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Union européenne

Un budget à l’arraché

Tony Blair et Jacques Chirac au sommet de Bruxelles sur le budget.(Photo: AFP)
Tony Blair et Jacques Chirac au sommet de Bruxelles sur le budget.
(Photo: AFP)
Un compromis a finalement été trouvé tard dans la nuit entre les partenaires européens sur la difficile question du budget. Le Premier ministre britannique, Tony Blair, a accepté de réduire le montant du rabais dont son pays bénéficie depuis 1984. Il renonce à 10,5 milliards d’euros pour la période 2007-2013. Mais en échange il a tout de même obtenu l’adoption d’une clause qui devrait permettre une «révision exhaustive et large» de l’ensemble du budget à l’horizon 2008-2009. Le financement de la Politique agricole commune (PAC) devrait donc pouvoir être réexaminé avant la fin de la période concernée par l’accord sur cette question, obtenu en 2003. Il s’agit d’une concession de la France qui refusait cette perspective jusqu’à présent. Les Britanniques qui assurent la présidence de l’Union européenne jusqu’à la fin de l’année ont aussi suivi l’avis de la majorité des Etats qui demandaient que le montant total du budget soit augmenté. Ils ont proposé qu’il atteigne 1,045% du produit intérieur brut des 25 membres auxquels s’ajoutent la Bulgarie et la Roumanie. Cela représente 862,4 milliards d’euros pour 2007-2013.

Les Etats membres de l’Union européenne ont pris l’habitude de comparer ce qu’ils versent au pot commun de l’Union et ce qu’ils reçoivent en retour. Dépenses, recettes, le tout sert à financer les politiques décidées par les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Union.

Chaque pays membre de l’Union met une somme en commun, une contribution, proportionnelle à sa richesse. Le même pays reçoit un financement en retour, qui a à voir avec son profil économique. S’il a un secteur agricole important, comme c’est le cas de la France, il reçoit beaucoup puisque l’agriculture est une priorité de l’Union. Si par ailleurs ce pays est en retard sur les autres au niveau développement, ce fut le cas du Portugal par exemple à son entrée dans l’Union, lui aussi reçoit beaucoup d’argent afin de l’aider à rattraper ses partenaires. Qu’il s’agisse de ces aides régionales, distribuées par le biais de plusieurs fonds, ou des aides agricoles, il s’agit dans les deux cas de politiques que l’Europe a toujours voulu privilégier. Ces dernières années, les fonds attribués à la Politique agricole commune ont régulièrement baissé. Cependant la PAC absorbe encore 43% du budget communautaire. De leur côté les aides attribuées par le biais des fonds structurels prennent 37% du budget total de l’Union. Il ne reste donc pas grand-chose pour financer d’autres politiques.

Le budget européen a fonctionné jusqu’à très récemment dans ce cadre. Mais ces dernières années, le manque de croissance, la mondialisation, les délocalisations, le chômage, ont amené les pays les plus riches de l’UE à être plus regardants sur la quantité d’argent qu’ils mettent dans le budget européen. Ces pays sont des contributeurs nets. Leur secteur agricole n’étant pas très développé, ils bénéficient peu de la PAC. Plus riches que les autres, ils leur revient moins d’argent par le canal des aides structurelles.

Donner moins, recevoir plus

La France est la première bénéficiaire de la PAC. Avec ses atouts agricoles et son savoir-faire en matière d’agro-industrie, la France est le premier pays agricole européen. Elle reçoit environ 43 milliards d’euros par an, ce qui représente à peu près 22% des dépenses agricoles communautaires. Bien que prospère, l’agriculture française a été obligée de se moderniser. Si l’agroalimentaire représente toujours l’un des premiers postes d’exportation français, en vingt ans, le nombre d’agriculteurs a été divisé par deux. D’où l’acharnement de Jacques Chirac à défendre bec et ongles le niveau des subventions européennes prévu jusqu’en 2013. Les agriculteurs font également partie de son électorat traditionnel.

Lorsque Margaret Thatcher était au pouvoir, cette Politique agricole commune avait suscité une opposition très virulente de la Grande-Bretagne. Entrée dans la Communauté économique européenne en 1973, la Grande-Bretagne ne voulait pas financer ces aides agricoles dont elle profitait peu, le pays étant plus tourné vers l’industrie. En 1984, au sommet de Fontainebleau, les partenaires européens de la Grande-Bretagne lui accordent une ristourne, un chèque. Depuis, la part de l’agriculture a baissé dans le budget européen et le Royaume-Uni est devenu l’un des pays les plus riches de l’Union. Pourtant, indexé sur le niveau des dépenses dans leur ensemble, ce chèque continue d’augmenter de manière mécanique. Si son niveau n’est pas freiné, il devrait atteindre plus de 7 milliards d’euros par an pour la période 2007-2013, le prochain budget.

Les discussions sur ce nouveau budget ont commencé il y a plusieurs mois déjà. Chaque fois, les Britanniques veulent associer une baisse potentielle de leur chèque avec une diminution de la Politique agricole commune. La France refuse puisque le prochain réexamen de la PAC est prévu en 2013.

La connexion entre le chèque et la PAC

La France, l’Espagne et l’Italie sont les plus contributeurs au chèque britannique. Ces trois pays en paient 60%. Il avait été décidé en 1984 que les pays les plus agricoles devaient contribuer le plus à cette ristourne britannique. Donc plus le budget européen augmente, plus le chèque reçu par les Britanniques augmente, plus les parts française, italienne et espagnole du chèque augmente, c’est mécanique. L’Allemagne, la Suède et les Pays-Bas n’ont pas été sollicités pour financer ce qui apparaît aujourd’hui comme un privilège, parce que ces trois pays-là étaient déjà les plus gros contributeurs au budget communautaire dans son ensemble.

L’élargissement est venu apporter de nouvelles charges au budget. Les dix pays entrés en 2004 attendent ces aides, agricoles et structurelles. Concernant ces dernières, les nouveaux arrivés devraient toucher plus de la moitié de l’enveloppe. L’entrée de ces dix pays, moins développés que les autres, va entraîner une redistribution de ces aides au développement, deuxième poste de dépenses de l’Union. Car le produit intérieur brut communautaire a baissé en intégrant le niveau de vie des derniers arrivés. Du coup l’Espagne, l’Italie, la Grèce et le Portugal se retrouvent exclus du système, ces pays sont devenus trop riches pour y avoir droit. Entre une participation importante au chèque britannique et la disparition des aides structurelles, l’Espagne et l’Italie peuvent se sentir lésées par le futur budget. Ces pays peuvent également envier le statut de l’agriculture française, indéboulonnable bénéficiaire du budget communautaire.

L’entêtement de Tony Blair à vouloir lier le rabais britannique à une réforme de la Politique agricole commune repose sur l’euro scepticisme des Britanniques. Loin d’employer cet argument de politique intérieure, le Premier ministre britannique, actuellement président de l’UE, met en avant la stratégie de Lisbonne. A travers cette nouvelle politique européenne, l’Union ambitionne d’être numéro un mondiale, à peu près dans tous les domaines. Financer la recherche et l’innovation permettrait de réussir le challenge. Le budget européen doit donc changer d’orientation. L’agriculture, les produits alimentaires, deviendraient secondaires.


par Colette  Thomas

Article publié le 16/12/2005 Dernière mise à jour le 17/12/2005 à 14:44 TU

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Jacek Saryusz-Wolski

Vice-président du parlement européen

«C’est sur le dos des pays les plus pauvres que l’on fait ce budget. On renonce à la politique de solidarité.»

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