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Côte d’Ivoire

L’UA reprend la main

Le président nigérian, Olusegun Obasanjo, nouveau président en exercice de l'Union africaine, reprend en main le dossier Côte d'Ivoire.(Photo : AFP)
Le président nigérian, Olusegun Obasanjo, nouveau président en exercice de l'Union africaine, reprend en main le dossier Côte d'Ivoire.
(Photo : AFP)
La scission du pays rentre dans sa quatrième année sans qu’aucune solution de règlement de crise ne soit apportée. Les médiations se sont multipliées, mais au terme des différentes négociations depuis trois ans, un nouveau problème occupe les esprits : avec qui et comment diriger le pays à la fin du mandat de l’actuel président, alors que les élections sont compromises. La médiation sud-africaine, pourtant vivement saluée par tous les protagonistes, est finalement récusée par les rebelles et par l’Union africaine.

La crise politico-militaire en Côte d’Ivoire va de rebondissement en rebondissement au point qu’on finit par perdre de vue ses origines, ou tout au moins, la manière dont elle a violemment surgi le19 septembre 2002. Ce fut un coup d’État manqué. Le ministre de l’Intérieur, Boga Doudou, l’ancien président de la République Robert Guéi, pour ne citer que ces deux personnalités ont été assassinées. Des dizaines d’autres personnes ont connu le même triste sort. Le coup d’État manqué s’était transformé en règlement de comptes avant que l’armée loyaliste ne mette en déroute les assaillants qui ont finalement trouvé refuge à Bouaké. Après avoir obtenu la reddition des unités locales des forces de l’ordre et de l’administration. Des dizaines de gendarmes ont été, là aussi, exécutées.

Les rebelles en s’installant dans la moitié nord du pays ont acquis la sympathie des populations en jouant volontiers sur la fibre ethnique. La question très sensible de l’appartenance à des ethnies «exclues» du débat national a servi de cheval de bataille. Le ralliement des populations du Nord s’assimilait plus à un réflexe d’appartenance à une communauté montrée du doigt qu’à un acte politique réfléchi. La rébellion s’est par la suite structurée en discours politiques affinés avant de poser des revendications fermes. Mais une guerre civile entre le Nord et le Sud a été stoppée par la présence française qui a fixé chaque belligérant sur ses positions. La scission du pays est ainsi devenue une réalité non pas par la puissance de feu des rebelles, mais par la volonté de la France et des pays de la région d’éviter un embrasement général.

Entre-temps, dans le sud du pays des exactions se sont aussi multipliées. Et, les différentes médiations les ont volontairement ignorées (des deux côtés) pour ne pas entrer dans une échelle de valeur des horreurs. «Une fois l’ordre rétabli, la justice pourrait s’exercer», estime-t-on dans les différentes chancelleries. Les médiations ont ainsi montré leurs limites sur lesquelles rebelles et loyalistes jouent.

UA ou CEDEAO, à qui le tour ?

La rébellion avait salué la médiation confiée au président Thabo Mbeki, qui aurait lors d’une rencontre internationale «ouvertement critiqué le président Laurent Gbagbo». Mais au fur  et à mesure que les négociations avançaient les médiateurs sud-africains ont été confrontés à la mauvaise foi des uns et des autres. Pour eux un retour à la case départ permettrait de dire les choses simplement. Cette logique impute la responsabilité des événements à la rébellion rebaptisée Forces nouvelles. Dans cette même logique, les Forces nouvelles doivent désarmer et accepter un cantonnement ce qui revient à dire qu’elles perdent le pouvoir, même dans le Nord, au profit l’ordre constitutionnel. Elles récusent donc le médiateur qu’elles avaient applaudi et reçoivent un écho auprès de certains chefs d’État africains.

Même si leur vision des choses n’est pas partagée par certains dirigeants africains, il n’en demeure pas moins qu’ils considèrent que l’Afrique du Sud «a accentué la division de la Côte d’Ivoire». L’Afrique du Sud, sentant son dessaisissement du dossier, s’est quelque peu mélangée les pinceaux avant la réunion du Conseil de sécurité et de l’assemblée générale de l’ONU. Le compte rendu du président Thabo Mbeki aurait été jugé «partial» et en faveur du président Laurent Gbagbo. Une réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine qui s’est tenue en marge du sommet de l’ONU, le 14 septembre, pendant laquelle il a été décidé de «reprendre le dossier ivoirien». Il sera maintenant aux mains de l’Union africaine, qui, a son tour impliquera davantage la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Le chef de l’État nigérian et président en exercice de l’UA, Olusegoun Obasanjo a désavoué le président Thabo Mbeki qui voulait aussi passer le relais à l’ONU pour une autre forme de gestion du conflit ivoirien. Mais les Africains du Conseil de paix et de sécurité de l’UA ont préféré garder dans leur giron «le dossier ivoirien».

Une réunion est prévue avant la fin du mois de septembre, peut-être à Abuja au Nigeria qui sera suivie d’un autre sommet UA-CEDEAO. Pendant ce temps, on avance à grands pas vers la date du 30 octobre 2005, qui correspond à la fin officielle du quinquennat de Laurent Gbagbo. Mais, différentes lectures sont faites de la Constitution. Certains y voient le maintien au pouvoir de Laurent Gbagbo et d’autres les raisons de contester sa légitimité. Dans tous les cas, il semble évident que les partis d’opposition et les rebelles qui n’ont pas eu raison de Laurent Gbagbo misent aujourd’hui sur la fin de son mandat pour exiger un nouvel ordre en Côte d’Ivoire.


par Didier  Samson

Article publié le 19/09/2005 Dernière mise à jour le 19/09/2005 à 17:41 TU

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