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Liberia

Les rebelles aux portes de Monrovia

Le pouvoir à Monrovia se sent menacé. Le président Charles Taylor déclare l’état d’urgence le 8 février, mais les soldats du Mouvement des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD), affirment n’arrêter le combat qu’à une seule condition, l’annonce de la démission de Charles Taylor.
Le président du Liberia Charles Taylor réaffirme sa détermination à ne pas quitter le pouvoir sur des injonctions des rebelles du LURD. Elu en août 1997 pour un mandat de six ans, au terme d’une guerre civile, de 1990 à 1997, qu’il a déclenchée et qui a fait plus de 200 000 morts, il n’a jamais pu rétablir la sécurité dans son pays. Il accuse surtout la Guinée voisine d’héberger et d’encourager des mouvements rebelles et de déstabilisation de son régime «démocratiquement élu». L’opposition armée contre le pouvoir de Charles Taylor est née de la fusion de plusieurs mouvements qui ont trouvé refuge dans le nord du pays, à la frontière avec la Guinée.

Depuis 1999, des mouvements rebelles s’opposent aux forces gouvernementales, dans la région du Lofa, mais c’est la première fois que d’intenses combats sont annoncés dans un périmètre de 100 kilomètres autour de la capitale. Le ministre de la Défense, Daniel Chea, a même reconnu une avancée significative des rebelles parvenus à quelques dizaines de kilomètres de Monrovia. Un communiqué dudit ministère annonçant des combats pour la reprise et le contrôle du carrefour de Kley, à 35 km au nord de Monrovia, confirme bien la forte poussée des rebelles. Ces derniers affirment «avoir la situation en main» dans une grande partie nord-ouest du pays.

Fuir pour survivre

La menace paraît en tout cas réelle, malgré les déclarations rassurantes du président Taylor, qui instaure tout de même l’état d’urgence, le 8 février. Mais les populations traumatisées par la brutalité des uns et des autres, y compris des actuelles forces de sécurité, commencent par fuir la capitale. Des mouvements de populations sont remarqués dans des villes et villages qui se situent sur le présumé chemin de marche des rebelles vers Monrovia. Cette peur légitime favorise l’avancée des rebelles et oblige les forces gouvernementales à dresser un peu partout des barrages pour empêcher ces mouvements de population. Par ailleurs le président Taylor a annoncé que les militaires ne porteraient pas d’armes dans la capitale, et que seuls la police et les soldats de l’Unité anti-terroriste commandée par son fils, avaient cette autorisation.

Ces dispositions destinées à rassurer, ne convainquent pas les populations qui continuent de fuir les grandes agglomérations. Le Haut commissariat des Nations-unies pour les réfugiés annonce déjà plusieurs milliers de personnes recensées dans des camps, à l’origine affectés à l’accueil des réfugiés sierra-leonais. Le Programme alimentaire mondial a, quant à lui, indiqué qu’il a déjà distribué des rations alimentaires à plus de 9 000 personnes qui fuient les zones de combat. Ces déplacés, à l’intérieur de leur propre pays, chercheraient maintenant à franchir les frontières. Face à cette nouvelle catastrophe humanitaire annoncée, Church Word Service (CWS) une Organisation non gouvernementale américaine, vient de lancer une campagne de récolte de fonds pour venir en aide aux enfants et aux femmes, à qui elle entend apporter une assistance psychosociale. Toutes ces organisations humanitaires demandent au gouvernement libérien de leur affecter de nouveaux endroits d’accueil pour qu’elles puissent assumer leur mission.

Ces demandes ne semblent pas, pour l’heure, préoccuper les autorités politiques libériennes, qui veulent avant tout, sauver Monrovia et leur pouvoir «démocratiquement élu». Limité par un embargo sur les ventes d’armes au Libéria, Charles Taylor tient l’ONU en partie responsable du conflit qui ébranle actuellement son régime. «Le Libéria doit pouvoir acheter des armes pour défendre et protéger les biens et les personnes» a-t-il déclaré. Paradoxalement, c’est au nom de ces défense et protection «des biens et des personnes» que les rebelles du LURD, viennent de lancer une grande offensive contre le pouvoir de Monrovia.



par Didier  Samson

Article publié le 11/02/2002