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Le CRAN des Noirs de France

Le 26 novembre 2005 à Paris dans une salle de l'Assemblée nationale, lors de la création de la Fédération des associations noires de France.Photo : AFP
Le 26 novembre 2005 à Paris dans une salle de l'Assemblée nationale, lors de la création de la Fédération des associations noires de France.
Photo : AFP
Une soixantaine d’organisations ont lancé samedi, à l’Assemblée nationale, un Conseil représentatif des associations noires (CRAN) dont la mission sera notamment de dresser un bilan des discriminations «ethno-raciales» en France et de «rétablir une véritable égalité» entre les différentes communautés. Les promoteurs de cette initiative, qui intervient alors que de violentes émeutes ont récemment embrasé les banlieues pauvres où vivent en majorité des Français originaires du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, ambitionnent de devenir à terme «des interlocuteurs institutionnels» pour la cause noire.

Le choix d’une salle de l’Assemblée nationale pour porter sur les fonts baptismaux le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) n’est certainement pas anodin. Aucun autre lieu ne pouvait en effet mieux illustrer la démarche républicaine qui anime les promoteurs de cette nouvelle fédération qui regroupe pas moins d’une soixantaine d’organisations noires. «Nous voulons être un groupe de pression au sens classique, effectuer un travail républicain», affirme Louis-Georges Tin, président de l’association An Nou Allé, «Allons-y» en créole. Cet universitaire de 31 ans explique au journal Libération que la décision de créer ce mouvement est née d’un constat très simple : «Avec plus de cinq millions de personnes, les Noirs représentent le plus grand groupe social en France à ne pas être fédéré». En compagnie de Patrick Lozes, qui préside le Cercle d’action pour la promotion de la diversité en France (Capdiv), Louis-Georges Tin veut s’attaquer à ce «véritable préjugé collectif national» que sont toutes les discriminations qui frappent les Noirs de France.  

S’il se veut politique, le CRAN refuse d’être catalogué à droite ou à gauche de l’échiquier. Le Conseil sera «aux couleurs de la France», affirme Patrick Lozes qui est également membre du parti libéral UDF. «On dit que les Noirs sont en retrait de la vie politique, c’est faux. Les associations nombreuses font un grand travail républicain. On veut être Noir et Français sans raser les murs», ajoute celui qui vient d’être désigné premier président du CRAN. Alors que les récentes émeutes dans les banlieues pauvres ont relancé le débat sur les discriminations et le modèle français d'intégration des populations d'origine immigrée, le Conseil veut devenir un «trait d’union» entre des populations désespérées et «des autorités négligentes». «Avant que les banlieues ne brûlent encore, il faut un bilan des discriminations ethno-raciales», a lancé samedi Patrick Lozes en annonçant pour le printemps prochain un «congrès» sur le sujet.

«Egalité et justice sociale»

Le CRAN s’est fixé pour mission d’interpeller les pouvoirs publics, les partis politiques, les syndicats et aussi toute la population pour que les quelque cinq millions de Noirs qui vivent en France n'aient plus le sentiment de subir une discrimination à tous les niveaux de la vie économique et sociale. Chômage, problèmes de logement, manque de reconnaissance et de respect, la liste est longue. «Personne ne doit échapper à cet examen de conscience collectif sur la manière dont notre société discrimine», insiste Patrick Lozes. Dans un entretien au journal Le Monde, ce militant de la première heure explique qu’«on ne peut pas non plus réduire le problème des Noirs à une question socio-économique et nier sa dimension raciale».

 Aux accusations de communautarisme, les promoteurs du CRAN répondent que leur démarche est avant tout républicaine. «La rhétorique anti-communautariste, même si elle tenue par des gens sympathiques, est dangereuse car elle ne peut que nous empêcher d'agir», affirme ainsi Louis-Georges Tin. Et d’insister : «nous devons passer outre ce discours car ce que nous demandons c'est l'égalité et la justice sociale». Pour défendre cette cause, de nombreux anonymes se sont retrouvés samedi à l’Assemblée nationale. Parmi eux quelques personnalités comme l'ancien footballeur Basile Boli, le chanteur Manu Dibango, l’ancien porte-parole des Verts Stéphane Pocrain sans oublier le soutien de la députée de Guyane Christiane Taubira, artisane de la loi de 2001 qui qualifie la traite des Noirs de crime contre l’humanité. Tous ont salué dans le CRAN un moment de solidarité. Le mot de la fin revient à Stéphane Pocrain qui sous les applaudissements a déclaré samedi : «nous sommes du côté de l'universel, et l'universel, peut aussi avoir des seins ou/et des cheveux crépus!»


par Mounia  Daoudi

Article publié le 27/11/2005 Dernière mise à jour le 27/11/2005 à 17:58 TU