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Turquie

La rébellion kurde rompt à nouveau la trêve avec Ankara

Membre du PKK.  L’annonce d’une reprise des hostilités n’inquiète finalement pas davantage qu’elle ne convainc.(Photo: AFP)
Membre du PKK. L’annonce d’une reprise des hostilités n’inquiète finalement pas davantage qu’elle ne convainc.
(Photo: AFP)
Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé le 6 octobre la fin de la trêve proposée unilatéralement à Ankara le 20 août dernier. La rébellion kurde, qui avait relancé ses opérations armées il y a 15 mois après avoir déposé les armes en 1999, cherche désormais le soutien de l’Union européenne. Celle-ci a ouvert lundi les discussions d’adhésion avec la Turquie.
De notre correspondant à Istanbul

Dans le sud-est à majorité kurde (ici Silvan, près de Diyarbakir), la reprise des violences avait relancé le décompte macabre des morts.
(Photo: Jérôme Bastion/RFI)
«La trêve ? Quelle trêve ?» Dans le Sud-Est de la Turquie à majorité kurde, où l’on guette le moindre signe pouvant annoncer un changement de politique de l’Etat turc à l’endroit de la turbulente région, on reste perplexe. Force est de constater que la trêve annoncée par la rébellion au lendemain d’une visite à Diyarbakir du Premier ministre Tayip Erdogan n’a pas été suivie d’effets. Entre frontières iranienne et irakienne, les attentats –à la bombe télécommandée, pour l’essentiel, et visant des véhicules militaires, parfois des trains civils– n’ont en effet jamais cessé. De l’autre côté, la pression des forces de sécurité, contrôles routiers ou véritables ratissages anti-terroristes dans les montagnes, se sont également poursuivis au grand dam de la maire pro-kurde de Tunceli, Songül Erolabdil.

Censé rétablir la confiance nécessaire à l’isolation de la violence armée en s’attribuant, de manière directe et inédite, la responsabilité de régler le «problème kurde», le discours tenu le 12 août par Erdogan a été largement commenté comme une coquille vide. L’armée notamment, peu encline à lâcher la bride à de telles initiatives et irritée par ses pertes répétées sur le terrain, réclamait alors, à cors et à cris, la constitution d’une nouvelle entité pour coordonner la lutte anti-terroriste. Le gouvernement a su résister au renforcement des prérogatives des forces de sécurité. Mais il n’a pas non plus donné corps à ses promesses de règlement démocratique et pacifique du problème, renforçant les frustrations de ceux qui attendent des incitations économiques et des garanties culturelles.

Quarante-trois morts dans les rangs de la rébellion en 45 jours de ce qui devait être une suspension des hostilités (et plusieurs morts parmi les militaires), c’est trop, estime aujourd’hui le PKK, qui publie un communiqué au nom d’une Union confédérée du Kurdistan démocratique, inconnue à ce jour. Pour répondre à ce qui est présenté comme une «intensification des opérations de destruction menées par l’Etat turc», la rébellion revendique aujourd’hui un droit légitime à «défendre son honneur national en pratiquant une défense active». En clair, elle reprend officiellement les armes. La trêve, débutée le 20 août et prolongée un mois plus tard pour attendre le début des discussions d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, a fait long feu et manqué son but.

Le PKK ne convainc plus

«L'absence, dans l'accord sur le cadre des négociations avec l'UE, de la moindre référence à une solution au problème kurde [vaut] approbation de la politique de déni menée par l'Etat turc», regrette le PKK, qui constate avec amertume que les temps ont changé. Au même moment en effet, le commissaire européen à l’Elargissement, Olli Rehn, donnait le nouveau ton des responsables européens. «La violence n’est pas une solution et l’UE condamne le terrorisme», confiait-il jeudi au journal The new anatolian. Soulignant que certes, «il faut développer le Sud-Est sur le plan socio-économique et en matière des droits culturels, mais toute forme de violence ou de terrorisme va aggraver la situation», le commissaire Rehn ajoutait qu’il y a «besoin non seulement d’une trêve, mais aussi d’une cessation complète des activités terroristes». Ce n’est donc pas un hasard si, en visite en Turquie, il a préféré visiter Kayseri, ville natale du chef de la diplomatie, Abdullah Gül, dans le centre de l’Anatolie, plutôt que de se rendre au Sud-Est où son prédécesseur Gunther Verheugen a fait le déplacement l’an dernier.

Ces dernières semaines, Olli Rehn a d’ailleurs plusieurs fois lancé des appels solennels aux élus et responsables politiques kurdes pour qu’ils se démarquent une fois pour toutes de la rébellion armée. Manifestement, la reprise des hostilités l’an dernier, après 5 années de calme depuis la condamnation du chef du PKK à la peine de mort puis à la prison à vie, n’a pas été bien ressentie à Bruxelles. Mais la rébellion n’a plus les moyens militaires de ses ambitions et elle se divise. Elle est en outre discréditée dans une large partie de la population, lassée de l’insécurité. La voie légale de l’action politique lui sera par ailleurs de plus en plus fermée, si elle ne se détache pas clairement de la lutte armée, comme le lui demande de plus en plus d’intellectuels, kurdes ou non. L’annonce d’une reprise des hostilités n’inquiète finalement pas davantage qu’elle ne convainc. Le PKK aimerait croire que, «avec le début des négociations, le problème kurde n'est plus seulement un problème pour la Turquie, il s'agit désormais d'un problème fondamental pour l'UE», c’est le contraire qui devrait se vérifier dans l’avenir, sur fond de violences «résiduelles».


par Jérôme  Bastion

Article publié le 08/10/2005 Dernière mise à jour le 08/10/2005 à 14:30 TU