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Soudan

Gouvernement d’après-guerre

Salva Kiir, le premier vice-président du Soudan.(Photo: AFP)
Salva Kiir, le premier vice-président du Soudan.
(Photo: AFP)
Après 21 ans de guerre, un gouvernement d’union nationale a tenu son premier conseil des ministres jeudi, après la prestation de serment de ses membres, en présence du premier vice-président, Salva Kiir, successeur du défunt John Garang à la tête du Mouvement pour la libération du peuple soudanais (MPLS), et du vice-président, Ali Osmane Taha, issu du Congrès national (CN) au pouvoir. Après d’intenses tractations -et un report provoqué par la mort de John Garang, le 30 juillet dernier- le cabinet compte 29 ministres dont deux femmes, 33 ministres adjoints et 12 conseillers à la présidence. Le CN conserve les portefeuilles stratégiques de la Défense, de l’Intérieur et surtout des Mines et de l’Energie. Les Affaires étrangères reviennent au MPLS. L’idéologue islamiste, Hassan al-Tourabi, et les communistes font bande à part, dans l’opposition.

Conformément au partage du pouvoir issu de l’accord de paix de janvier dernier, 52% des portefeuilles étaient réservés au CN, 28% au MPLS, 14% à l’opposition du Nord et 6% à celle du Sud. Finalement, de marchandages en compromis, outre la présidence conservée par Omar al-Béchir, la vice-présidence confiée à Ali Osmane Taha et le poste d’adjoint du président obtenu par Nafie Ali Nafie, le CN dispose de 15 portefeuilles pleins (sur 29) et de 7 fauteuils de conseillers à la présidence (avec rang de ministre). Il peut aussi compter sur les dissidents de l’opposition nordiste du parti Oumma et du Parti démocratique unioniste qui ont accepté de jouer le jeu de l’union nationale et obtenu trois ministères et deux postes de conseillers à la présidence. Pour sa part, avec 9 ministres et 2 conseillers à la présidence, le MPLS doit se contenter des Affaires étrangères concédées à Lam Akol pour tout portefeuille de souveraineté. Car, pour les affaires pétrolières, Khartoum renvoie le premier vice-président, Salva Kiir, à la gestion du pactole sudiste. Reste que l’industrie pétrolière et les terminaux sont au Nord.

Pour sa part, l’ancienne éminence islamiste d’Omar al-Bachir, Hassan al-Tourabi, ronge son frein en attendant les législatives qui devraient être organisées dans quatre ans. D’ici là, il battra campagne contre le gouvernement d’union nationale, dans l’opposition, où ont également décidé de s’ancrer les communistes et d’autres composantes de l’alliance anti-Bachir. De son côté, plutôt que de retarder le lancement du train gouvernemental et, en même temps, la mise en œuvre de l’accord de paix de Nairobi, Salva Kiir a visiblement préféré tempérer les ambitions ministérielles du MPLS à Khartoum. Des affaires plus sérieuses l’attendent au Sud, l’héritage de Garang et une autonomie de six ans, avant un référendum posant la question de l’autodétermination, c’est-à-dire de l’indépendance. Or, en la matière, c’est au nouveau gouvernement et à Khartoum de prouver aux électeurs du Sud qu’ils ont intérêt à un Soudan unitaire.

Hypothèques sur la sécurité

Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies au Soudan, Jan Pronk, salue la formation de ce premier cabinet d’après-guerre tout en demandant au Conseil de sécurité de rester vigilant et de faire pression pour la conclusion d’un accord de paix au Darfour, en guerre civile depuis février 2003. Le rapporteur de l’Onu pointe aussi la région d'Abyei, au centre du pays, où la tension monte en attendant les décisions sur son statut spécial prévu par l’accord de Nairobi. Outre ces problèmes internes, la sécurité reste aussi hypothéquée au Sud Soudan par l’activisme de l’Armée de la résistance du Seigneur (LRA), le mouvement rebelle du nord de l'Ouganda. Longtemps soutenue par Khartoum qui assure l’avoir lâchée, la LRA reste une menace difficile à lever. En effet, dit Jan Pronk, «même si Joseph Kony, son chef charismatique qui se croit invincible en raison de pouvoirs surnaturels, venait à mourir, il serait vite remplacé».

Jan Pronk demande au Conseil de sécurité d’exiger «un accord global sur le Darfour d'ici à la fin de l'année». Mercredi, l’un des deux principaux groupes rebelles du Darfour, le Mouvement pour la libération du Soudan (SLM) revendiquait la prise «lundi, de la ville de Sheiria dans le sud du Darfour et de lourdes pertes infligées à l'ennemi, avec environ 80 morts dans les rangs des forces gouvernementales». Khartoum a immédiatement dénoncé un sabotage des négociations d’Abuja. «On ne peut plus alterner négociations et fusillades», commente pour sa part Jan Pronk, dénonçant les retards onusien dans la fourniture de subsides et de casques bleus, «un quart des quelque 10 000 soldats» promis sont disponibles et «les besoins en matière humanitaire et de développement, d’1,9 milliard de dollars, ne sont couverts pour l'instant qu'à hauteur de 950 millions de dollars», soit environ 50 %.

La paix entre le Nord et le Sud ne garantit pas la sécurité physique et alimentaire des Soudanais. Le partage du pouvoir qui l’a permise ne satisfait pas tous les appétits. Mais le pétrole soudanais coulera sans doute plus facilement jusqu’aux tankers de ses clients internationaux.


par Monique  Mas

Article publié le 22/09/2005 Dernière mise à jour le 22/09/2005 à 16:47 TU

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Laurent Correau

Journaliste à RFI

«Les sudistes ont 9 portefeuilles sur 29, et mis à part les Affaires étrangères, ils n'ont pas de ministère stratégique dans ce nouveau gouvernement soudanais.»

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