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Géorgie

L’éviction de Salomé Zourabichvili inquiète

Salomé Zourabichvili en visite au ministère des Affaires étrangères français à Paris.(Photo: MAE/F. de la Mure)
Salomé Zourabichvili en visite au ministère des Affaires étrangères français à Paris.
(Photo: MAE/F. de la Mure)
Le Premier ministre, Zourab Noghaïdéli a annoncé sa décision de démettre de ses fonctions la ministre des Affaires étrangères d’origine française, Salomé Zourabichvili. Celui-ci a ainsi donné raison au Parlement géorgien qui réclamait sa démission.

De notre correspondante à Tbilissi

«Nous avons une politique étrangère couronnée de succès et ceci grâce au président, au gouvernement et à notre équipe politique, annonçait ce mercredi soir le Premier ministre. Malgré cela, hier, le Parlement a fait part de son mécontentement à l’égard du ministre des Affaires étrangères. […] En conséquence, nous avons décidé de la démettre de ses fonctions.» Quelques minutes avant l’annonce du Premier ministre, Salomé Zourabichvili, invitée de l’émission Coriere sur la chaîne Roustavi 2, appelait le président à dissoudre le Parlement. L’appel a précipité et justifié la décision de son éviction.

Salomé Zourabichvili a qualifié son départ de «jour historique» pour la Géorgie, historique car menaçant la petite république de la mer Noire d’un retour à l’époque soviétique. Sur le plateau de Roustavi 2, la diplomate et ancienne ambassadeur de France en Géorgie, s’en est pris en des termes sévères aux parlementaires qui réclamaient son départ. «Ces gens ne sont pas des gens, mais des barbares, a-t-elle lancé devant les caméras. Ces gens ne se représentent pas eux-mêmes, mais la dernière perspective de salut pour le système soviétique. Soit on refuse cela avec énergie, soit on abandonne. Si on abandonne, alors le risque est que la démocratie en souffre, voir même qu’elle y périsse».

La petite Géorgie avait connu en effet une révolution pacifique au mois de novembre 2003, la première d’une série dans l’espace soviétique, qui avait mené au pouvoir une jeune élite prétendant à la démocratie. «Si nous ne gagnons pas notre révolution jusqu’au bout, alors nous reviendrons en arrière et ce même vieux communisme vaincra, et avec lui la Russie».

Inimitiés

Depuis plusieurs mois déjà, la ministre des Affaires étrangères s’était fait des ennemis au Parlement, l’écartant trop souvent des décisions de politique étrangère. Plusieurs députés avaient alors pris pour cheval de bataille la décrédibilisation de la ministre, et ce dès sa nomination. Ce mercredi, ceux-ci ont gagné auprès du Premier ministre, le président n’ayant pas, contre toute attente, défendu celle qui a obtenu de Moscou le retrait des bases militaires russes de Géorgie. Issue de la diaspora géorgienne de France, Salomé Zourabichvili n’appartenait pas aux clans locaux; elle avait de ce fait acquis auprès de la population l’aura d’une ministre professionnelle, loin des habitudes de népotisme et de corruption persistantes en Géorgie.

«Il semble que ma position, mes discours, mes déclarations, mes tentatives de lutte contre les systèmes de corruption en nombre dans les ambassades de Géorgie aient crée des obstacles pour beaucoup de gens» a ajouté Salomé Zourabichvili. Nommée ministre quelques semaines à peine après avoir pris ses fonctions d’ambassadeur de France en Géorgie, Salomé Zourabichvili provoquait la haine de ses pairs pour avoir gardé son salaire français, Jacques Chirac l’ayant «mise à disposition» du gouvernement géorgien. Mercredi soir, elle a dit vouloir envoyer une lettre de remerciement à Jacques Chirac pour avoir pris cette décision «historique» dans la diplomatie française.

Crise intérieure

Le gouvernement géorgien d’après la révolution n’en est pas à son premier remaniement ministériel mais celui-ci provoque l’émoi; sinon témoin d’une nouvelle orientation politique, il catalyse des tensions internes mères de crise. «Je voudrais dire que cette mutinerie disons, bien organisée et agressive n’est pas dirigée uniquement contre moi mais aussi contre le président», a-t-elle confié aux caméras. Le moment est difficile pour ce dernier qui dit-elle, «n’a pas les moyens de résoudre la crise comme il le faudrait. […] La seule façon de dépasser la crise actuelle serait de dissoudre le Parlement et d’organiser de nouvelles élections».

Salomé Zourabichvili a appelé «ceux qui pensent que la démocratie est en danger en Géorgie» à se réunir demain à l’hippodrome de Tbilissi, «juste pour cinq minutes». Mais bien sûr, a-t-elle terminé, «ce n’est pas un appel à une nouvelle révolution».

par Claire  Delessard

Article publié le 20/10/2005 Dernière mise à jour le 21/10/2005 à 12:23 TU

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Salomé Zourabichvili

Ex-ministre des Affaires étrangères en Géorgie

«Le système néo communiste essaie de gagner sa dernière bataille, mais la population géorgienne ne veut pas de ce retour en arrière.»

Jean-Frédéric Saumont

Journaliste, correspondant de RFI à Moscou

«La nomination de Salomé Zourabichvili était aussi destinée à favoriser l'intégration de la Géorgie dans les structures européennes.»

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