Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Balkans

Le général croate Gotovina arrêté en Espagne

Photo prise par la police espagnole le 8 décembre 2005. L’arrestation du général croate Ante Gotovina dans un hôtel des îles Canaries résulte probablement d’une coopération entre la police espagnole et les services secrets croates.(Photo : AFP)
Photo prise par la police espagnole le 8 décembre 2005. L’arrestation du général croate Ante Gotovina dans un hôtel des îles Canaries résulte probablement d’une coopération entre la police espagnole et les services secrets croates.
(Photo : AFP)
C’est dans un hôtel proche de Tenerife, dans l’archipel espagnol des Canaries, que la longue cavale d’Ante Gotovina a pris fin. Accusé par le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis contre des civils serbes lors de la reconquête de la Krajina croate, durant l’été 1995, Ante Gotovina possédait aussi un passeport français.

De notre correspondant dans les Balkans

Carla del Ponte, la Procureure générale du TPI a confirmé jeudi l’arrestation du fugitif, alors qu’elle se trouvait en visite officielle à Belgrade. Après la «bonne nouvelle» que représente cette arrestation, le TPI va sûrement renforcer ses pressions sur Belgrade pour obtenir l’arrestation des deux fugitifs serbes Ratko Mladic et Radovan Karadzic. Carla Del Ponte doit présenter le 15 décembre prochain un rapport au Conseil de sécurité sur la coopération de Belgrade avec le TPI.

L’arrestation d’Ante Gotovina résulte probablement d’une coopération entre la police espagnole et les services secrets croates qui ont fourni des informations permettant de localiser le fugitif. Avec cette arrestation, Zagreb peut en tout cas estimer avoir rempli toutes ses obligations envers la justice internationale.

La longue fuite d’Ante Gotovina mettait en effet les autorités croates dans une position de plus en plus embarrassante. Alors que la Croatie aspire à une rapide intégration européenne, sa candidature a longtemps été bloquée par le dossier Gotovina. Le TPI accusait le gouvernement de Zagreb de ne pas mettre en œuvre tous les moyens possibles pour provoquer l’arrestation du fugitif, qui jouit toujours du soutien de l’extrême droite nationaliste, mais aussi d’une bonne part de l’opinion publique croate.

En septembre dernier, la Procureure générale Carla Del Ponte avait affirmé qu’Ante Gotovina se cacherait dans un couvent franciscain de Croatie ou de Bosnie. Ces informations avaient cependant été démenties par le Vatican et les autorités de Zagreb. Si l’on ignore encore les détails de la cavale de l’ancien légionnaire, il est certain qu’il a pu disposer de précieux appuis, aussi bien en Croatie qu’à l’étranger.

Il bénéficiait de protections très particulières

Ante Gotovina est né en 1955 sur la côte dalmate. À 18 ans, le jeune homme s’enfuit de Yougoslavie, en se faisant embaucher comme matelot. Il gagne Marseille où il s’engage dans la Légion étrangère, sous le nom d’Ivan Grabovac. Affecté au 2ème Régiment étranger de parachutistes, basé à Calvi, en Corse, il fait alors une rencontre déterminante : celle de son «frère d’armes», Dominique Erulin. Les deux hommes servent sous les ordres du frère de ce dernier, le colonel Philippe Erulin, au lourd passé de tortionnaire en Algérie.

En 1979, Gotovina obtient la naturalisation française et quitte la Légion. On le retrouve dans plusieurs officines de sécurité, notamment la compagnie KO International, filiale de VHP Security. Cette entreprise est connue comme un paravent du Service d’action civique (SAC). KO International assure également la sécurité de Jean-Marie Le Pen.

Le parcours d’Ante Gotovina devient de plus en plus trouble. Gotovina et Erulin séjournent en Amérique Latine, où ils assurent des formations paramilitaires. Les deux hommes sont des fugitifs. Ils alternent les séjours en France et en Amérique Latine. En septembre 1981, ils cambriolent un riche fabriquant de coffre-forts, Henri Salomon. Le montant du casse est estimé à deux millions de francs. Peu après, les deux hommes organisent également une prise d’otage en Vallée de Chevreuse qui va faire long feu,  la victime parvenant à ne pas payer la rançon exigée. Arrêté à l’occasion d’un retour en France, condamné en 1986 par la Cour d’assise de Paris à cinq ans de réclusion, il est libéré dès l’année suivante, dans des circonstances qui semblent prouver qu’il bénéficiait de protections très particulières.

En 1990, il revient dans son pays natal, la Croatie, qui se dirige vers l’indépendance et va mettre à contribution les évidentes qualités militaires de l’ancien légionnaire. Ante Gotovina gravit les échelons de la hiérarchie militaire à toute vitesse. En octobre 1992, il est nommé commandant du district militaire de Split.

Ante Gotovina joue un rôle central dans l’opération «Tempête», déclenchée par la Croatie le 4 août 1995 pour reprendre la Krajina occupée par les sécessionnistes serbes. L’acte d’accusation du TPI contre Ante Gotovina, en date du 21 mai 2001, évoque «les meurtres illicites de Serbes», «le pillage de villages ou de biens serbes, notamment de maisons, dépendances, granges et du bétail».

Un des points les plus surprenants du dossier Gotovina demeure le long silence des autorités françaises. L’ambassade de France à Zagreb avait pourtant délivré un passeport au citoyen Gotovina  le 11 avril 2001, six semaines avant son inculpation officielle par le TPI. Ante Gotovina est en tout cas à ce jour le premier titulaire d’un passeport français traduit devant le TPI.


par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 08/12/2005 Dernière mise à jour le 08/02/2006 à 18:28 TU

Droit de réponse

La famille ERULIN a pris connaissance de l’article dans lequel RFI parlait du Colonel Philippe ERULIN, et a évoqué à son propos « un lourd passé de tortionnaire en Algérie… »

La famille ERULIN rappelle que le Colonel Philippe ERULIN, héros de la bataille de Kolwesi, a eu en Algérie, alors qu’il était lieutenant une conduite exemplaire. Blessé deux fois, dont une gravement, cité quatre fois, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur à 26 ans, avec les appréciations suivantes : « calme, plein de sang froid, se comporte sur le terrain comme un véritable chef, exemple vivant pour les cadres et pour la troupe ». La diffamation répandue sur son nom, après son décès par une certaine presse, a toujours été condamnée.

Officier dont les qualités humaines étaient reconnues par tous comme véritablement exceptionnelles, Commandeur de la Légion d’Honneur, le Colonel Philippe ERULIN a été salué, à son décès, dans les termes suivants : « Des générations d’officiers, malgré la brièveté de votre carrière, ont été marquées par votre exemple ».