Afrique
Génération sida
(Photo : www.unicef.fr)
Ils sont nés sous la menace d’un virus qui s’incruste en Afrique sub-saharienne depuis vingt-cinq ans. Dans la population active en âge de procréer, les taux de prévalence du sida restent en effet figés sur une moyenne à deux chiffres, avec des conséquences socio-économiques catastrophiques. Fin 2003, environ 25 millions d’Africains étaient infectés. Chaque minute qui passe, le sida tue un enfant dans le monde. Neuf fois sur dix, il s’agit d’un enfant africain. Et lorsque toutes les quinze secondes, un jeune adulte (15-24 ans) contracte le virus, c’est encore, six fois sur dix, en Afrique sub-saharienne.
«L’Afrique sub-saharienne est dévastée», constate le Fonds des Nations unies pour les enfants (Unicef) dans un rapport très alarmiste, «Les enfants, la face cachée du sida». En 2004, selon l’Unicef, plus de 500 000 nouveaux-nés auraient été infectés par leur mère, le plus souvent pendant l’accouchement ou l’allaitement. Dans les pays industrialisés, l’immense majorité des enfants échappent à ces formes de contamination maternelle grâce à des précautions péri-natales drastiques. Un antibiotique «bon marché» (le cotrimoxazole) permet de traiter les maladies opportunistes du sida qui emportent un nourrisson sur deux. Mais il est trop cher pour les malades africains. Quant au lait maternisé en poudre, à supposer qu’il soit fourni gratuitement aux mères, il exige un accès à l’eau potable, faute de quoi le remède s’avère pire que le mal.
Des orphelins privés d’enfance et d’éducation
«Près de 25 ans après le début de cette pandémie, moins de 10% des mères et moins de 5% des enfants affectés par le sida bénéficient d'une aide», déplore le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Encore ne s’agit-il que d’une estimation globale. Car, en Afrique sub-saharienne, les traitements pédiatriques sont rarissimes. Ils coûtent quelque 1 500 dollars par an, soit environ dix fois plus que les traitements pour adultes qui bénéficient d’une formule générique, inexistante en matière de soins pédiatriques du sida. Les traitements, lorsqu’ils sont administrés, tiennent donc en général du bricolage, le soignant se débrouillant avec des médicaments pour adultes dosés en fonction du poids de l’enfant.
La pandémie prend des allures de raz-de-marée dans certaines régions africaines où le sida a décimé aussi bien les rangs de la fonction publique que les forces productives. De ce fait, «les pays les plus touchés perdent de plus en plus leur capacité à soigner ou à éduquer» les orphelins. «Ces enfants sont abandonnés à eux-mêmes en bien trop grand nombre, ils grandissent seuls, ils grandissent trop vite ou ils meurent. Bref, le sida leur vole leur enfance», s’émeut Kofi Annan. L’Unicef a d’ailleurs constaté, sans grande surprise, que la plupart des orphelins du sida abandonnent définitivement l’école lorsqu’il perde leur dernier soutien de famille, qu’il s’agisse de l’un des parents, d’un aïeul, d’une sœur aînée ou de quelque membre éloigné de la parentèle. C’est donc aussi de toute perspective d’avenir qu’ils sont dépouillés par le sida.
Avec sa campagne lancée le 25 octobre, l’Unicef se donne cinq ans pour relever, au profit des enfants, le «minuscule pourcentage des ressources consacrées à la lutte contre le sida» qui leur était alloué jusqu’à présent. Et cela, dans quatre domaines clés : la prévention de la transmission du virus de la mère à l'enfant, la fourniture de traitements pédiatriques aux moins de quinze ans, la prévention de l'infection chez les 15-24 ans, mais aussi, plus largement, la protection et la prise en charge des jeunes malades. En Afrique sub-saharienne, ces questions sont aussi affaire de développement.
Ces quatre dernières années, les pays africains les plus affectés ont vu l’espérance de vie de leur population s’effondrer, les quinquagénaires cédant la place aux trentenaires qui font désormais figures de doyens. «Dans ces pays, arriver à 18 ans c'est comme atteindre l'âge mûr», observe l’Unicef. Mais le déficit en force de travail se conjugue avec l’absence de formation d’une, voire, plusieurs générations sida. Pour sa part, l’Unicef en appelle aux donateurs car, souligne-t-il, «l'ampleur du problème est phénoménale, mais le rythme de la réponse est inadapté».
par Monique Mas
Article publié le 25/10/2005 Dernière mise à jour le 25/10/2005 à 18:00 TU