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Liberia

Taylor menacé par ses rebelles

Le président libérien, accusé de soutenir ouvertement les rebelles ivoiriens du Grand Ouest, est menacé à son tour par ses propres rebelles du LURD, qui s’approchent de la capitale et ont donné une semaine à Charles Taylor pour «quitter Monrovia avant de rentrer en ville».
«Nous sommes à moins de 15 miles (24 km) de Monrovia. La ville de Tubmanburg a été prise lundi et nous progressons maintenant vers Monrovia», a déclaré mardi soir le président du LURD, Sekou Damate Conneh, affirmant se trouver actuellement dans son quartier général de Voïnjama (dans le nord, près de la frontière avec la Guinée). Le principal leader du mouvement des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie - qui s’était manifesté pour la première fois en 1999 - a ajouté, à l’intention du président libérien : «Nous lui laissons une semaine pour partir parce que nous voulons épargner des vies innocentes à Monrovia».

La chute entre les mains des rebelles de l’importante ville de Tubmanburg (du nom du premier président libérien Tubman) a été confirmée à Monrovia par le ministre de la Défense, Daniel Chea, ainsi que par des habitants ayant fui les zones de combat, qui ont précisé que le LURD contrôle aussi les villes de Klay et Combat camp, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de la capitale.

Ces rebelles sont apparemment plutôt disciplinés et structurés, même s’ils ont «récupéré» en cours de route de nombreux soldats perdus, mercenaires ou autres insurgés d’origine inconnue, dans le nord du Libéria, à cheval des frontières qui séparent les trois pays concernés par une guerre de plus en plus régionale : la Guinée, le Libéria et le Sierra Léone.

C’est dans cette région riche en diamants et parcourue par toutes sortes de trafiquants en armes comme en pierres précieuses que la principale rébellion anti-Taylor est née, vraisemblablement avec l’aide directe du régime guinéen de Lansana Conté, qui accuse le président libérien de soutenir de son côté des rebelles guinéens. Pour le président du LURD Sekou Conneh «Taylor n’a pas tenu les promesses qu’il avait faites aux Libériens lors de son élection (en 1997)». Selon lui, «le seul moyen pour que les Libériens retrouvent leur dignité et la paix est de le chasser, et pour cela il n’y a pas d’autres moyens que la force ; après il reviendra aux Libériens de choisir leurs dirigeants et leurs institutions».

Dragon Master, Bush Dog, Jungle Root, et Nasty Duke

Le LURD compte également un autre dirigeant de taille: Chayee Doe, actuellement vice-président, mais qui est également le petit frère de l’ancien président Samuel Doe, c’est-à-dire de l’ennemi historique de Charles Taylor, qui avait été assassiné en 1990 par des dissidents du parti du président actuel, avant même que celui-ci ne parvienne à s’imposer à Monrovia, à l’issue d’une longue guerre civile ayant fait environ 200 000 morts.

Arrivé au pouvoir grâce à l’aide de la Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny et du Burkina de Blaise Compaoré (et l’armement libyen), Charles Taylor n’a pas tardé à «exporter» ses méthodes au Sierra Léone, en Guinée et, tout dernièrement, en Côte d’Ivoire, via un groupe de rebelles et des «enfants soldats» d’origine étrangère regroupés surtout autour du fameux RUF que dirigeaient Sankoh (actuellement détenu) et le «général Mosquito» - en réalité Sam Bockarie - qui tout récemment a été signalé à Man et à Danané, du côté du MPIGO et du MJP (dans le Grand Ouest ivoirien).

Très probablement les rebelles libériens du LURD ont profité de l’engagement de nombreuses forces militaires pro-Taylor à l’est du pays et en Côte d’Ivoire, pour lancer ce qui semble être une offensive généralisée dans le nord-ouest, en direction de la capitale. Commandé par le «général Prince B. Seo» (34 ans seulement) le LURD compterait quelque 7 000 soldats originaires de presque toutes les régions du pays. Leurs «commandants» ont souvent opté pour des noms de guerre dans le genre terrifiant, à la façon des «gangs» de Los Angeles: Dragon Master, Bush Dog, Jungle Root, ou Nasty Duke.

S’ils parviennent à provoquer la chute de Charles Taylor - ce qui est loin d’être acquis - cela pourrait avoir de répercussions quasi immédiates dans toute la région, et notamment en Guinée et en Côte d’Ivoire. L’arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo, en octobre 2000, n’a jamais été véritablement acceptée par Charles Taylor, ni par son allié Blaise Compaoré, tous deux soupçonnés par le président ivoirien d’aider massivement les rebelles qui contrôlent le nord et l’ouest du pays.



par Elio  Comarin

Article publié le 05/02/2003