Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Libye

Une chanteuse au secours des infirmières bulgares

Le président bulgare rencontre, le 28 mai 2005,  les enfants contaminés.Photo : AFP
Le président bulgare rencontre, le 28 mai 2005, les enfants contaminés.
Photo : AFP
Alors que la Haute cour libyenne examine mardi prochain le recours déposé par les prisonnières, la Bulgarie indique qu’elle ne versera pas de dédommagements financiers pour obtenir la libération de ses ressortissantes. Dans le même temps, la chanteuse Sylvie Vartan, elle-même d’origine bulgare, lance un appel en faveur des condamnées à mort.

Sylvie Vartan ne renie pas ses origines bulgares, bien au contraire. La chanteuse française, qui continue une carrière entamée il y a plus de quarante ans dans le show business, vient de mettre sa notoriété au service d’une cause, celle des cinq infirmières emprisonnées en Libye depuis plus de six ans.

Ces infirmières ont été jugées en 2004 et condamnées à mort. Elles sont accusées d’avoir inoculé le sida à 426 enfants soignés dans un hôpital de Benghazi, au nord de la Libye. Un médecin palestinien partage leur sort. Tous étaient venus chercher du travail dans ce pays.

Sylvie Vartan lance un appel «à la mobilisation internationale». «Tous ceux qui, comme nous, avons la chance de pouvoir bénéficier d’un système de justice civilisé, devons faire entendre nos voix, et crier haut et fort notre indignation et notre dégoût. Notre silence nous rendrait complices», lance la chanteuse qui souhaite toucher tout à la fois son public, le peuple bulgare et les autorités libyennes. L’exhortation de Sylvie Vartan se double d’une pétition que toute personne, sensible à cette cause, peut signer sur Internet.

Cet appel en faveur de ces condamnés à mort pour des raisons inédites intervient quelques jours avant l’examen, par la justice libyenne, d’un recours déposé par les condamnés à mort. Mardi, la Haute cour va se prononcer. Elle peut, soit confirmer les peines de mort prononcées le 6 mai 2004, soit renvoyer le procès à plus tard pour un nouveau réexamen des faits.

Un réexamen imminent

«Les condamnés vont être exécutés pour avoir avoué sous la torture», affirme Sylvie Vartan. La femme publique se politise. Et la chanteuse joue sur le registre des racines et de la mémoire en déclarant que cette affaire «est la plus humiliante et la plus tragique des offenses que le peuple bulgare ait eues à subir depuis l’heure noire des exactions et des purges staliniennes».

Les infirmières bulgares et le médecin palestinien ont fait appel de leur condamnation à la peine de mort en s’appuyant sur l’expertise de personnalités, connues dans le monde médical en général et dans l’univers du sida en particulier. Il s’agit notamment du Français Luc Montagnier, l’un des co-découvreurs du virus du sida.

Comme d’autres spécialistes reconnus de cette maladie, le professeur Montagnier est venu à Tripoli expliquer à la justice libyenne pourquoi plus de cinquante enfants sont morts du sida dans cet hôpital de Benghazi. Les mauvaises conditions d’hygiène de l’établissement, et notamment la réutilisation de seringues jetables, dont il est impossible de stériliser l’aiguille, sont la cause de cette épidémie provoquée par des produits sanguins contaminés à l’hôpital.

Avant «l’appel au peuple» de Sylvie Vartan, l’Union européenne et les Etats-Unis ont déjà demandé, à plusieurs reprises, la libération des six condamnés à mort. Chaque fois, les hommes politiques ont pris l’engagement d’aider le secteur médical libyen à venir à bout de cette épidémie. En octobre dernier, le président Bush avait déclaré que les infirmières bulgares devaient être «non seulement graciées, mais libérées». Du côté du Conseil de l’Europe, on estimait tout récemment «qu’il n’existe aucune preuve de leur culpabilité et qu’elles sont les boucs émissaires d’un système de santé délabré».

A l’approche de la nouvelle échéance judiciaire en Libye qui pourrait bien décider du sort des 6 condamnés, le ministre bulgare des Affaires étrangères a indiqué que son pays se refusait à payer des compensations financières pour obtenir la libération de ses cinq ressortissantes. Pour Ivaïlo Kalfine, «ce n’est pas acceptable pour nous. On paie si on est coupable et ce n’est pas le cas pour les infirmières». Les Libyens avaient proposé cette solution en invoquant le droit islamique.

Le ministre bulgare a par ailleurs indiqué qu’une organisation non gouvernementale bulgare a acheté du matériel médical pour soigner les enfants libyens malades du sida. Ces équipements s’intègrent dans un plan d’action plus vaste, financé par l’Union européenne à hauteur d’un million d’euros, pour prendre des mesures sanitaires en Libye afin de limiter le développement de la maladie.

Pas de marchandage

Ivaïlo Kalfine a par ailleurs démenti des informations parues dans la presse britannique parlant d’un deal entre les autorités bulgares et libyennes. Les infirmières pourraient être échangées contre un officier libyen, condamné au Royaume-Uni pour sa participation à l’attentat de Lockerbie, en 1988, contre un avion de la Pan Am. L’attentat avait fait 270 morts. «Je ne veux pas voir les infirmières utilisées dans ce contexte», a déclaré le chef de la diplomatie bulgare. Il faut cependant rappeler que, pour faire son retour dans la communauté internationale, le colonel Kadhafi a versé de l’argent aux familles des victimes de l’attentat de Lockerbie.

Alors que la justice libyenne va une nouvelle fois se pencher sur le sort des accusés, Saïf al Islam, l’un des fils du président Kadhafi, vient de faire des déclarations apaisantes. Ces femmes sont-elles coupables ?, lui a demandé une agence de presse. «Personnellement, je ne le pense pas. Mais nous sommes ici confrontés à un drame», a-t-il indiqué.

A Sofia, aucune personnalité politique n’a réagi aux propos du fils du président libyen dont on dit qu’il pourrait lui succéder à la tête du pays. L’influence politique de Saïf al Islam est reconnue dans son pays, notamment à travers l’organisation humanitaire qu’il préside. En voyage à Berlin pour une conférence sur la sécurité, Saïf al Islam a déclaré que Tripoli ne serait pas hostile à une intervention américaine pour aider au règlement de la question. «Le plus important est de trouver d’urgence une solution pour les familles des victimes», les enfants contaminés par le VIH. Avant ces déclarations, la Libye avait démenti la rumeur concernant une possible libération des six prisonniers. C’est en tout cas de Los Angeles, où elle vit, que la chanteuse franco-bulgare, Sylvie Vartan, a lancé son appel en faveur des infirmières emprisonnées en Libye.


par Colette  Thomas

Article publié le 11/11/2005 Dernière mise à jour le 11/11/2005 à 16:08 TU

Audio

Sylvie Vartan

Chanteuse

«Le monde entier doit se lever contre cette injustice. On est coupable si on reste silencieux.»

Articles