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Grippe aviaire

Tirer les enseignements de la grippe espagnole

Pour mieux comprendre les mécanismes de transmission de la grippe aviaire, des chercheurs ont étudié les tissus pulmonaires d’une victime de la grippe espagnole enterrée dans le sol gelé d’Alaska (photo : AFP)
Pour mieux comprendre les mécanismes de transmission de la grippe aviaire, des chercheurs ont étudié les tissus pulmonaires d’une victime de la grippe espagnole enterrée dans le sol gelé d’Alaska
(photo : AFP)
La grippe espagnole, qui a fait environ 20 millions de morts en 1918, avait vraisemblablement une origine aviaire. C’est la raison pour laquelle les chercheurs poursuivent leurs travaux sur le virus H1N1 responsable de cette terrible épidémie, dans l’espoir de mieux comprendre les mécanismes qui lui ont permis de devenir aussi meurtrier et surtout transmissible entre êtres humains. C’est donc pour faire avancer la recherche sur le vaccin contre une potentielle souche mutante de l’actuel H5N1, qu’une équipe américaine a recréé in vitro le virus de la grippe espagnole.

Recréer un virus pour mieux en combattre un autre. C’est ce que les chercheurs de l’équipe de Jeffrey Taubenberger de l’Institut de pathologie des forces armées de Rockville aux Etats-Unis ont essayé de faire. Ils ont ainsi utilisé les tissus pulmonaires d’une victime de la grippe espagnole enterrée dans le pergisol (sol en permanence gelé) d’Alaska pour réaliser le séquençage des gènes du virus H1N1, responsable de l’épidémie de 1918. A partir de ce code génétique, ils ont réussi à faire revivre le virus disparu en utilisant la technique dite de «génétique inverse». Les chercheurs ont ensuite vérifié son caractère pathogène en l’inoculant à des souris, des embryons de poulet et même des cellules pulmonaires humaines. Ils se sont ainsi rendus compte que le virus ressuscité était aussi meurtrier que celui de 1918.

Les résultats de ces expériences ont été publiés dans deux articles, l’un dans Science, l’autre dans Nature. Ils sont particulièrement intéressants parce qu’ils permettent d’essayer «de comprendre les propriétés biologiques qui ont rendu le virus de 1918 si exceptionnellement mortel», comme l’explique l’un des co-auteurs de l’article de Science, Terrence Tumpey des Centres de contrôle des maladies (CDC) d’Atlanta. Le mystère n’est pas encore totalement élucidé. Mais d’ores et déjà, les scientifiques pensent avoir trouvé la protéine qui a rendu le virus si meurtrier. Elle se nomme hémagglutinine (HA), agit en s’accrochant aux cellules et en permettant au virus d’y pénétrer. Reste maintenant à trouver comment bloquer le mécanisme pour pouvoir envisager d’appliquer la même méthode au virus H5N1 lorsqu’il aura muté et sera devenu transmissible entre être humains.

Gagner du temps

Car c’est là le deuxième enjeu de ces recherches : essayer de comprendre comment un virus aviaire est devenu un virus humain. Le H5N1 qui se propage en Asie depuis 2003 n’en est pas encore arrivé à ce stade. Les cas de contamination humaine enregistrés ont tous pour origine un contact rapproché avec des volatiles infectés. Pour le moment, aucune contamination entre deux personnes n’a été signalée. Mais selon les scientifiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce n’est qu’une question de temps. Un jour ou l’autre, ils en sont persuadés, le virus va muter. Et à partir de ce moment-là, il faudra réagir très vite pour éviter une propagation à l’échelle de la planète. C’est pourquoi l’étude du virus de la grippe espagnole peut faire gagner un temps précieux en permettant de préparer au mieux la mise au point d’un vaccin efficace contre une souche mutée.

L’étude des trois derniers gènes du H1N1 (qui en compte huit au total) est de ce point de vue très importante. L’équipe de Jeffrey Taubenberger a mis en valeur l’existence sur ceux-ci d’«anomalies» qui pourraient avoir joué un rôle clef dans le processus d’humanisation puisqu’on ne les retrouve pas dans les gènes de tous les virus aviaires mais seulement dans ceux qui sont à l’origine de contaminations humaines, dont le H5N1 fait partie.

La découverte de similitudes entre le virus de la grippe espagnole et l’actuel virus de la grippe aviaire est à la fois rassurante parce qu’elle montre que la recherche avance, et inquiétante parce qu’elle semble confirmer le danger potentiel que représente l’épidémie qui frappe pour le moment les volatiles. De ce dernier point de vue, elle va dans le sens de l’OMS qui ne cesse de tirer la sonnette d’alarme. Il est vrai que depuis 2003, malgré les efforts pour limiter sa propagation dans les élevages, le virus continue sa progression et le nombre de victimes humaines augmente. On a comptabilisé à ce jour 66 décès de personnes contaminées par le H5N1.


par Valérie  Gas

Article publié le 06/10/2005 Dernière mise à jour le 06/10/2005 à 16:54 TU