Liberia
Taylor parti, et après ?
Consacré hier vingt-deuxième président de Libéria, Moses Blah est chargé d’assurer l’intérim à Executive Mansion, en attendant l’arrivée à Monrovia d’un gouvernement de transition que la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) peine à organiser à Accra, au Ghana. Cette deuxième transmission des pouvoirs est programmée pour le deuxième mardi du mois d’octobre, soit le 14 octobre, terme du mandat de Charles Taylor et date retenue par la Constitution pour organiser des élections générales. Si la feuille de route de la Cedeao est respectée, les différents scrutins seront donc à la charge des nouvelles autorités de la transition, censée parallèlement consolider la paix. Entre temps, le Libéria devra franchir bien des écueils. D’ailleurs, les rebelles revendiquent déjà le fauteuil de Moses Blah.
«Washington est satisfait que la Cedeao, l’Onu et les Etats-Unis aient réussi à assurer une transition constitutionnelle pacifique», se félicite le porte-parole adjoint du département d’Etat. Pourtant, le Libéria n’en est pas encore là. Loin s’en faut, si l’on en juge par la circonspection avec laquelle le Pentagone américain aborde la question d’un éventuel coup de main à la force ouest-africaine, l’Ecomil. Taylor n’avait pas encore atterri au Nigéria que les trois navires de guerre américains, si longtemps attendus, se profilaient à proximité des côtes libériennes. Mais, pour expliquer la visibilité accrue de ses trois bateaux amphibies transportant quelque 3 000 marines, Washington indique qu’ils constituent «un signal fort» aux factions en guerre. «Il est temps pour toutes les parties de s’engager dans le cessez-le-feu», indique de son côté le secrétaire d’Etat, Colin Powell, qui précise qu’il «ne s’attend à aucun grand engagement de soldats américains» au Libéria.
Washington avait posé trois conditions à une éventuelle intervention militaire «limitée en hommes et dans le temps», selon George Bush, et en appui à l’Ecomil. Il fallait au préalable que Taylor s’en aille, que gouvernement et rebelles observent le cessez-le-feu conclu le 17 juin dernier à Accra et enfin que le déploiement de l’Ecomil soit achevé. Celle-ci annonce l’arrivée d’un bataillon supplémentaire de quelque 775 casques blancs nigérians d’ici la fin de la semaine. De son côté, l’Onu planche sur une force de maintien de la paix qui pourrait voir le jour à la fin de l’année pour contribuer à la stabilisation du Libéria. Mais qu’elles soient encore à l’état de projet ou bien en cours de réalisation, les initiatives ouest-africaine, américaine ou onusienne sont toutes fondées sur un principe de maintien de la paix. Or toutes les garanties d’une paix durable ne sont pas encore réunies au Libéria.
Taylor parti, forces gouvernementales et rebelles continuent de s’accuser mutuellement d’attaques diverses et surtout tentent de capitaliser sur le vide politique relatif ouvert par l’intérim. La rébellion des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (Lurd) considère Moses Blah comme un simple faux-nez de Taylor. Mais après tout, Blah peut-être lui aussi tenté de jouer sa carte, en franc-tireur. Taylor laisse derrière lui quelque 6 000 miliciens plutôt bien équipés. Rien de concret n’a été prévu pour eux. Rien non plus d’ailleurs dans l’immédiat pour l’ensemble des soldats gouvernementaux ou pour les milliers de rebelles. Lundi après-midi, sur le tarmac de l’aéroport de Monrovia, le général Momo Geebah pleurait ostensiblement le départ de son chef. Mais une fois ses larmes séchées, nul ne peut vraiment prédire la future conduite du «bulldog» qui dirigeait l’Unité anti-terroriste, la sinistre Atu de Taylor.
Revendications rebelles
Cramponné à Buchanan, la deuxième cité portuaire du pays, le Mouvement pour la démocratie au Libéria (Model) s’est pour le moment éclipsé de la scène politico-diplomatique. En revanche, le Lurd revendique urbi et orbi la direction de l’intérim. Dans un premier temps, il avait jugé trop tardive l’échéance de la mi-octobre. A Accra, à l’instar du Model et des tenants du régime Taylor, il réclamait une vice-présidence dans les institutions de la transition dont la Cedeao souhaitait confier la présidence à un civil. Mais dès lors que l’intérim de Taylor a été confié à Blah et le marchandage d’Accra renvoyé aux semaines à venir, le Lurd convoite ouvertement le fauteuil de Moses Blah. «Nous voulons diriger le gouvernement intérimaire. De cette manière, la sécurité de la population sera assurée», lance le porte-parole du Lurd, Sékou Fofana. Une revendication en forme d’avertissement qui fait monter les enchères de la paix, mais d’abord, celles d’un cessez-le-feu à violations répétées.
Le Lurd pressent qu’il devra s’éloigner du port de Monrovia enlevé fin juillet par ses quelque 4 000 combattants rebelles. Une excellente opération qui lui a permis de mettre la main sur des stocks de nourriture et autres biens de consommation. Mais si la flotte américaine continue de jouer les Arlésiennes dans les eaux territoriales libériennes, son commandant est descendu à terre mardi pour examiner avec l’état-major de l’Ecomil la réouverture du port de la capitale. Pour les centaines de milliers de Libériens massés à Monrovia, l’urgence est humanitaire. Pour le gouvernement et ses rebelles, elle est politique. Mais dans l’immédiat, les points se marquent sur l’échiquier diplomatique et les pressions multiples incitent déjà le Lurd à plaider un repli stratégique. «Nous avons occupé le port pour obliger Taylor à partir», explique son porte-parole avant de poursuivre : «Il est parti, mais il a laissé des bandits derrière lui». Le Lurd envisage quand même d’évacuer le port «pour des raisons humanitaire» mais de s’installer «pour des raisons de sécurité» à Tubmanburg, à 80 kilomètres au Nord et de se maintenir dans la banlieue nord-ouest de la capitale, à New Kru Town et sur le pont Saint-Paul.
«Nous n’accepterons jamais de servir sous Moses Blah. Notre direction compte des dirigeants politiques et des hommes capables. Nous voulons servir au plus haut niveau», exige le Lurd, en réponse à l’appel lancé par Moses Blah dès sa prestation de serment. A Accra, ces dernières semaines déjà, les politiciens censés s’accorder sur une transition consensuelle avec les belligérants ont été débordés par les exigences de ces derniers. L’équipe chargée de consolider la paix et de conduire le Libéria aux élections n’a pas été formée avant le départ de CharlesTaylor. Reste à savoir s’il peut s’en trouver une capable de s’imposer et de prendre pacifiquement le relai de Moses Blah.
Washington avait posé trois conditions à une éventuelle intervention militaire «limitée en hommes et dans le temps», selon George Bush, et en appui à l’Ecomil. Il fallait au préalable que Taylor s’en aille, que gouvernement et rebelles observent le cessez-le-feu conclu le 17 juin dernier à Accra et enfin que le déploiement de l’Ecomil soit achevé. Celle-ci annonce l’arrivée d’un bataillon supplémentaire de quelque 775 casques blancs nigérians d’ici la fin de la semaine. De son côté, l’Onu planche sur une force de maintien de la paix qui pourrait voir le jour à la fin de l’année pour contribuer à la stabilisation du Libéria. Mais qu’elles soient encore à l’état de projet ou bien en cours de réalisation, les initiatives ouest-africaine, américaine ou onusienne sont toutes fondées sur un principe de maintien de la paix. Or toutes les garanties d’une paix durable ne sont pas encore réunies au Libéria.
Taylor parti, forces gouvernementales et rebelles continuent de s’accuser mutuellement d’attaques diverses et surtout tentent de capitaliser sur le vide politique relatif ouvert par l’intérim. La rébellion des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (Lurd) considère Moses Blah comme un simple faux-nez de Taylor. Mais après tout, Blah peut-être lui aussi tenté de jouer sa carte, en franc-tireur. Taylor laisse derrière lui quelque 6 000 miliciens plutôt bien équipés. Rien de concret n’a été prévu pour eux. Rien non plus d’ailleurs dans l’immédiat pour l’ensemble des soldats gouvernementaux ou pour les milliers de rebelles. Lundi après-midi, sur le tarmac de l’aéroport de Monrovia, le général Momo Geebah pleurait ostensiblement le départ de son chef. Mais une fois ses larmes séchées, nul ne peut vraiment prédire la future conduite du «bulldog» qui dirigeait l’Unité anti-terroriste, la sinistre Atu de Taylor.
Revendications rebelles
Cramponné à Buchanan, la deuxième cité portuaire du pays, le Mouvement pour la démocratie au Libéria (Model) s’est pour le moment éclipsé de la scène politico-diplomatique. En revanche, le Lurd revendique urbi et orbi la direction de l’intérim. Dans un premier temps, il avait jugé trop tardive l’échéance de la mi-octobre. A Accra, à l’instar du Model et des tenants du régime Taylor, il réclamait une vice-présidence dans les institutions de la transition dont la Cedeao souhaitait confier la présidence à un civil. Mais dès lors que l’intérim de Taylor a été confié à Blah et le marchandage d’Accra renvoyé aux semaines à venir, le Lurd convoite ouvertement le fauteuil de Moses Blah. «Nous voulons diriger le gouvernement intérimaire. De cette manière, la sécurité de la population sera assurée», lance le porte-parole du Lurd, Sékou Fofana. Une revendication en forme d’avertissement qui fait monter les enchères de la paix, mais d’abord, celles d’un cessez-le-feu à violations répétées.
Le Lurd pressent qu’il devra s’éloigner du port de Monrovia enlevé fin juillet par ses quelque 4 000 combattants rebelles. Une excellente opération qui lui a permis de mettre la main sur des stocks de nourriture et autres biens de consommation. Mais si la flotte américaine continue de jouer les Arlésiennes dans les eaux territoriales libériennes, son commandant est descendu à terre mardi pour examiner avec l’état-major de l’Ecomil la réouverture du port de la capitale. Pour les centaines de milliers de Libériens massés à Monrovia, l’urgence est humanitaire. Pour le gouvernement et ses rebelles, elle est politique. Mais dans l’immédiat, les points se marquent sur l’échiquier diplomatique et les pressions multiples incitent déjà le Lurd à plaider un repli stratégique. «Nous avons occupé le port pour obliger Taylor à partir», explique son porte-parole avant de poursuivre : «Il est parti, mais il a laissé des bandits derrière lui». Le Lurd envisage quand même d’évacuer le port «pour des raisons humanitaire» mais de s’installer «pour des raisons de sécurité» à Tubmanburg, à 80 kilomètres au Nord et de se maintenir dans la banlieue nord-ouest de la capitale, à New Kru Town et sur le pont Saint-Paul.
«Nous n’accepterons jamais de servir sous Moses Blah. Notre direction compte des dirigeants politiques et des hommes capables. Nous voulons servir au plus haut niveau», exige le Lurd, en réponse à l’appel lancé par Moses Blah dès sa prestation de serment. A Accra, ces dernières semaines déjà, les politiciens censés s’accorder sur une transition consensuelle avec les belligérants ont été débordés par les exigences de ces derniers. L’équipe chargée de consolider la paix et de conduire le Libéria aux élections n’a pas été formée avant le départ de CharlesTaylor. Reste à savoir s’il peut s’en trouver une capable de s’imposer et de prendre pacifiquement le relai de Moses Blah.
par Monique Mas
Article publié le 12/08/2003