Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Irak

Quand Washington parle de retirer ses troupes

Plusieurs responsables américains de haut rang sont montés au créneau pour défendre l'idée d'un retrait partiel des troupes américaines en Irak.(Photo : AFP)
Plusieurs responsables américains de haut rang sont montés au créneau pour défendre l'idée d'un retrait partiel des troupes américaines en Irak.
(Photo : AFP)
Eventualité inenvisageable il y a encore peu, le retrait partiel des troupes américaines d’Irak semble désormais à l’ordre du jour. Plusieurs hautes personnalités de l’administration Bush ont en effet ouvertement évoqué ces derniers jours une réduction du nombre de soldats déployés essentiellement dans le centre et le nord du pays. Les critiques de plus en plus virulentes sur la gestion désastreuse de l’après-guerre en Irak ne sont sans doute pas étrangères à cet infléchissement de la position jusque-là défendue par Washington. Sans compter que les Irakiens eux-même réclament désormais un calendrier de retrait des forces étrangères.

La Maison Blanche n’a visiblement pas peur des paradoxes. Alors que la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader en Irak –près de 200 personnes sont mortes depuis le début de la semaine dans différentes attaques menées par la guérilla–, l’administration américaine parle de réduire ses forces sur le terrain. Le sujet était pourtant tabou il y a encore à peine quelques jours. Le président Georges Bush, en tournée la semaine dernière en Asie, avait en effet lui-même affirmé que fixer une date de départ des troupes américaines «serait la garantie d’une catastrophe» dans la mesure où cela constituerait un signal de faiblesse aux insurgés qui cherchent à prendre le contrôle de l’Irak. Mais il faut croire que les choses ont changé depuis. Plusieurs responsables américains de haut rang sont en effet monté ces derniers jours au créneau pour défendre l’idée d’un retrait, certes sous certaines conditions, des troupes américaines d’Irak.

Le premier à évoquer cette éventualité a été l’ambassadeur des Etats-unis à Bagdad. Dans un entretien diffusé lundi par la chaîne de télévision CNN, Zalmay Khalilzad a d’abord, il est vrai, réaffirmé que l’armée américaine ne quitterait l’Irak que quand les forces irakiennes seront capables d’y assurer la sécurité. Mais il a aussi précisé : «Je pense qu’il sera possible de commencer à réduire nos forces, à entamer le retrait d’une partie d’entre elles l’an prochain». Le lendemain, la secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, affirmait de son côté que les conditions pour une réduction du nombre de soldats américains déployés en Irak pourraient être réunies «très prochainement». «Le président Bush a dit que dès que les forces irakiennes seraient prêtes, nous envisagerons une réduction de nos forces. Je pense que le moment va arriver très prochainement où les Irakiens seront de plus en en plus à même de prendre en charge la sécurité de leur propre avenir», a-t-elle déclaré dans une interview à la chaîne de télévision Fox News. Le chef de la diplomatie américaine a, elle aussi, mis certaines conditions à ce départ, affirmant notamment que les forces de sécurité irakiennes devaient prouver d’abord qu’elles étaient capables de «tenir le pays».

Pressions à un an des «mid-term»

Mais toujours est-il que, en moins de quarante-huit heures, ce qui semblait jusqu’alors inenvisageable a commencé à s’imposer comme de plus en plus probable. Et cela d’autant plus que le Pentagone a officiellement avancé mercredi ses premières estimations pour un retrait des troupes américaines. Un porte-parole du département de la Défense, Bryan Whitman, a ainsi expliqué que Washington avait l’intention, après les élections générales du 15 décembre en Irak, de ramener à 138 000 hommes les effectifs qui avaient été portés au niveau sans précédent de 161 000 soldats avant le référendum du 15 octobre. Ce nombre avait été réduit de plusieurs milliers –quelque 155 000 militaires américains seraient actuellement basés en Irak– mais devrait encore augmenter en prévision du scrutin de décembre. Citant une source du Pentagone, le Washington Post a de son côté estimé que d’ici la fin de l’année prochaine, les Etats-Unis n’auraient plus que 100 000 hommes déployés en Irak. Le quotidien précise même que le département de la Défense étudie actuellement un plan prévoyant le retrait dès début 2006 de trois brigades d’environ 3 000 soldats chacune, dont une serait basée au Koweït voisin, prête à intervenir en cas de nécessité.

Ce changement d’attitude de la Maison Blanche, qui jusqu’à présent rejetait toute idée d’un retrait d’Irak, est largement dû aux critiques de plus en plus nombreuses de sa gestion désastreuse de l’après-guerre. La popularité du président Bush est en effet au plus bas et plus de deux tiers des Américains souhaitent un retour des boys dès l’année prochaine. La perspective des élections de mi-mandat, qui doivent dans moins d’un an renouveler la totalité de la Chambre des représentants et une partie du Sénat, n’est pas non plus étrangère à cet infléchissement de la position américaine. La pression, sur l’administration Bush, du clan républicain, qui entend continuer à dominer la vie politique, est de plus en plus visible. Le Sénat, dans un vote certes consensuel, a d’ailleurs plus ou moins exigé la semaine dernière de la Maison Blanche qu’elle fixe des étapes claires pour un retrait d’Irak.

Last but not least, l’administration Bush doit également prendre en considération la situation politique en Irak. A l’issue de la rencontre du Caire, qui a réuni en début de semaine les représentants des différentes communautés irakiennes, il a en effet été formellement décidé de demander un calendrier de retrait des forces étrangères du pays. Et si aucune date n’a été fixée, la question devrait monopoliser les débats de la conférence de réconciliation nationale qui doit avoir lieu au plus tard début mars. La Maison Blanche pouvait difficilement, dans ce contexte, continuer à rejeter toute idée de retrait.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 25/11/2005 Dernière mise à jour le 25/11/2005 à 18:33 TU

Audio

Barah Mikhail

Chercheur à l'Iris, l'institut des relations internationales et stratégiques

«L'administration Bush est obligée de faire des gestes vis-à-vis du Sénat et de l'opinion publique.»

Articles