’ethnie Gio. Cette même ethnie se retrouve de l’autre côté du fleuve Cavali, c’est-à-dire en Côte d’Ivoire. Là-bas, on les appelle Yacouba. Le comté de Grand Gedeh est quant à lui, composé de l’ethnie Krahn, une ethnie qui, comme les Gios, se retrouve de l’autre côté en Côte d’Ivoire. Là-bas on les appelle Guere. Les comtés de Nimba et de Grand Gedeh, sont voisins. Tout comme les Yacouba et les Guere sont voisins en Côte d’Ivoire. Il existe une rivalité ancestrale entre les Gios et les Krahns. Une rivalité entérinée par le régime de l’ancien président Samuel Doe, lui-même fils du Grand Gedeh. Samuel Doe avait durant son mandat, tué beaucoup d’intellectuels de Nimba. C’est la raison pour laquelle la révolution lancée par Charles Taylor contre Doe a été bien accueillie par la population de Nimba. La quasi-totalité des combattants de Charles Taylor, étaient des jeunes Nimbaens. Ces jeunes s’étaient alors vengés contre la population de Grand Gedeh, après avoir tué Samuel Doe.
Taylor devenu président, les jeunes Krahns se sont massivement réfugiés dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. C’est dans les camps de réfugiés en Côte d’Ivoire que le Model a été créé. Soutenus par le président ivoirien, les forces du Model ont rapidement chassé les forces de Taylor de Grand Gedeh avant de se lancer à la conquête de Nimba. C’est en septembre que les combattants du Model ont pris le contrôle des premières villes de Nimba. La plus importante de ces villes conquises par le Model, est Tappita, une ville de 30 000 habitants, située à 365 kilomètres au nord-est de la capitale libérienne. La ville de Tappita est complètement détruite. Toutes les maisons ou presque ont été brûlées par les forces du Model. Les habitants de la ville vivent aujourd’hui dans la forêt comme le dit James Dodeh: «Quand les combats approchaient, nous nous sommes réfugiés dans la forêt, car on savait que les forces du Model n’allaient épargner aucune vie. La preuve en est que ceux qu’ils ont pu retrouver dans la forêt, ont été brûlés vivants. Depuis septembre, nous vivons dans la forêt à la belle étoile».
Les gens ne sont pas prêts à oublier
Dans la forêt où ils vivent, les habitants de Tappita sont dans le dénuement total. Emmanuel Bohandaoh a 46 ans et est le père de cinq enfants: «On se nourrit de légumes sauvages et on se soigne à l’indigénat. J’ai perdu trois de mes enfants. Ils ont été victimes du paludisme. Beaucoup de vieilles personnes sont mortes de froid. Les morsures de serpent sont très fréquentes. Et les personnes mordues sont soignées à l’aide de feuilles. C’est un traitement très douloureux. Il faut avoir l’énergie nécessaire pour supporter la douleur. Et comme on ne mange presque pas, ceux qui sont mordus par un serpent se retrouvent du coup au bord de la mort».
Tappita étant la plus grande ville de l’est du Nimba, on y trouvait plusieurs écoles, Mais toutes ces écoles ont été brûlées par les forces du Model. Et les élèves tout comme leurs parents, se trouvent dans la forêt. Alphonso Myers devait finir ses études secondaires cette année. Mais il va falloir qu’il attende la réouverture des classes peut-être l’année prochaine: «La situation des élèves est pathétique. Au lieu d’aller à l’école, nous vivons comme des animaux dans la forêt. Pour les filles, c’est pire. Toutes les filles dont l’âge varie entre 13 et 15 ans sont soit enceintes, soit avec des bébés au dos. C’est terrible la condition de vie des élèves. Ca me fait pleurer d’y penser.» Alphonso s’est ensuite effondré en larmes.
Le contingent éthiopien de la MINUL a été déployé à Tappita au début du mois de janvier. Les soldats éthiopiens ont demandé aux habitants de quitter la forêt et revenir en ville. Mais ils viennent en très petit nombre. Car les rebelles n’ont jusqu’ici pas encore été désarmés. Parmi les rares habitants qui ont décidé de revenir, il y a Anthony Kanwea. Sa maison a complètement brûlé: «J’ai travaillé pendant dix ans pour pouvoir construire cette maison. Quand je suis revenu de la forêt, je n’ai retrouvé que des cendres. Ca m’a choqué. Je me demande si je pourrai reconstruire cette maison. Economiser de l’argent aujourd’hui, n’est pas une mince affaire.» Anthony et sa famille dorment chez un ami dont la maison n’a pas été brûlée mais, les tôles ont été enlevées. Son ami a refait la toiture à l’aide de pailles. Ce sont au total 35 personnes qui se couchent dans cette maison comportant seulement trois pièces.
A Tappita comme dans toutes les villes de Nimba ou les combattants de Model sont passés, la population est meurtrie. Les gens sont frustrés et on n’est pas prêt d’oublier ce qui s’est passé. Peter Tobay a 25 ans: «Comment pouvez-vous me demander d’oublier une telle agression. Si le gouvernement nous dit d’oublier comme ça, sans chercher à panser les plaies, bon; c’est facile de dire oui. Alors on dira oui. Mais en réalité, on ne peut pas pardonner comme ça.»
Le comté de Nimba est le deuxième plus vaste comté du Liberia après celui de Lofa. Nimba est principalement composé de l’ethnie Gio. Cette même ethnie se retrouve de l’autre côté du fleuve Cavali, c’est-à-dire en Côte d’Ivoire. Là-bas, on les appelle Yacouba. Le comté de Grand Gedeh est quant à lui, composé de l’ethnie Krahn, une ethnie qui, comme les Gios, se retrouve de l’autre côté en Côte d’Ivoire. Là-bas on les appelle Guere. Les comtés de Nimba et de Grand Gedeh, sont voisins. Tout comme les Yacouba et les Guere sont voisins en Côte d’Ivoire. Il existe une rivalité ancestrale entre les Gios et les Krahns. Une rivalité entérinée par le régime de l’ancien président Samuel Doe, lui-même fils du Grand Gedeh. Samuel Doe avait durant son mandat, tué beaucoup d’intellectuels de Nimba. C’est la raison pour laquelle la révolution lancée par Charles Taylor contre Doe a été bien accueillie par la population de Nimba. La quasi-totalité des combattants de Charles Taylor, étaient des jeunes Nimbaens. Ces jeunes s’étaient alors vengés contre la population de Grand Gedeh, après avoir tué Samuel Doe.
Taylor devenu président, les jeunes Krahns se sont massivement réfugiés dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. C’est dans les camps de réfugiés en Côte d’Ivoire que le Model a été créé. Soutenus par le président ivoirien, les forces du Model ont rapidement chassé les forces de Taylor de Grand Gedeh avant de se lancer à la conquête de Nimba. C’est en septembre que les combattants du Model ont pris le contrôle des premières villes de Nimba. La plus importante de ces villes conquises par le Model, est Tappita, une ville de 30 000 habitants, située à 365 kilomètres au nord-est de la capitale libérienne. La ville de Tappita est complètement détruite. Toutes les maisons ou presque ont été brûlées par les forces du Model. Les habitants de la ville vivent aujourd’hui dans la forêt comme le dit James Dodeh: «Quand les combats approchaient, nous nous sommes réfugiés dans la forêt, car on savait que les forces du Model n’allaient épargner aucune vie. La preuve en est que ceux qu’ils ont pu retrouver dans la forêt, ont été brûlés vivants. Depuis septembre, nous vivons dans la forêt à la belle étoile».
Les gens ne sont pas prêts à oublier
Dans la forêt où ils vivent, les habitants de Tappita sont dans le dénuement total. Emmanuel Bohandaoh a 46 ans et est le père de cinq enfants: «On se nourrit de légumes sauvages et on se soigne à l’indigénat. J’ai perdu trois de mes enfants. Ils ont été victimes du paludisme. Beaucoup de vieilles personnes sont mortes de froid. Les morsures de serpent sont très fréquentes. Et les personnes mordues sont soignées à l’aide de feuilles. C’est un traitement très douloureux. Il faut avoir l’énergie nécessaire pour supporter la douleur. Et comme on ne mange presque pas, ceux qui sont mordus par un serpent se retrouvent du coup au bord de la mort».
Tappita étant la plus grande ville de l’est du Nimba, on y trouvait plusieurs écoles, Mais toutes ces écoles ont été brûlées par les forces du Model. Et les élèves tout comme leurs parents, se trouvent dans la forêt. Alphonso Myers devait finir ses études secondaires cette année. Mais il va falloir qu’il attende la réouverture des classes peut-être l’année prochaine: «La situation des élèves est pathétique. Au lieu d’aller à l’école, nous vivons comme des animaux dans la forêt. Pour les filles, c’est pire. Toutes les filles dont l’âge varie entre 13 et 15 ans sont soit enceintes, soit avec des bébés au dos. C’est terrible la condition de vie des élèves. Ca me fait pleurer d’y penser.» Alphonso s’est ensuite effondré en larmes.
Le contingent éthiopien de la MINUL a été déployé à Tappita au début du mois de janvier. Les soldats éthiopiens ont demandé aux habitants de quitter la forêt et revenir en ville. Mais ils viennent en très petit nombre. Car les rebelles n’ont jusqu’ici pas encore été désarmés. Parmi les rares habitants qui ont décidé de revenir, il y a Anthony Kanwea. Sa maison a complètement brûlé: «J’ai travaillé pendant dix ans pour pouvoir construire cette maison. Quand je suis revenu de la forêt, je n’ai retrouvé que des cendres. Ca m’a choqué. Je me demande si je pourrai reconstruire cette maison. Economiser de l’argent aujourd’hui, n’est pas une mince affaire.» Anthony et sa famille dorment chez un ami dont la maison n’a pas été brûlée mais, les tôles ont été enlevées. Son ami a refait la toiture à l’aide de pailles. Ce sont au total 35 personnes qui se couchent dans cette maison comportant seulement trois pièces.
A Tappita comme dans toutes les villes de Nimba ou les combattants de Model sont passés, la population est meurtrie. Les gens sont frustrés et on n’est pas prêt d’oublier ce qui s’est passé. Peter Tobay a 25 ans: «Comment pouvez-vous me demander d’oublier une telle agression. Si le gouvernement nous dit d’oublier comme ça, sans chercher à panser les plaies, bon; c’est facile de dire oui. Alors on dira oui. Mais en réalité, on ne peut pas pardonner comme ça.»
par Zoom Dosso
Article publié le 26/02/2004