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Côte d'Ivoire

Introuvable Premier ministre de consensus

Qui sera le successeur de Seydou Diarra ? DR
Qui sera le successeur de Seydou Diarra ?
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La tension politique remonte à l’approche du 31 octobre, date butoir pour la nomination du nouveau Premier ministre demandé par le Conseil de sécurité des Nations unies dans sa résolution 1633 du 21 octobre dernier. Celle-ci entérine les décisions prises le 6 octobre par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), maintenant Laurent Gbagbo «à la tête de la Côte d’ivoire aux côtés d’un Premier ministre doté de tous les pouvoirs». Depuis, le bras de fer inter-ivoirien se cristallise sur l’étendue des pouvoirs du futur chef de gouvernement, l’opposition dite «houphouétiste» ainsi que l’ex-rébellion des Forces nouvelles (Fn) récusant le maintien du président Gbagbo jusqu’aux élections prévues d’ici le 31 octobre 2006. En même temps, l’opposition invoque une exigence d’équilibre politique pour réclamer un Premier ministre issu de ses rangs. Mardi, les Houphouétistes ont même décidé de boycotter le gouvernement de «réconciliation nationale» dès le 26 octobre, date anniversaire de la prestation de serment de Laurent Gbagbo.


Mardi, le président du directoire du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), Alphonse Djédjé Mady, a voulu manifestement précipiter le calendrier des hostilités. «A compter de demain, 26 octobre 2005, le mandat constitutionnel du président Laurent Gbagbo étant terminé, nous demandons aux ministres issus du G7 [qui regroupe l’opposition non armée et les trois formations de l’ex-rébellion] de ne plus assister à aucun Conseil des ministres… nous les enjoignons à liquider les affaires courantes jusqu'à la mise en place du prochain gouvernement», a-t-il lancé au nom du RHDP.

Le RHDP regroupe l’ancien parti unique, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), désormais placé sous la houlette du président déchu Henri Konan Bédié, le Rassemblement des républicains (RDR), de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara, l'Union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI) du défunt général-président Robert Gueï ainsi qu’un micro-parti, le Mouvement des forces de l'avenir (MFA). Tous quatre ont pour stratégie – commune, dans le cadre du G7, avec l’ex-rébellion – de faire front, face au président Gbagbo. Mais cela n’implique pas qu’ils envisagent une candidature unique à la magistrature suprême, ni même qu’ils se soient déjà accordés sur un nom à la primature.

Les Houphouétistes veulent choisir le Premier ministre

Dans l’immédiat, le rassemblement houphouétiste exige «que le Premier ministre à venir soit issu des rangs de l'opposition». Mais cela, juge-t-il utile de préciser, seulement «pour la faisabilité de tout ce qui sera dans le cadre de cette résolution» 1633. C’est dire si la décision onusienne et panafricaine continue d’indisposer l’opposition, en garantissant, pour une année supplémentaire, le fauteuil présidentiel de Laurent Gbagbo. Pour autant, le RHDP se place quand même dans la course à la primature. Il songe aussi, sans doute, à garantir ses arrières vis-à-vis de l’Onu et de l’UA qui ont menacé de sanctionner toute entrave à leur feuille de route.

Les Houphouétistes évitent toutefois de révéler le profil exact, sinon le nom, du Premier ministre répondant à leurs vœux. Dans ces conditions, leur revendication en forme de préalable n’appelle pas vraiment de consentement de la part de Laurent Gbagbo. Ce dernier n’est, lui non plus, guère explicite. Cette semaine, il indiquait qu’il ne signerait le décret de nomination d’un quelconque chef de cabinet «que si le Premier ministre qu'on me propose est pour le salut de la Côte d'Ivoire».

L’ancienne rébellion propose deux candidats

De son côté, les Forces nouvelles avancent deux noms, celui de Louis André Dakoury – un transfuge du front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo devenu numéro 2 des FN –, mais aussi celui de leur chef politique, Guillaume Soro. Ce dernier renoncerait ainsi à briguer la magistrature suprême comme l’imposent les règles du jeu onusiennes et panafricaines. A moins qu’il ne s’agisse de faire preuve d’une relative souplesse en suggérant l’idée d’un choix. En tout cas, selon leur chargé de communication, Alain Lobognon, les FN devaient se rendre mardi en délégation à Niamey «pour remettre un courrier officiel» au président en exercice de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest, Mamadou Tanja et institutionnaliser leurs «Premiers ministrables».

Vendredi dernier, Guillaume Soro avait suggéré aux instances internationales de prendre «un décret pour nommer le Premier ministre» puisque, disait-il «Gbagbo est nommé comme chef d'Etat par la communauté internationale», une «proposition unilatérale et injustifiée», selon lui. Réclamant un Premier ministre doté des pouvoirs de «tout l'exécutif», les Forces nouvelles estiment que la primature leur revient, au titre du rapport des forces. «Si l'équipe A, qui a pour capitaine Laurent Gbagbo est maintenue, il faut que l'équipe B, qui a son capitaine, soit autorisée à occuper le poste de Premier ministre», plaide Guillaume Soro.

Les tractations n’ont pas vraiment commencé

Même si le débat agite la place publique, concrètement, les tractations n’ont pas encore commencé. A défaut de Conseil des ministres, il faudra sans doute attendre la venue du président en exercice de l’Union africaine, le Nigérian Olusegun Obasanjo, et celle du médiateur sud-africain, Thabo Mbéki, qui devaient venir ensemble en Côte d’Ivoire pour une explication des textes de l’UA et une concertation générale, au plus vite, après l’adoption de la résolution 1633. Dans l’immédiat, le président Obasanjo est retenu par le deuil de son épouse, décédée en Espagne le week-end dernier.

L’horloge tourne et comme le souligne, par exemple, le quotidien ivoirien Le Réveil, désigner un Premier ministre à temps, c’est-à-dire en quelques jours, «paraît relever de la magie, quand on connaît la profondeur de la crise de confiance qui sépare les acteurs de la crise ivoirienne». Pour leur part, les FN affirment qu’elles «ne reconnaîtront plus Gbagbo ni comme président ni comme chef de l'Etat de Côte d'Ivoire» à partir du 31 octobre prochain et qu’elles le «traiteront comme un putschiste s'il se maintient au pouvoir par quelque artifice que ce soit», c’est-à-dire, en l’occurrence, en vertu des décisions de l’Onu et de l’UA. De son côté, le porte-parole des jeunes du Rassemblement des Houphouétistes se déclare décidé à «faire partir Laurent Gbagbo par la rue parce qu'il est arrivé au pouvoir par la rue». Son alter ego des Jeunes patriotes (partisans de Laurent Gbagbo) lance au contraire des invitations pour un bal, au soir du 30 octobre, avec pour mot d’ordre: «Non! Non! il n'y aura pas l'apocalypse».

En attendant, et ce n’est pas complètement indifférent à la question, le président Gbagbo a annoncé, le 25 octobre, qu’il retirait sa plainte contre Ibrahim Coulibaly, le chef de l’autre faction des Forces nouvelles, concurrente de celle qui reconnaît Guillaume Soro. L’ex-sergent «IB» est en effet l’objet d’une instruction judiciaire à Paris pour son implication dans la tentative de coup d’Etat de septembre 2002. Laurent Gbagbo s’était porté partie civile en août 2003. Il a donc décidé de faire preuve de mansuétude, pour «favoriser l'apaisement et la réconciliation au sein de la Nation ivoirienne». Les Abidjanais n’en sont pas moins conviés, le 29 octobre, à des manœuvres des Forces de défense et de sécurité ivoiriennes (FDS) sur les ponts qui franchissent la lagune Ebrié. A chacun sa partition et, pour sa part, l’organisation des droits de l’Homme, Amnesty International, voit, en «Côte d'Ivoire, un avenir lourd de menaces». Son rapport rappelle que, si un accord politique n’est pas «trouvé au plus vite», il est à craindre que «les tensions actuelles ne débouchent sur une reprise des hostilités». Reste à espérer qu’effectivement, le pire n’est jamais sûr.


par Monique  Mas

Article publié le 26/10/2005 Dernière mise à jour le 26/10/2005 à 20:07 TU