Géorgie
Le soutien nuancé de George Bush
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Tbilissi
Tbilissi attendait-il trop de la visite –de 19 heures– de George Bush en Géorgie ? Certes, la première visite d’un président américain dans l’ancienne république soviétique caucasienne s’est bien passée pour Mikhaïl Saakachvili et la nouvelle équipe dirigeante géorgienne, arrivée au pouvoir après la pacifique « Révolution des roses » de novembre 2003. Mais, ces 9 et 10 mai, Tbilissi aura appris, si elle ne le savait déjà, que son allié américain ne peut pas tout faire comme il l’entend et, surtout, a d’autres intérêts dans la région. À commencer par sa relation avec Moscou.
D’où la déception à Tbilissi concernant la «prudence» de George Bush à propos du retrait des deux dernières bases militaires russes de Géorgie. Tbilissi et Moscou négocient actuellement leur démantèlement. Des discussions très difficiles qui, juste avant les cérémonies du 60e anniversaire de la capitulation nazie de Moscou, le 9 mai, avaient subi un recul. La diplomatie russe est revenue sur l’accord verbal auquel elle était parvenue le 25 avril avec sa contrepartie géorgienne. M. Bush a dit avoir parlé de ce problème avec Vladimir Poutine, qui lui aurait répondu que la Russie prend ses dispositions pour satisfaire aux obligations d’un accord de 1999 conclu avec la Géorgie. «Je crois (...) que c'est un engagement important que le peuple géorgien doit entendre», a-t-il lâché.
Une déception qui pourrait ne pas être moindre au sujet du soutien dans la lutte que la Géorgie mène pour la restauration de son intégrité territoriale. Au lendemain de son indépendance, en 1991, elle perdait le contrôle de deux régions séparatistes, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Mikhaïl Saakachvili a promis de tout faire pour réintégrer ces deux provinces indépendantistes, que Tbilissi accuse d’être soutenues par le Kremlin.
M. Bush a offert son aide pour le règlement de ces épineuses questions. «Le territoire et la souveraineté de la Géorgie doivent être respectés par toutes les nations», a-t-il rappelé. Mais en précisant bien qu’il «s'agit d'un différend qui doit être résolu par le gouvernement géorgien et par les régions séparatistes. Les États-Unis ne peuvent imposer une solution.», a-t-il dit. «Ce que nous pouvons faire, déclarait-il mardi matin lors d’une conférence de presse avec son jeune homologue géorgien, c'est travailler avec les institutions internationales, les Nations unies par exemple.» Proposant, pour ce faire, de «passer un coup de téléphone ou deux».
La Révolution des roses est un «exemple»
Pas de miracle à attendre de Washington, même si le président américain a dit apprécier que son homologue géorgien «comprend, et souhaite, que ces problèmes soient réglés pacifiquement». S’agit-il d’une critique déguisée, couplée à un engagement à ne rien faire qui déstabilise un Caucase déjà bien troublé ? L’été dernier, des tensions avaient opposé Tbilissi à Tskhinvali, la «capitale» de l’Ossétie du Sud, faisant au moins 20 morts côté géorgien. Comme pour mieux s’assurer du pacifisme de Tbilissi, qui a fait une priorité de son intégration dans les structures de l’Otan et de l’Union européenne, George Bush a déclaré : «Nous encourageons votre collaboration plus étroite avec l'Otan. Les dirigeants géorgiens savent que la résolution pacifique des conflits est essentielle à leur intégration dans la communauté transatlantique.»
Et M. Bush de montrer la voie privilégiée, pour résoudre ces conflits, par son administration : «Le président [géorgien] a proposé une solution qui encourage l'autonomie et la décentralisation, mais qui rejette la division de ce grand pays. Il me semble qu'il s'agit d'une proposition très raisonnable.» «Nous nous félicitons du soutien apporté par les États-Unis à la restauration pacifique de l'intégrité territoriale de la Géorgie», répondait M. Saakashvili avant d’être plus «offensif», lors de la conférence de presse de mardi. «En dépit du succès de la révolution de la rose, il y a encore des parties de la Géorgie où nos citoyens ne peuvent jouir de la liberté. Nous devons mettre fin aux souffrances et à l'isolation des peuples d'Ossétie et d'Abkhazie.» Le président géorgien voulait semble-t-il inviter le locataire de la Maison Blanche à davantage soutenir la cause de la Géorgie en jouant la carte de la défense des opprimés…
C’est sur le chapitre de la Géorgie «phare de la liberté» en ex-URSS que le président Bush aura été le plus apprécié à Tbilissi. Il a remercié les Géorgiens pour leur soutien en Irak, où Tbilissi a plus de 800 hommes. La «Révolution des roses», a-t-il déclaré, «n'a pas inspiré seulement les Géorgiens mais d'autres dans le reste du monde ». Dans son grand discours de mardi, place de la Liberté, à Tbilissi, George Bush a dit à environ 60 000 Géorgiens, que la «Révolution des roses» était un «exemple». Une bonne raison pour encourager les réformes en cours et soutenir la Géorgie dans sa transition vers la démocratie.par Régis Genté
Article publié le 11/05/2005 Dernière mise à jour le 11/05/2005 à 11:44 TU