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Environnement

L’Amour en danger

Harbin est pour le moment la ville la plus exposée à la pollution au benzène.(Photo : AFP)
Harbin est pour le moment la ville la plus exposée à la pollution au benzène.
(Photo : AFP)
Une pollution majeure au benzène a pollué le fleuve Songhua, en Chine du nord. La nappe chimique se déplace maintenant en direction du fleuve Amour, frontière entre la Chine et la Russie. Pour le moment, les habitants d’Harbin sont les plus menacés par les effets de cette pollution provoquée par un accident dans une installation pétrochimique.

Les autorités chinoises ont mis du temps avant de parler de l’ampleur de cet accident dans une usine pétrochimique, accident qui a causé la mort de cinq personnes au moment de l’explosion. C’était le 13 novembre, il y a donc près de deux semaines. Depuis, les produits chimiques qui se sont échappés de l’installation se sont répandus dans l’environnement, polluant les cours d’eau.

Au début de cette semaine, dans les médias chinois publiant en ligne des informations en français et en anglais, on parlait seulement de la distribution d’eau en bouteille pour les habitants d’Harbin. Les circonstances de l’accident et les risques pour la santé humaine des produits libérés dans l’atmosphère n’étaient pas évoqués. On ne sait d’ailleurs toujours pas ce qui s’est passé et où se trouve exactement cette usine.

Près de deux semaines après l’explosion, l’accident n’est plus dissimulable. Une nappe de produits chimiques, véhiculée par le fleuve Songhua, qui traverse Harbin, se déplace avec le courant en direction du nord, vers le fleuve Amour, dans lequel le Songhua se jette. Du benzène coule inexorablement vers l’Amour. Ce grand fleuve de l’Extrême-Orient, sert, sur une bonne partie de son cours, de frontière avec la Russie.

Une affaire d’Etat

Impossible donc pour les autorités chinoises de taire cette pollution qui pourrait bien atteindre le territoire russe. Un responsable chinois de l’administration de l’environnement, cité par Chine nouvelle, a cependant minimisé les effets de ces produits chimiques dans l’eau, en expliquant que les affluents du Songhua allaient absorber une partie de la pollution chimique. Quand les eaux polluées du Songhua arriveront dans le fleuve Amour, la pollution aura été diluée dans une plus grande quantité d’eau.

Le vice-ministre de l’Environnement Zhang Lijun, cité par Chine nouvelle, a, pour sa part, annoncé la mise en place d’une ligne téléphonique dédiée spécialement au règlement de cette crise. «La partie chinoise attache une grande importance aux nuisances et à l’impact que pourrait avoir cette pollution chez notre voisin russe», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Liu Jianchao, au cours d’une conférence de presse.

L’agence russe de protection de l’environnement a indiqué que les polluants chimiques venant de Chine allaient certainement dès ce week-end affecter l’alimentation en eau potable de Khabarovsk, la grande ville de l’Extrême-Orient russe située à la frontière de la Chine. L’état d’urgence sera mis en œuvre dès vendredi dans cette ville.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des excuses inédites

Fait inhabituel en Chine, le vice-gouverneur de la province du Jilin, Jiao Zhengzhong, a présenté ses excuses aux habitants d’Harbin. «Nous sommes profondément, profondément désolés», a-t-il déclaré également à l’intention du gouverneur de la province voisine du Heilongjiang où l’eau empoisonnée vient d’arriver.

Harbin est donc confrontée à une pollution de son eau potable depuis une dizaine de jours. «Nous avons stocké de l’eau pour 15 jours», raconte un habitant de la ville. «Nous ne savons pas ce qui se passe. Ils étaient au courant de la pollution depuis dix jours mais ils n’ont rien dit, donc qui sait ce qu’ils nous cachent d’autre ?», témoigne un autre habitant.

«L’eau polluée est entrée dans la ville, elle est déjà dans les stations de pompage», a prévenu un responsable de la société d’alimentation en eau potable de la ville. Mardi, les autorités locales avaient décidé de couper l’eau, ce qui a poussé les habitants d’Harbin à augmenter leurs provisions d’eau minérale. Ces derniers jours, les habitants ont également quitté la ville en masse. Les départs en train, afin d’échapper à une pollution méconnue, ont été plus nombreux que lors des départs au moment des vacances.

Pour ceux qui sont restés, le gouvernement promet un retour à la normale dès le week-end prochain, une fois que le fleuve aura entraîné la nappe polluée au-delà de la ville. La nappe a déjà parcouru quatre cents kilomètres vers le nord. Les fabricants de bière d’Harbin ont été mis à contribution pour fournir de l’eau saine aux habitants par le biais de leurs propres forages d’eau. Ces puits ne sont pas connectés avec le fleuve Songhua qui fournit la ville en eau.    

Un produit cancérigène

L’explosion dans le complexe pétrochimique a libéré une grande quantité de benzène. Il s’agit d’un produit chimique liquide, sans couleur, et très inflammable. Il existe une grande variété de benzènes selon leurs différentes utilisations dans l’industrie. Les benzènes sont notamment présents dans la fabrication de plastiques ou de caoutchouc synthétique. Autre usage important du benzène, c’est un dissolvant. En raison de sa toxicité pour l’homme, il est, chaque fois que possible, remplacé par un autre solvant.

Le principal risque du benzène pour la santé humaine, c’est l’apparition de leucémies, pour des personnes exposées trop longtemps à cette substance et qui la respirent. Le benzène provoque également des irritations de la peau. Les spécialistes parlent également de danger pour les organismes aquatiques. Pour se débarrasser de cette pollution, il faut éviter de la faire transiter dans des tuyaux de distribution d’eau. La solution difficile à mettre rapidement en œuvre à l’échelle d’Harbin et de plusieurs fleuves, serait de filtrer l’eau avec du charbon actif qui retient les polluants. Quant au danger de formation de vapeurs explosives au-dessus de la surface de l’eau, le risque est certainement minime dans cette région. La Mandchourie comme le fleuve Amour sont déjà entrés dans l’hiver avec des températures constamment en-dessous de zéro.


par Colette  Thomas

Article publié le 24/11/2005 Dernière mise à jour le 24/11/2005 à 15:14 TU

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Alain Renon

Journaliste à RFI

«Pour l'instant, ce qui prime en Chine c'est le taux de croissance. Peu importe les désastres environnementaux.»

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