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Tchétchénie

Législatives : la normalisation selon Moscou

A Grozny, le 24 novembre 2005.Photo : AFP
A Grozny, le 24 novembre 2005.
Photo : AFP
Près de 600 000 électeurs tchétchènes, dont quelque 34 000 sont des soldats ou des officiers des forces fédérales russes basées dans la petite république du Caucase, désignent ce dimanche leurs représentants au Parlement local. Ce scrutin, qualifié de parodie par les organisations de défense des droits de l’Homme, se déroule sous très haute surveillance, les autorités redoutant une attaque des rebelles indépendantistes.

Les élections législatives tchétchènes, les premières organisées depuis huit ans dans la petite république, vont permettre la désignation d’un Parlement bicaméral composé d’une Assemblée du peuple (40 députés) et d’un Conseil de la République (18 représentants). Quelque 350 candidats, parmi lesquels cinq officiers russes et de nombreux fonctionnaires de l’administration pro-Kremlin, se disputent les 58 sièges à pourvoir. Ce scrutin, qui se déroule sous très haute surveillance policière, a revêtu les apparences de la normalité avec sept partis politiques représentés et même la candidature d’anciens rebelles qui ont profité d’une amnistie de dernière minute pour se présenter. Ainsi les grandes affiches électorales du parti pro-Kremlin Russie unie, qui ont envahi les rues de la capitale Grozni, côtoient celles du Parti communiste ou encore celles du SPS, la formation de l’opposition libérale.

Mais cette impression de multipartisme est «factice», dénoncent les organisations non gouvernementales qui s’inquiètent du pouvoir croissant de certains hommes forts locaux auxquels Moscou, impatient de réduire sa présence militaire en Tchétchénie, sous-traite de plus en plus ces opérations de sécurité. C’est le cas notamment de Ramzan Kadirov, le fils de l’ancien président assassiné le 9 mai 2004 dans l’attentat sanglant qui a en partie détruit le stade de Grozni. Nommé vice-Premier ministre du gouvernement local, il a à sa solde des milliers de miliciens accusés par les défenseurs des droits de l’Homme de semer la terreur au sein de la population en multipliant les enlèvements et les meurtres. Ramzan Kadirov, qui a fait allégeance à Vladimir Poutine, détient de facto le pouvoir en Tchétchénie. Les élections de dimanche ne devraient que renforcer la mainmise de son clan sur la petite république.

La normalisation forcée de Vladimir Poutine

Ces législatives, pour lesquelles l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a très diplomatiquement refusé pour «des raisons de sécurité» d’envoyer des observateurs , s’inscrivent dans le cadre de la «normalisation» à marche forcée voulue par le Kremlin. Elles sont dans la droite ligne du référendum organisé en mars 2003 qui a approuvé une nouvelle Constitution, scellant l’attachement de la Tchétchénie à la Russie et ouvrant la voie à des élections présidentielle et parlementaire. Un premier scrutin avait ainsi permis en octobre de la même année la désignation à la tête de la petite république de l’ancien indépendantiste Ahmed Kadirov, devenu l’un des plus fervents soutiens de Vladimir Poutine. Cette élection avait dû être réorganisée après la mort dans l’attentat du stade de Grozni de ce président pro-russe.  

Ces élections législatives ne sont donc que la dernière étape dans la reconstitution des différentes strates du pouvoir en Tchétchénie mise au point par Vladimir Poutine. Le nouveau Parlement devrait d’ailleurs rapidement ratifier un traité délimitant les pouvoirs des uns et des autres voulus par le Kremlin. Le président russe, qui avait renvoyé en 1999 l’armée en Tchétchénie alors qu’il était encore Premier ministre plongeant la petite république dans un deuxième conflit meurtrier –quelque 160 000 personnes auraient perdu la vie en onze ans de guerre–, a défendu un processus politique «transparent et civilisé». Les élections de dimanche, a déclaré Vladimir Poutine, vont permettre de «résoudre les questions difficiles de manière transparente et civilisée, et non pas par la force»,.

Ce tableau idyllique décrit par le chef du Kremlin est vigoureusement contesté aussi bien par les rebelles indépendantistes que par les organisations non gouvernementales. «Ces élections n’ont rien à voir avec un véritable processus politique. Leur seule conséquence est de repousser le jour où émergera une véritable solution politique et de conduire à une extension du théâtre des opérations», a ainsi prévenu Akhmed Zakaïev, représentant des rebelles à l'étranger. «La responsabilité de ces conséquences incombe au gouvernement russe», a-t-il ajouté. Les organisations de défense des droits de l'homme ont elles aussi jugé impossible d'organiser un scrutin équitable dans les conditions de violence qui caractérisent le quotidien des Tchétchènes et ce malgré une campagne électorale relativement calme. «Il n'y a pas eu non plus de coups tordus lors des élections soviétiques de 1937 (sous Joseph Staline). Ce n'était pas nécessaire parce que les gens étaient déjà suffisamment effrayés», a rappelé Alexandre Tcherkassov, de l'organisation de défense des droits de l'Homme Memorial.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 27/11/2005 Dernière mise à jour le 27/11/2005 à 13:31 TU