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Liberia

Le désarroi des miliciens de Taylor

Les dizaines de milliers de jeunes gens qui ont suivi Charles Taylor depuis le maquis jusqu'au jour de son départ en exil ruminent aujourd'hui frustrations et déceptions après le départ de l’ex-président libérien.
De notre correspondant à Monrovia

Au début, personne n’y a cru. Quand Charles Taylor déclare qu'il va quitter le pouvoir s'il s’avère que c’est lui le problème du Liberia, ses miliciens pensent qu’il s’agit d’une simple déclaration politique sans conséquence. C'est lorsque le président nigérian Olusegun Obasanjo vient à Monrovia pour inviter Charles Taylor à s’exiler dans son pays que les miliciens de Taylor commencent à prendre l'affaire au sérieux.

Avant cela, les miliciens de Taylor avaient acquis la certitude que celui qu'ils appellent «the old man», c'est-à-dire «le vieux», ne quitterait pas le pays sans leur avoir laissé suffisamment d'argent. Chacun avait fait ses calculs en fonction des postes occupés.

Deux jours avant le départ de Charles Taylor, les choses commencent à tourner autrement. Les miliciens n’ont toujours pas reçu ce à quoi ils s'attendaient. A la veille du départ, un attroupement énorme est signalé devant la résidence privée du président. Des dizaines de milliers de miliciens sont rassemblés, pensant toujours que «le vieux» va enfin se décider à leur donner quelque chose. Les heures passent et aucun signe ne leur est adressé.

Les esprits commencent à s’échauffer. Beaucoup d'entre eux manifestent leur colère. Parmi eux, Annie Gaye, 26 ans. Elle avait 12 ans quand elle a pris les armes pour combattre au sein du NPFL de Charles Taylor. Elle est en larmes. «Qu'est-ce que je vais dire à mes parents ? J'ai consacré toute ma vie à combattre pour cet homme. Je ne suis pas allée à l'école parce qu’il fallait toujours combattre. Me voilà aujourd'hui sans rien. Même pas le moindre sous pour payer mon loyer. Ca ne peut pas se passer comme ça».

Les vols à mains armées se multiplient

Le temps passe et les propos de ce genre fusent de toutes parts. C'est dans cette ambiance que des soldats sud-africains puissamment armés débarquent à l'aéroport afin d’assurer la sécurité de leur président qui doit assister à la cérémonie de passation de pouvoir. Les miliciens se rendent compte que les Sud-africains sont aussi là pour s'assurer que rien n’arrive à Charles Taylor.

Le lendemain, le jour J, les miliciens sont empêchés d’ approcher de la résidence privée de Charles Taylor et du palais présidentiel où la cérémonie de passation de pouvoirs a lieu. Une dizaine de leurs commandants, sans armes, peuvent quand même se frayer un chemin jusqu’à l'aéroport pour voir le «vieux» monter à bord de l'avion présidentiel nigérian.

Lorsque Charles Taylor embarque, ils sont tous en larmes. Ceux qui sont restés en ville commencent à piller les résidences des responsables du gouvernement en exil. La résidence du ministre des Affaires étrangères et celle de la présidente du sénat sont ainsi mises à sac.

Aujourd'hui, les anciens miliciens de Charles Taylor deviennent de plus en plus dangereux dans Monrovia. Malgré la présence de la force ouest-africaine, les vols à main armée se multiplient. Le Commandant de l'Ecomil n'a pas encore assez d'hommes pour s'occuper de tous ces problèmes. Des éléments de la force ouest-africaine ont été déployés devant la résidence privée de Charles Taylor pour éviter qu'elle soit pillée.



par Zoom  Dosso

Article publié le 23/08/2003