Côte d'Ivoire
Laurent Gbagbo: «On a fini de négocier»
(Photo : AFP)
«On a fini de négocier. Maintenant ce qu'il faut, c'est l'application des résultats des négociations», martèle Laurent Gbagbo en écho à sa lettre adressée le 19 septembre au secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan. Dans celle-ci, il se déclarait «surpris» que Kofi Annan «renvoie dos-à-dos» les protagonistes de la crise ivoirienne accusés de mauvaise volonté politique voire de mauvaise foi. «Un communiqué subjectif», écrit Laurent Gbagbo, citant le rapport du médiateur sud-africain qui «indique clairement le point de blocage constitué par le refus de désarmer de la rébellion», lui-même ayant «appliqué les accords dans leur moindre détail». Plus crûment, à Abidjan, Laurent Gbagbo lance : «A partir d’aujourd’hui, moi, je ne vais plus faire de négociation. Car la condition pour aller aux élections, c’est le désarmement». En revanche, il suggère une rencontre entre Ivoiriens, mais sous la férule de Thabo Mbéki, à Yamoussoukro, pour fixer une nouvelle date à la présidentielle.
«Si le 30 octobre c'est court et que les rebelles n'ayant pas désarmé, il est matériellement impossible d'organiser les élections, on va leur demander quand est-ce qu'ils vont désarmer et on va organiser les élections», plaide Laurent Gbagbo. En attendant, 30 octobre ou pas, il conservera le fauteuil présidentiel en se réclamant de la Constitution, muette sur le chapitre. D’ailleurs, dit-il, «ceux qui parlent aujourd’hui de transition me donnent huit jours cadeau, parce que j’ai été élu le 22 octobre 2000 et j’ai prêté serment le 25 du même mois». Mais, il l’a écrit et répété, il rejette par avance toute «saisine de la Cedeao sur la Côte d’Ivoire, en raison de l’implication directe de certains pays membres de cette organisation dans le conflit ivoirien». De fait, depuis la tentative de coup d’Etat de septembre 2002, la crise ivoirienne a produit des métastases régionales et, plus largement, africaines (et vice-versa).
«Tout sauf Gbagbo et Mbéki»
En janvier 2003, à Paris, avenue Kleber, c’est devant une pléiade africaine où se côtoyaient, par exemple, le Burkinabè Blaise Compaoré et le Libérien Charles Taylor, qu’avait été entériné le programme de Marcoussis visant à destituer Gbagbo de ses prérogatives présidentielles. Depuis, de façon plutôt inédite dans les conclaves panafricains, Gbagbo a régulièrement essuyé des volées de bois vert de la part de certains de ses pairs. Et cela, jusqu’à l’avènement de la médiation sud-africaine, en novembre 2004. Pour lui avoir donné gain de cause, celle-ci a été contestée, explicitement, par le président en exercice de l’UA, le Nigérian Olusegun Obasanjo, avec le renfort du président sénégalais, Abdoulaye Wade. Communiqué de Kofi Annan à l’appui, les FN ont depuis lors repris leur bâton de pèlerin, au Sénégal, au Burkina et au Bénin où les anciens rebelles semblent pressentir en Mathieu Kérékou, un médiateur providentiel.
L’objectif immédiat étant «Tout sauf Gbagbo», le nouveau mot d’ordre diplomatique des FN est plus que jamais: «Tout sauf Mbéki». Guillaume Soro se targue d’avoir déjà l’oreille de plusieurs chefs d’Etat dans la sous région. Pour sa part, Thabo Mbéki fait savoir qu’il n’est pas encore sorti du jeu et dénonce des erreurs d’interprétation plus ou moins malveillantes En bref, il explique qu’il n’a nullement jeté l’éponge mais qu’il estime que sa médiation a abouti et que c’est désormais aux Nations unies de faire appliquer les engagements pris par les protagonistes ivoiriens à Pretoria. Concernant le retour en scène de la Cedeao, il renvoie au communiqué de l’Union africaine, qui, le 14 septembre, à New York, s’est gardée de dénoncer clairement sa médiation, le félicitant pour «ses efforts inlassables» et même ses résultats, tout en demandant à la Cedeao de faire le point de la situation avant de «prendre les décisions qui s’imposent».
«L’Afrique du Sud est disposée à poursuivre la médiation. C'est à l'UA de décider», indique un communiqué de la présidence sud-africaine. Mais Thabo Mbéki est déjà en ordre de bataille. «Le gouvernement sud-africain est malgré tout pleinement conscient du fait qu'il y a des intérêts importants en jeu et qu'il y a des éléments qui se sentiraient menacés par l'instauration de la paix dans la région, en particulier par une paix négociée de façon générale par les Africains eux-mêmes», poursuit le communiqué. Le camouflet à Pretoria n’est pas consommé. Le bras de fer diplomatique se poursuit.
par Monique Mas
Article publié le 21/09/2005 Dernière mise à jour le 21/09/2005 à 16:32 TU