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Liberia

Scènes de ménage à la tête du Lurd

Le Lurd (Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie) est le principal mouvement rebelle du Liberia. C’est ce groupe qui a obligé l’ex-président Charles Taylor à partir en exil. Aujourd’hui, des tensions apparaissent en son sein. Le Lurd compte désormais deux leaders.
De notre correspondant à Monrovia

Depuis la création du Lurd, seul Sekou Damateh Konneh était connu comme chef suprême du mouvement. Mais une déclaration fracassante de l’épouse même de Sekou, a tout remis en cause. En effet, le 7 Janvier, alors que Sekou Damateh Konneh se trouvait en tournée dans la région ouest-africaine, sa femme Aicha Keita Konneh a fait une déclaration à la presse pour dire qu’elle prenait la tête du mouvement. Les raisons données par madame Konneh étaient les suivantes: «Sekou ne veut pas la paix dans ce pays. Il oublie que la guerre est finie, et qu’il est temps maintenant de chercher à réconcilier les uns et les autres. J’ai essaye de le faire raisonner, mais il s’entête. J’ai donc décidé de prendre les commande, car c’est moi qui l’ai mis là».

Après les propos de son épouse, Sekou Konneh qui jusque là résidait hors du pays, décida de rentrer au bercail. Arrivé à Monrovia, Sekou annonce qu’il est et reste le seul chef du Lurd. Le lendemain, madame Aicha Konneh organise une conférence de presse au cour de laquelle elle s’attaque à son mari: «Il n’y a pas de concurrence entre mon mari et moi. C’est moi qui l’ai mis là. Je suis sa patronne et il travaille pour moi. Il s’est montré incapable d’unir le mouvement après la guerre. Alors je prends mes responsabilités. Cet homme ne veut pas la paix au Liberia. Il cherche à créer d’autres troubles et je ne vais pas le laisser faire».

Une conspiration du président

Depuis lors, c’est la guerre ouverte entre Monsieur et Madame. En corollaire, les combattants eux-mêmes sont divisés en deux groupes. Il y a un groupe qui soutient Sekou Damateh Konneh, et un autre qui soutient Aicha Konneh. Chacun de son côté essaie de mobiliser beaucoup plus de combattants. Pour le moment, c’est Madame qui a le plus gros effectif. Elle a aussi le soutien du président guinéen Lansana Conté. C’est d’ailleurs la garde républicaine de ce dernier qui assure la sécurité de Aicha à Monrovia. Madame Konneh reçoit constamment la visite du président de la République qui lui a envoyé du riz qu’elle doit distribuer a ses combattants. En filigrane de ce geste du président envers sa femme, Sekou décèle une conspiration contre sa personne. Pour lui, le président Gyude Bryant se rapproche de sa femme pour convaincre les combattants de déposer les armes sans que les conditions posées par lui Sekou, soient respectées.

En effet, Sekou Konneh a toujours dit que tant que les nominations qu’il a faites au sein du gouvernement ne seront pas acceptées par le président, ses forces ne désarmeront pas. Alors que sa femme, elle, dit à ses forces de désarmer sans conditions. Elle a entrepris des tournées dans les zones qui lui sont fidèles et elle a demandé aux combattants de désarmer car la guerre est terminée. Pendant ce temps, la branche politique du mouvement qui elle, est du côté de Sekou, s’attaque au président de la République. Le président de l’Assemblée Nationale George Dweh issu du Lurd, a ouvertement accusé le président Bryant de vouloir désorganiser le mouvement. La réaction du président ne s’est pas faite attendre. Dans un communiqué, le porte-parole de la présidence n’a pas seulement nié cette accusation, mais il a aussi ajouté que Georges Dweh est en train d’encourager Sekou à rassembler leurs forces pour faire un coup d’État.

Ces accusations et contre-accusations ont fait qu’aujourd’hui il existe un très grand fossé entre le président intérimaire et les instances du Lurd. Dans une lettre signée par Sekou Damateh Konneh datée du 27 Janvier, le Lurd demandait la démission du président Bryant faute de quoi ses représentants allaient tous quitter le gouvernement. La scission au sein du principal mouvement rebelle risque donc d’avoir des conséquences graves sur l’application des accords signés à Accra. De sources proches de la présidence, on apprend que les négociateurs de la Cedeao ont repris les démarches pour trouver une solution au problème. Aicha Keita Konneh est actuellement à Conakry où elle doit croiser quelques responsables de la Cedeao.



par Zoom  Dosso

Article publié le 06/02/2004