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Colombie

La France est accusée d’ingérence

Le président colombien Alvaro Uribe n'apprécie pas que la France ait rencontré le porte-parole des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), pour négocier la libération d'Ingrid Betancourt.(Photo : AFP)
Le président colombien Alvaro Uribe n'apprécie pas que la France ait rencontré le porte-parole des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), pour négocier la libération d'Ingrid Betancourt.
(Photo : AFP)
Le gouvernement d’Alvaro Uribe monte le ton. La France est accusée «d’ingérence dans les affaires intérieures de la Colombie». Le motif ? Les contacts entre un émissaire de Jacques Chirac et les guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) pour obtenir la libération d’Ingrid Betancourt, en captivité depuis 47 mois. La lettre de protestation adressée à l’ambassade de France à Bogota précise : « La Colombie réitère au gouvernement français et à l’opinion publique qu’elle n’a autorisé aucun contact entre ce gouvernement et les représentants des FARC».

De notre correpondante à Bogota

A l’origine de l’incident : une réunion tenue début septembre dans le sud du pays entre un diplomate français et le porte-parole de l’organisation armée. Il y a quinze jours, Carlos Lozano, directeur de l’hebdomadaire communiste Voz, en fait une première fois mention sur un plateau de télévision. Personne ne juge bon de réagir. Interviewé cette semaine par la revue Semana, M. Lozano reprend l’information. Et déclenche un tollé diplomatique.

Et se dit « très surpris » de la réaction du gouvernement colombien. Et il n’est pas le seul. Début juillet une première réunion était organisée entre M. Noel Saenz, ex-consul de France à Bogota et le guérillero Carlos Reyes, quelque part dans les montagnes de Colombie. Le Ministre de l’Intérieur, M. Sabas Pretelt de la Vega s’en était publiquement félicité. Nous avons autorisé ces contacts et nous espérons qu’ils contribueront à la libération des otages, déclarait-il en substance.

Réaction du Quai d’Orsay à la lettre de protestation du gouvernement colombien : «La France a agi dans le cadre d’une autorisation donnée il y a longtemps par les autorités colombiennes». La ministre des Relations Extérieures colombienne, Carolina Barco, a démenti l’existence d’une «autorisation générale». Paris était tenu de demander une autorisation officielle avant chaque rencontre. «C’est complètement absurde», juge Carlos Lozano : «Dans ce type de rencontre, la sécurité des émissaires exige une grande discrétion». 

Pourquoi a-t-il choisi de révéler l’existence d’une réunion secrète ? «Parce que, depuis plusieurs jours, la presse équatorienne se faisait l’écho de rumeurs infondées sur la prochaine libération d’Ingrid Betancourt. Il fallait y mettre un terme», répond-il. Il affirme qu’«il n’y a aucun accord en vue».

L’intransigeance des uns et des autres pénalise les otages

Cinquante-cinq Colombiens -soldats, policiers et politiques- et trois Américains partagent son sort. Pour libérer ces «otages politiques», les FARC exigent la sortie de prison de 400 guérilleros. Partisan de la manière forte, le Chef de l’Etat Alvaro Uribe est réticent à négocier un tel «accord humanitaire» avec une organisation qualifiée de terroriste. Mais les familles des otages, l’Eglise et la France font pression.

Au fil des mois, le gouvernement a donc cédé sur plusieurs points, en acceptant notamment de rencontrer les négociateurs guérilleros sur le territoire colombien. Mais les propositions successives ont toutes été jugées inacceptables par les FARC. Pour s’asseoir à la table des négociations, les guérilleros continuent d’exiger la démilitarisation de deux municipalités, soit quelque 800 km2 dans le sud du pays.

Alvaro Uribe et les FARC se renvoient dos à dos la responsabilité du drame des otages. En refusant aujourd’hui la médiation de la France autorisée hier, le gouvernement semble donner raison à ses adversaires qui l’accusent de faire systématiquement capoter tous les travaux d’approche avec les FARC «Il est clair que le gouvernement - malgré des concessions apparentes - ne veut pas d’un accord humanitaire», considère Juan Carlos Lecompte, le mari d’Ingrid Betancourt. Il juge que «le gouvernement ne fait rien et ne laisse pas les autres faire».

Reste à savoir si la France a les moyens de faire. Taxées de terroristes sur la scène internationale, les FARC ont tout intérêt à rencontrer les émissaires d’un gouvernement européen. Mais sont-elles disposées à négocier la libération d’Ingrid Betancourt ? Rien ne permet de le penser.


par Marie-Eve  Detoeuf

Article publié le 24/09/2005 Dernière mise à jour le 24/09/2005 à 13:09 TU