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Côte d'Ivoire

Muettes résolutions

Le président nigérian Obasanjo (à droite) est à l'origine de ce sommet extraordinaire d'Abuja.(Photo: AFP)
Le président nigérian Obasanjo (à droite) est à l'origine de ce sommet extraordinaire d'Abuja.
(Photo: AFP)
Réunie à Abuja le 30 septembre, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) «ne pouvait pas rendre publiques ses recommandations avant de les transmettre à l'Union africaine, qui, elle, prendra les décisions» lors de la réunion de son Conseil de paix et de sécurité prévue le 6 octobre prochain, explique le ministre nigérian des Affaires étrangères. En attendant, l’opposition répète à qui veut l’entendre «qu'un simple report technique [de la présidentielle initialement prévue le 30 octobre] ou une transition dans laquelle le président Laurent Gbagbo demeurera président ne fera qu'accentuer les blocages», bref qu’il faut sortir Gbagbo, ce qui n’est pas du tout dans ses intentions, comme il l’a fait savoir en boycottant le sommet de la Cedeao. Mais entre-temps, l’ONU a menacé de sévir, pressant l’opposition de prendre place dans la Commission électorale indépendante.
Le ministre sénégalais des Affaires étrangères parle d’une dizaine de propositions soumises à l’Union africaine qui, faute de les retenir, de les amender ou de les rejeter pourra tout aussi bien se garder de toute résolution tranchée, à l’instar du sommet de la Cedeao réuni à Abuja par son président en exercice, le chef de l’Etat nigérian, Olusegun Obasanjo. Ce dernier n’est en tout cas pas parvenu à convaincre le président ivoirien, Laurent Gbagbo, de participer à une énième séance de réconciliation nationale sous les auspices d’une pléiade de chefs d’Etats de la région, parmi lesquels le Nigérien Mamadou Tanja, président de la Cedeao, le Burkinabé Blaise Compaoré ou le Malien Amadou Toumani Touré (nommément accusés de malveillance à son encontre par la mouvance présidentielle ivoirienne) ou bien encore le président togolais fraîchement émoulu, Faure Gnassingbé et le Ghanéen John Kufuor. Ce dernier est en France depuis dimanche, pour une visite officielle de cinq jours, Paris saluant un «modèle de démocratie et de bonne gouvernance en Afrique» et «l'engagement décisif du président Kufuor en faveur de la paix dans la région», en particulier concernant l’épineuse question ivoirienne.

Pour autant, il serait hâtif de voir dans le «gentil géant» Kufuor un successeur potentiel à la médiation en Côte d’Ivoire de son pair sud-africain Thabo Mbéki, vilipendé par les anciens rebelles ivoiriens des Forces nouvelles, qui ont justement réclamé l’intervention d’Olusegun Obasanjo. Le fauteuil de médiateur n’est pas vacant et l’ONU a retenu de ses conclusions que «les Forces nouvelles n’ont pas respecté les engagements qu’ils avaient pris», à Pretoria. Dans son propre rapport, publié le 29 septembre, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan rappelle notamment «la controverse suscitée par les lois promulguées par le président Laurent Gbagbo le 15 juillet», à la demande de Thabo Mbéki. Et il ne distribue pas les bons points revendiqués par l’opposition.

Kofi Annan souligne que le président Gbagbo a promulgué une nouvelle version des textes de lois, le 29 août dernier, après les avoir modifiés pour répondre aux réserves exprimées par les FN et par les sept partis d’opposition. Un geste sans réciproque, souligne le texte, puisque les mêmes ont à nouveau repoussé les textes, rejetant en même temps la médiation Mbéki. Dans ce contexte, Kofi Annan relance la menace de sanctions individuelles «ciblées contre ceux qui entravent le processus de paix». Sagement, Olusegun Obasanjo a préféré de son côté taire les recommandations que la Cedeao est censée faire à l’UA, pour lever «les obstacles à la tenue d’élections libres, justes et transparentes», comme le demande l’ONU.

Gbagbo: «Les rebelles ont tiré leurs dernières cartouches!»

Face à l’opposition qui se démène pour faire de la fantasmatique échéance du 30 octobre une date couperet pour la présidence de Laurent Gbagbo, ce dernier s’efforce de ramener le débat à une plus modeste mesure de contre-temps. La semaine dernière, il est monté en personne au créneau médiatique du pays pour expliquer, une fois de plus, qu’il n’y avait pas de vide à redouter après le 30 octobre et qu’il ne se prêterait plus à de nouvelles négociations tant que le cahier des charges des précédentes ne serait pas rempli par ses adversaires. «Le 6 octobre, nous nous retrouverons à Addis Abeba, et le 13 octobre à New-York. Et, après, les rebelles n'auront plus de cartouches» politiques à tirer, a-t-il lancé ce week-end.

«L'Union africaine, la Cedeao, mais aussi les Nations unies et tout particulièrement le Conseil de sécurité, doivent expliquer qu'il faut mettre en place les deux engagements de toutes les parties ivoiriennes, premièrement des élections transparentes avec une observation internationale, et deuxièmement le désarmement de toute milice», déclarait ce dimanche le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, sur les ondes françaises d’Europe 1 et de TV5, ajoutant que «le moment est venu d'être très strict, très ferme». Pour Paris, «la sortie de la crise passe par la tenue d'un scrutin présidentiel incontestable…au plus tard en début d'année prochaine». Cette volonté internationale peut difficilement s’accommoder du nouveau blocage que provoquerait inévitablement une formule quelconque destinée à évincer Gbagbo.

Jusqu’à présent, nulle instance internationale n’a contesté la validité de la médiation Mbéki, diplomatiquement félicité dans le communiqué final émis par la Cedeao, à l’issue de la rencontre d’Abuja. Les chefs d’Etat ont exprimé leur «reconnaissance au président Thabo Mbéki pour ses efforts inlassables qui ont permis d’accomplir des progrès significatifs dans la mise en œuvre des dispositions de l’accord de Linas-Marcoussis et d’Accra III». Ils viennent de transmettre la «patate chaude» à l’UA. Elle non plus n’a jamais désavoué Thabo Mbéki mandaté par ses soins en novembre dernier. Elle ne peut gère se fixer d’autre objectif que la tenue la plus rapide possible d’un scrutin «incontestable». Le 29 septembre, Kofi Annan a précisé que dans l’immédiat, il faut mettre la Commission électorale indépendante sur pied, «sans plus attendre».

Kofi Annan estime aussi qu’une «attention urgente doit être accordée à l’administration de la période à compter du 30 octobre», sans entrer plus avant dans la polémique ouverte par l’opposition ivoirienne. Celle-ci réclame une transition politique sans Gbagbo. Pour ce dernier, céder serait admettre la victoire du «coup d’Etat rampant», à l’œuvre, selon lui, depuis septembre 2002. Il en appelle aux démocrates africains pour être compris le 6 octobre prochain. Reste à fixer une nouvelle date pour le scrutin, à l’organiser, à sécuriser les urnes et à convaincre toutes les parties d’exprimer désormais leurs opinions sur bulletins de vote: la quadrature électorale du cercle politico-militaire ivoirien.


par Monique  Mas

Article publié le 03/10/2005 Dernière mise à jour le 03/10/2005 à 17:42 TU