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Côte d'Ivoire

Les chantiers de Charles Konan Banny

Charles Konan Banny a la rude tâche de mener la Côte d'Ivoire à l'élection présidentielle prévue en octobre 2006.(Photo: AFP)
Charles Konan Banny a la rude tâche de mener la Côte d'Ivoire à l'élection présidentielle prévue en octobre 2006.
(Photo: AFP)
Les médiateurs africains de la crise ivoirienne ont profité du sommet France–Afrique de Bamako pour décider, en étroite collaboration avec la diplomatie française, de la personnalité à poigne qui devra conduire la Côte d’Ivoire sur la voie de la paix et de l’élection d’un président de la République. La tâche de Charles Konan Banny est délicate.

Cette fois, la délégation de l’Union africaine conduite par le président Olusegoun Obasanjo, du Nigeria, n’est pas allée à Abidjan avec une liste de noms de personnalités susceptibles de diriger un gouvernement de transition. Non. Olusegoun Obasanjo, Thabo Mbeki et Mamadou Tandja (qui n’a pas fait le déplacement), n’ont pas vraiment laissé le choix au président Laurent Gbagbo. Charles Konan Banny, gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dont le mandat arrivait à expiration en décembre 2005, est apparu comme le candidat idéal. Une certaine unanimité a été faite autour de son nom sauf, dit-on, de la part Front populaire ivoirien (FPI) parti au pouvoir qui n’a fait aucun commentaire à sa désignation. Ce choix n’aurait rencontré aucune réticence de la part du président Laurent Gbagbo qui se projète déjà dans l’avenir et qui voyait en ce technocrate un éventuel futur adversaire sérieux à la présidentielle de 2006. En effet, «le Premier ministre ne sera pas éligible pour les élections de 2006», précise l’article 3 du communiqué des chefs d’Etat médiateurs. C’est à cette seule condition que le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié aurait aussi accepté cette nomination. 

La mission du nouveau Premier ministre Charles Konan Banny est très précise. Il doit diriger un gouvernement de transition dont la mission principale est de conduire la Côte d’Ivoire à l’élection présidentielle théoriquement fixée en octobre 2006. Charles Konan Banny pourra-t-il réussir là où Seydou Diarra, l’ancien Premier ministre a échoué ?  Ce dernier n’avait pas su trouver sa voie entre les prérogatives d’un chef d’Etat qui ne lâche aucune parcelle de son pouvoir et l’exercice de son autorité de chef de gouvernement de transition. Il tenait sa légitimité de l’accord de Marcoussis (janvier 2003) signé par tous les acteurs de la vie politique ivoirienne, mais le chef de l’Etat lui opposait sa légitimité à lui, celle issue des urnes. Les différents blocages au sein de l’appareil de l’Etat ont maintenu le pays divisé en deux, sans aucune avancée politique sensible.

Onze mois pour réussir

C’est ainsi qu’à la fin du mandat présidentiel en octobre 2005, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1633 qui maintient le président de la République pour une période d’un an flanqué d’un Premier ministre aux pouvoirs élargis. Les principes établis dans l’accord de Marcoussis sont repris, comme le précise l’article 8 de la résolution 1633 qui souligne que le Premier ministre doit disposer de tous pouvoirs nécessaires pour «garantir la sécurité et le redéploiement de l’administration et de ses services publics sur l’ensemble du territoire ivoirien, de conduire le programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration et les opérations de désarmement et de démantèlement des milices et d’assurer l’équité de l’opération d’identification et d’inscription des électeurs». Ces tâches figuraient déjà dans les missions assignées à son prédécesseur. Elles sont reprises aujourd’hui sous la bannière du Conseil de sécurité de l’ONU, mais déjà le camp présidentiel agite la constitution qui n’est pas suspendue et qui affecte au président de la République un rôle bien précis. Hier, Laurent Gbagbo avait joué la carte de la légitimité issue des urnes pour contrer Seydou Diarra ; aujourd’hui brandira-t-il la constitution pour donner des limites «aux pouvoirs élargis du Premier ministre ?».

La mission principale de Charles Konan Banny est purement politique. Or ce n’est pas sur ce champ que l’économiste formé dans une grande école française a fait ses preuves. Mais son sens pratique aiguisé pour trouver des solutions adaptées aux problèmes complexes que pose la gestion des politiques économiques des institutions bancaires ouset-africaines et sa forte personnalité sont peut-être indiqués pour démêler les fils de la discorde en Côte d’Ivoire. Il sera moins difficile pour lui de nommer son gouvernement, puisque selon un dosage bien connu maintenant, toutes les couleurs politiques du pays doivent y figurer. Le vrai problème demeure la scission du pays et l’affirmation de l’autorité de l’Etat dans une région où les rebelles se sont arrogés des droits et gardent le pouvoir par le seul fait des armes. La nouvelle mouture du programme «désarmement, démobilisation et réintégration» constituera l’acte politique majeur que le nouveau Premier ministre posera. Il a maintenant moins d’un an pour réussir là où son prédécesseur n’a pu rien faire en de deux années de gouvernement.

par Didier  Samson

Article publié le 05/12/2005 Dernière mise à jour le 05/12/2005 à 18:37 TU