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Nigeria

Sécurité aérienne : l’état d’urgence

Olusegun Obasanjo (à G) et son ministre de l'Aviation, Babalola Borishade, le 13 décembre, lors d'une réunion d'urgence sur les problèmes aériens que rencontre le Nigeria depuis 3 mois.(Photo : AFP)
Olusegun Obasanjo (à G) et son ministre de l'Aviation, Babalola Borishade, le 13 décembre, lors d'une réunion d'urgence sur les problèmes aériens que rencontre le Nigeria depuis 3 mois.
(Photo : AFP)
Après le crash meurtrier d'un avion de la compagnie Sosoliso, samedi dernier au sud du pays, le président nigérian a convoqué une réunion d'urgence réunissant tous les acteurs du secteur aérien. Retransmis à la télévision nationale, le débat a révélé les défaillances multiples qui ont conduit à la série noire de catastrophe aérienne des trois derniers mois.

De notre correspondante au Nigeria

Tapant du poing sur la table, Olusegun Obasanjo interrompt le discours d'un responsable de l'aviation civile en pleine énumération des procédures: «Ce que vous faites ne m'intéresse pas, si vous le faisiez bien, nous ne serions pas ici». Le ton est donné. Depuis l'absence de matériel adéquat de lutte contre les incendies sur la majorité des aéroports, jusqu'au manque d'entraînement des pilotes fatigués par des plans de vol surchargés, en passant par les mille et une pratiques douteuses et l'obsolescence des infrastructures, tout est dit. Certains voudraient aller plus loin. «Nous ne parlons pas de celui qui assure la sécurité des airs, Dieu», tonne un intervenant. Il est temps de conclure. Olusegun Obasanjo stigmatise la corruption. Selon lui, un agent de régulation qui accepte des billets gratuits en échange d'un contrôle de complaisance est «purement et simplement un meurtrier».

Créer une culture de la sécurité

Les premières mesures tombent: la compagnie nigériane Chang Changi , sur laquelle ont été signalés de nombreux problèmes techniques, et Sosoliso, dont le DC 9, vieux de 32 ans, s'est écrasé samedi dernier, sont clouées au sol en attendant l'inspection. Avec le concours de deux experts internationaux, tous les avions volant au Nigeria doivent être contrôlés d'ici à une semaine, ceux qui ne répondent pas aux normes seront interdits de vol. «C'est un premier pas important», souligne un opérateur étranger, «on est en train de créer une culture de la sécurité».

Le coup de gueule présidentiel est à la mesure de l'enjeu. Deux avions de ligne et un avion privé se sont écrasés ces trois derniers mois, ces accidents ont fait plus de 230 morts, la majorité des victimes du crash de samedi dernier étaient des enfants d'un collège jésuite d'Abuja. Olusegun Obasanjo n'est pas seulement inquiet pour les usagers, il l'est aussi pour l'économie du pays. Il n'y a pas d'alternative à la voie des airs au Nigeria,  les distances sont longues, les routes sont peu sûres, fréquentées par des bandes armées et des épaves roulantes qui créent de terribles accidents. Quant aux chemins de fer, ils ont sombré, sur fond de ruine des entreprises publiques.

Une problématique africaine

Avec le développement d'Abuja, la capitale, à environ 700 kilomètres au nord de Lagos, capitale économique, la demande a cru et les compagnies aériennes se sont multipliées. Une problématique qui est celle de tout le continent: depuis la disparition d'Air Afrique, consommée en 2002, de nombreux opérateurs ont investi le ciel africain. La croissance du trafic aérien y est supérieure à la moyenne mondiale. Le marché est rentable: pour preuve, il attire les gros comme Air France qui a investi dans Air Ivoire, la nouvelle compagnie nationale ivoirienne. Les petits tentent aussi de s'y tailler une part de marché.

Chaque pays à sa compagnie nationale. Avant le crash de samedi, Sosoliso avait des ambitions à l'international. Alors qu'elle fêtait en août dernier ses cinq ans d'activité au Nigeria, son président les avait confiées à la presse. Devenu compagnie nationale du Liberia, Sosoliso desservirait bientôt plusieurs villes en Afrique de l'Ouest. Avec une flotte vieillissante constituée essentiellement de DC-9 achetés en ex-Yougoslavie.

L'usager en danger

Face à la diversité de l'offre, l'usager a du mal à s'y retrouver. Un représentant en électroménager d'une compagnie française dit «bricoler son plan de vol d'un pays à l'autre en fonction des informations qu'il récolte sur Internet et de la réputation des opérateurs». Cette dernière notion est quelque peu subjective. Avant le crash du 22 octobre dernier au Nigeria, la compagnie Bellview était l'une des rares à jouir d'une réputation de fiabilité. Un chargé de mission d'une ambassade occidentale ironisait sur cette image. «Vous les avez vu, les ateliers de maintenance de Bellview ? Moi pas.»

Dans un univers de plus en plus compétitif, plusieurs compagnies africaines vivotent au bord de la faillite. La Cameroon Airlines a été temporairement placée sur liste noire par la France pour une maintenance jugée insuffisante, Ghana Airways a disparu l'année dernière, remplacée par Ghana International Airlines en octobre, Air Gabon est mourante.  Sur le site du ministère des Transports britannique, Air Mauritanie est sur liste noire et cinq des six pays interdits d'espace aérien sont africains. Parmi eux, la République démocratique du Congo, qui détient le record en terme de fréquence d'accidents. En novembre 2005, seules trois compagnies africaines avaient passé l'audit de sécurité opérationnelle de l'AITA (Association internationale du trafic aérien) sur un total de 140 lignes aériennes contrôlées. L'Afrique ne représente que 4,5 % du trafic mondial et pourtant, en 2004, un quart des accidents entraînant la perte d'un avion y ont eu lieu.


par Virginie  Gomez

Article publié le 14/12/2005 Dernière mise à jour le 14/12/2005 à 11:59 TU

Audio

Gérad Deloche

Consultant indépendant en aéronautique

«Les accidents sont peut-être dûs à un problème d'entretien, de nombre de vols par an.»

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